Au début de l'été 2010, le Réseau Education Sans Frontières (RESF) a pris l'initiative de demander aux conseils régionaux, dont relèvent les lycées, de prendre sous leur protection les lycéens majeurs sans titre de séjour qui y étudient. La campagne avance à son rythme – le travail de sensibilisation des conseils régionaux prend du temps.
A ce jour, une dizaine de régions ont voté un voeu dans ce sens. Ainsi la Région Provence-Alpes-Côte-d'Azur "est solidaire dans les démarches de reconnaissances de la place des immigrés, y compris des sans papiers, en Provence Alpes Côte d’Azur. La Région s’oppose aux expulsions de jeunes majeurs et de familles dont les enfants sont scolarisés, en les plaçant sous sa protection afin d’obtenir la régularisation et leur permettre la poursuite de leurs études. Elle assure que les élèves et leurs parents menacés d’expulsion obtiendront son parrainage pour les accompagner dans leurs démarches de régularisation. La Région est solidaire avec celles et ceux qui se battent tout-au-long de l’année contre l’exclusion et pour un droit d’asile et de séjour conformes aux conventions internationales, notamment dans le cadre du Réseau Education Sans Frontières et la Ligue des Droits de l’Homme".
Le mouvement remonte de la base, avec l'adoption de voeux semblables par des conseils d'administration de établissements scolaires, surtout en Ile de France, où il existe probablement bien peu de lycées sans ces jeunes gens venus chercher en France un enseignement au delà du collège, inexistant ou inaccessible dans leur pays. Retourneront-ils au pays après leur formation pour prendre leur place dans la société de leurs parents, ou tenteront-ils leur chance en France ou ailleurs? Les forces de l'ordre ne leur laissent pas le temps de se poser la question et persistent à les maintenir dans la peur en cherchant à en expulser certains. Non sans se heurter à la vigilance des associations solidaires, et particulièrement du RESF, qui diffuse régulièrement des alertes telles que celle-ci.
Au delà de la chasse aux indésirables pratiquée par les forces de l'ordre, la contagion continue à gagner dans d'autres parties de la société administrative. Plusieurs signalements circulent ces temps-ci sur les réseaux. Extraits.
8 janvier 2011. "Vous trouverez ci-dessous l'un des avis de recherche que nous recevons dans les écoles du département de la Loire, et qui sont sans doute envoyés dans de nombreux départements. Ce message ressemble fortement à une recherche d'enfants de sans-papiers, l'inspection académique interrogée par le Snuipp de la Loire reste assez floue sur l'origine de la demande.
« A l'attention de Mesdames et Messieurs les Directeurs d'école
Pourriez-vous vérifier si les enfants nommés ci-dessous sont scolarisés dans votre établissement»."
[suit une liste de noms à consonance furieusement étrangère].
8 janvier. "J’ai eu, pour ma part, eu connaissance du document suivant :
Date : Mai 2010
Emetteur : Pour le préfet, l’attachée chef de service de l’immigration
Destinataire : Le Directeur d’une école primaire de la ville de Beauvais
« Je procède actuellement à l’examen de la demande de titre de séjour présentée par Mme …. de nationalité … domiciliée à Beauvais rue …… Afin de compléter son dossier, je vous remercie de me faire parvenir un certificat de scolarité concernant son enfant, …….., né le … D’autre part, pouvez vous me préciser depuis quelle date il est scolarisé dans votre établissement »."
Pour les plus grands, on signale des menaces de refus d'inscription aux examens ou de délivrance de diplômes.
5 janvier. "Le rectorat de Limoges aurait prévenu qu'il refuserai de délivrer des diplômes (genre brevet des collèges, donc même pour des élèves mineurs) à des élèves sous prétexte que les parents ne sont pas en règle (et ceci même si le gamin passe son examen (ce qui est, là, possible) et obtient la moyenne !)."
6 janvier. "Cette histoire du droit de passer les examens, et du droit d'obtenir un diplôme, quand on est "sans-papiers", est en train de devenir une affaire très inquiétante. En Indre-et-Loire, nous venons d'apprendre aujourd'hui :
1°/ que la proviseure d'un lycée professionnel de Tours vient de signifier par écrit à un jeune majeur inscrit dans son établissement qu'il n'aurait pas le droit de passer son bac pro à la fin de l'année, puisqu'il n'avait pas de titre de séjour.
2°/ que le secrétariat d'une UFR de l'Université de Tours vient d'écrire à un étudiant "sans-papiers" sous le coup d'une OQTF, inscrit en L2, qu'il devait fournir son titre de séjour, pour compléter son dossier. "
Or, formellement, l'Education Nationale est très claire sur le sujet. La circulaire du 20 mars 2002, adressée aux rectrices et recteurs, rappelle que la scolarité ne peut être, quelque soit l'âge de l'élève, subordonnée à la présentation d'un titre de séjour: "il n'appartient pas au ministère de l'Éducation nationale de contrôler la régularité de la situation des élèves étrangers ou de leurs parents au regard des règles régissant leur entrée et leur séjour en France."
D'ailleurs, la mise en oeuvre du refus de délivrance de diplôme n'est pas si facile:
"Les petites mains qui rentrent les notes sont des profs qui ont des copies anonymes et ensuite les petites mains qui font concorder les notes et les identités n'ont que l'identité (le nom) et le n° de candidat et ont bien trop de travail pour faire autre chose que de faire coïncider note et nom. Et ainsi de suite, les employés font un boulot mécanique.
Quant au jury d'examen, il a lui le nom, les notes et c'est tout et c'est lui qui délivre le diplôme. Il ne sait rien sur la nationalité des élèves et s'il doit tiquer sur les noms étrangers, il faut qu'il tique sur la moitié des candidats.... qui sont pour la plupart français."
Initiatives désordonnées d'administratifs zélés qui croient sentir le vent? Qui ignorent les règles? Ou effet d'instructions venues d'en haut? Ou bien les trois?...
"Je crois qu'on aurait tort de s'en tenir là, que la réalité est un tout petit peu plus complexe.
La convergences des "petits dérapages" devrait à elle seule nous alerter .
On commence à laisser entendre que sans les bons papiers pas d'examens, on envoie dans d'autres académies des listes d'enfants qu'on recherche, ailleurs on va refuser des inscriptions d'enfants de sans papiers, dans un centre de sécurité sociale (18° arr de Paris) on renâcle à rembourser des gens qui ne parlent pas français, un peu plus loin (17° arr de Paris) c'est un notaire qui refuse de faire un contrat de mariage à des étrangers en situation irrégulière .... Curieux, non?
Je précise que cette demande de renseignements [sur le présence d'enfants dans une école, ndlr] qui pourrait en surprendre plus d'un, est tout à fait légale lorsqu'elle émane d'un juge pour enfants, lequel passe par l'inspecteur d'académie en cas de rapt d'enfants ou de problèmes liés à des divorce difficiles; on demande d'ailleurs à ces occasions la plus grande discrétion mais c'est pour un enfant, pas quinze! Affublés qui plus est, de patronymes à contrôles d'identité!
On peut noter la perversité du procédé quant on sait qu'il suffirait d'aller à la mairie pour obtenir les listes.
A quoi ça sert, alors? A vérifier la servilité des personnels! Quel directeur va répondre sans poser de question? Quel directeur va s'offusquer et demander des comptes? Certains préparent leurs listes n'en doutons pas..."
Martine et Jean-Claude Vernier
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