La tomate, originaire du Mexique, a été rapportée en Europe par les conquistadores au 16ème siècle. Son "intégration" en France a pris un siècle: on se méfiait de cette intruse, soupçonnée d'être toxique. Une "immigration choisie" qui a pris son temps pour porter ses fruits.
Pendant ce temps-là, la pomme de terre était rapportée de la Cordillière des Andes par d'autres conquistadores. Avant son adoption par la population, il a fallu attendre deux siècles de méfiance et de crainte, et une roublardise de Parmentier: "Pour faire de la pomme de terre un légume précieux, il plante des champs aux alentours de Paris et obtient de Louis XVI qu’ils soient gardés le jour par des soldats, attisant ainsi la curiosité des passants. Profitant de la nuit, les curieux volent des tubercules et en assurent ainsi une excellente publicité. Le couronnement de la pomme de terre à la table royale finit d’assurer son développement. Sa culture se généralise avec la famine de 1789".
Sous nos yeux, les plantes migrent en altitude en réponse au réchauffement climatique: "Toutes les espèces ne migrent pas à la même vitesse : les espèces végétales à durée de vie courte, comme les herbacées, ont tendance à migrer plus vite en altitude que les espèces végétales dont la durée de vie est plus longue comme les arbres ou les arbustes.(...) Les plantes sont en train de migrer avec le changement climatique actuel pour conserver les températures nécessaires à leur survie. Les différentes vitesses de migration entre arbres et herbacées devraient conduire à un changement de la composition des communautés végétales et de leurs relations avec les espèces animales qui interagissent avec elles".
Aujourd'hui même, en France, les migrations internes sont incessantes et changeantes: "Les migrations internes observées en France entre 1954 et 2004 (...) suivent la même évolution, marquée par une augmentation de la mobilité de 1954 à 1975, suivie d’une baisse de 1975 à 1990. Depuis le début des années 1990, la mobilité résidentielle augmente à nouveau. (...) Le sens des courants migratoires a profondément changé au cours des cinquante dernières années, des régions attractives étant devenues peu attractives et inversement". On quitte le Nord et l'Est pour les régions atlantiques, ou le Sud, selon l'âge de la vie. On vient en Île de France pour les études et un premier emploi et on en repart pour trouver ailleurs une vie meilleure.
Il en est de même partout dans le monde et à toutes les échelles. Une carte interactive fort astucieusement conçue permet de connaître, pour chaque pays, d'où viennent les résidents étrangers et où les nationaux sont partis s'installer. Un voyage autour du monde riche en surprises. On découvre ainsi que de toute l'Amérique latine, excepté l'Argentine et le Chili, on part s'installer au Pakistan! Ou le rôle d'attracteur de l'Allemagne, de l'Arabie Saoudite, les migrations régionales et celles à l'autre bout du monde, par exemple entre le Japon et le Brésil...
Un voyage qui n'aide pas à comprendre la volonté de fermeture de l'Europe, ni l'obstination de nos gouvernements successifs à ne voir d'autre réponse à ce mouvement perpétuel que la tentative de contrôle, quelles que soient les intentions proclamées. Le pouvoir actuel dit rechercher "l'équilibre indispensable entre le respect des libertés individuelles et les exigences de maîtrise des flux migratoires". Etrange programme, alors que l'usage du terme flux migratoire sonne comme un déni des libertés individuelles.
Martine et Jean-Claude Vernier
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