Dans l'enfer des sans-abris, pas de préférence nationale, juste pas de place pour toutes les familles à la rue. Les migrants sans titre de séjour, de quel ministère vont-ils relever? Affaires sociales? Logement? On ne nous fera pas croire que c'est une affaire de police et de délinquance...
Ces familles étrangères sans abri, elles n'ont presque rien, pas le droit de travailler normalement, elles n'ont sûrement pas de quoi repartir, mais elles savent qu'un avenir meilleur pour leurs enfants passe par l'école. On ne va quand même pas les enfourner dans des avions pour des pays qu'elles ont fui, où personne ne les attend plus.
Les amis de migrants en ont plein leur besace, de ces histoires d'errances obstinées, parfois signalées par les enseignants des enfants - une famille de réfugiés tchétchènes qui dort dans les salles d'attente des hôpitaux depuis une semaine et est nourrie par les parents de l'école des enfants, une famille srilankaise envoyée aux quatre coins de l'Ile de France avec changement tous les quatre jours...
Et puis, et puis...
''Des familles pas logées du tout dont les enfants vont pourtant à l'école,
des familles dont les enfants sont qui dans un primaire du 17ème (à Paris), qui dans un lycée du 4ème, qui dans un collège du 94, au gré des changements d'hôtels successifs,
des familles qui ont dû en 24h casser tout lien après avoir été logés au centre de Paris, puis en banlieue nord puis en banlieue sud, puis un peu loin d'Orléans, exclu comme bien des parisiens par un mouvement centripète, et on ne peut plus scolariser le grand parce que sa spécialité n'existe pas ici, et on doit retourner de temps en temps à Paris pour y faire ses démarches,
des familles qui changent tout le temps d'hébergement par le 115 (mais tous les 5 jours, me semble-t-il), de familles soi disant stabilisées mais qui doivent chaque jour faire leurs 3 ou 4h de transport pour balader leur gosse quotidiennement à l'école. Et le parent passe la journée dehors sans un sou même pour un café parce que c'est aussi trop cher de reprendre un aller-retour pour retourner chez soi,
pas par snobisme de la scolarité parisienne, même pas pour préserver la scolarité d'une année au même endroit, non, juste parce que Paris ne refuse pas la scolarisation par principe, ou accepte des réductions cantine et péri-scolaire.
La cantine? 60€ par mois et par enfant en primaire, mini. Pourquoi la cantine? parce qu'en rentrant dans le Mister Bed ou le Confotel le soir, il n'y aura pas toujours de quoi cuisiner.
Le transport, c'est pas mal non plus: réduction même pas envisageable, tant qu'on n'a pas l'AME (Aide Médicale de l'Etat), pas d'AME si on ne remplit pas les conditions exactes.
Le 115, c'est des heures au téléphone (dans Paris si tu es au 115 parisien), donc tous les 5 jours, une décision prise à partir de 19h mais c'est parfois à 21h ou plus qu'on te prévient que tu dois aller, avec tous les bagages, mais sans un sou pour le billet dans un hôtel loin de la gare, dans une sombre zone industrielle où il n'y a personne pour indiquer le chemin. Et si tu refuses de t'y rendre, c'est foutu tu n'as plus rien, plus jamais.
... Des fois, tu es une dame avec du diabète qui ne peut pas marcher qui sort de l'hôpital, et tu es prévenue à 20h que tu as un hôtel à 4km de la gare sans bus dès 19h, ou tu es une mineure qui doit faire une TS pour pas dormir dehors devant l'hôtel qui t'a jetée, parce qu'une mineure doit être protégée de la vue des prostituées...
Des familles dans le même hôtel depuis deux ans, mises à la porte à 15 jours de la fin de l'année scolaire à la suite d'un refus d'asile, et tant pis pour les examens du petit.
Je pourrais continuer ad nauseam.
Tout ça, on a, vu récemment mais des cas anciens aussi.
Et le Samu social, les centres d'hébergement pour les demandeurs d'asile (CAFDA), leurs personnels sur le terrain clairsemés, soumis à des impératifs comptables parfois incompréhensibles – comme diminuer le prix des journées, sur lequel ils n'ont pas de prise.
Il n'y a plus de référents personnels dans Paris pour suivre les gens, on voudrait que chacun devînt gestionnaire (de la pénurie)...
Un CADA nous a envoyé un monsieur "en vue de sa prochaine fin de prise en charge" (un mois après un refus d'asile) - pour tenter qu'on ne lui enlève pas tous ses étais d'un coup.
Mais je veux dire aussi que j'ai vu, à force de réseau et d'équipe, ces derniers jours, des histoires qui se terminent bien...
Sylvie Brod et ObservEnfer75 (observatoire de l'enfermement à Paris),
Martine et Jean-Claude Vernier
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