Apparemment bien oublié, Maurice Clavel nous appelle encore et toujours à la résistance.
L'histoire se passe en 1971. Cette année-là, sous l'impulsion du Président de la République Georges Pompidou et du ministre de l'Intérieur Raymond Marcellin, une vague de censure avait submergé la presse française. Dans de nombreuses rédactions de toute la presse, écrite ou audiovisuelle, des journalistes voyaient leurs articles « corrigés » ou interdits de parution par les rédactions en chef, des journaux avait été interdits pour « atteinte à la sûreté de l'Etat ». Parmi ceux-ci le journal de la Gauche Prolétarienne, La Cause du Peuple. Un journaliste de sa rédaction, Jean-Claude Vernier, celui qui vous parle, avait rencontré certains de ses confrères et décidé avec eux de ne pas se laisser envahir par le désespoir. Nous fîmes le projet de créer une agence de presse désireuse de « tout dire à des gens qui veulent tout savoir » (rien de moins !).
Pendant le mouvement de mai 1968, un journaliste avait fait l'unanimité de ses confrères par ses billets dans un quotidien, Combat, c'était Maurice Clavel. Je fus chargé d'aller le trouver pour lui demander de nous aider à démarrer notre projet et lui donner, par sa notoriété, l'aura qu'il fallait pour se faire connaître. Il accepta immédiatement et quelques semaines plus tard, après une formation accélérée au b-a ba de l'impact journalistique, nous fîmes paraître les premiers bulletins de l'Agence de Presse Libération (APL) avec sa collaboration. En quelques mois, l'APL avait acquis une réputation honorable dans la presse française ». J'en étais le directeur.
Au début du mois de décembre, je reçois un coup de téléphone de Clavel : « Je participe ce soir à une émission de télévision qui s'appelle « A armes égales » pour laquelle Jean Royer, maire de Tours, et moi-même avons été invités à faire un film, qui sera projeté en introduction à la discussion sur les moeurs en France. J'en ai préparé un qui s'appelle « Le soulèvement de la vie », un commentaire illustré sur ce que je pense de la situation actuelle. Mais j'ai reçu cet après-midi un coup de fil de l'Elysée qui m'a demandé des aménagements dans mon texte, ce que j'ai évidemment refusé de faire. Mais je suis inquiet de la suite des événements... Alors tu vas préparer un communiqué... au cas où ! »
Sur le plateau, son film fut diffusé, amputé de la phrase qui avait déplu au Président: “A l'heure où le Président de la République confie à un très grand journal américain l'aversion et l'agacement que lui inspire la Résistance française, il est bon que le peuple y pense, et en tressaille." Maurice Clavel lança son célèbre "Messieurs les Censeurs Bonsoir ! " et quitta avec fracas l'émission, tandis que le communiqué que j'avais préparé était diffusé à toute la presse !
Voilà comment naquit ce besoin de transcender l'information cachée qui me fait aujourd'hui participer au blog de « Fini de rire » sur Mediapart.
Non content d'avoir censuré le film de Clavel, l'ORTF le "perdit"... Nous l'avons refait avec Joris Ivens et Maurice. On peut le voir ici.
Jean-Claude Vernier
La mise en ligne du film en accès libre par l'Institut National de l'Audiovisuel a été possible grâce à Michel Arowns, Elia Clavel et Marceline Loridan-Ivens. Qu'ils en soient remerciés.
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