Proclamations de refus sur le front du régime des retraites, promesses vite oubliées du côté des travailleurs étrangers sans titre de séjour: il y a de l'inflation sur la monnaie de singe dans la France d'en haut.
Il existe une Convention internationale sur « la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille », dite Convention sur les travailleurs migrants. Adoptée le 18 décembre 1990 par l’Assemblée générale des Nations Unies, elle est entrée en vigueur en 2003. Elle a été ratifiée par 42 États et sa ratification est en cours dans 16 autres ; mais, à ce jour, aucun Etat membre de l’UE n’a voulu la signer, malgré les campagnes menées à épisodes réguliers.
La France est opposée à la ratification de cette convention car, déclarait en 2005 le ministère des affaires étrangères, "certains éléments contenus dans la convention (dispositions fiscales) soulèvent des difficultés techniques".
Serait-ce la raison pour laquelle l'administration évite de se hâter pour respecter les "engagements" pris le 18 juin dernier envers les grévistes sans papiers soutenus par cinq syndicats et six associations?
Les grévistes et leurs soutiens se sont échinés tout l'été pour constituer les épais dossiers répondant aux innombrables exigences des administrations. La moisson est maigre - quelques dizaines de dossiers étudiés sur les quelque 1800 déposés - mais la technique de dilution est au point dans l'administration, comme le suggèrent ces deux échanges de question-réponse sur le réseau des soutiens.
Question: Lors de notre dernier rendez vous avec la préfecture, on nous a opposé une version consolidée du guide des bonnes pratiques avec l'addendum. Mais je ne trouve rien sur internet. Quelqu'un a-t-il ce texte ?
Réponse: Et pour cause, il semble que cette version ne soit jamais sortie...
Question: Quelqu'un sait-il où trouver la liste officielle des 85 métiers?
Réponse: Visiblement, cette liste des 85 métiers n'est JAMAIS parue officiellement. Même les syndicalistes qui sont en charge du dépôt des dossiers des travailleurs grévistes n'en ont jamais vu l'ombre...
Alors, exaspérés par cette attitude, quelques centaines de grévistes ont décidé de réagir. Dans la matinée du 7 octobre 2010, ils ont tranquillement envahi la Cité Nationale de l'Histoire de l'Immigration (CNHI). Inauguration par la base d'un lieu consacré aux apports de l'immigration à la France qui fut inauguré une première fois en l'absence des autorités, le 10 octobre 2007.
Ils sont là depuis 15 jours, plutôt bien accueillis, toujours soutenus par les "Onze" - cinq syndicats (CGT, CFDT, Solidaires, FSU, UNSA) et six associations (Ligue de Droits de l’Homme, Cimade, Réseau Education Sans Frontières, Femmes Egalité, Autremonde, Droits Devant!!). Ces mouvements organisent divers évènements: nuit blanche du 11 octobre, représentations Le 23 octobre: "Toute vie est une vie", Ubu expulseur façon commedia dell arte. De nombreuses personnalités et des élus se succèdent à la Cité pour apporter leur soutien aux grévistes. Une partie des grévistes qui ont pu reprendre le travail vient passer les nuits avec eux.
Cette initiative des travailleurs a au moins permis aux syndicats des "Onze" de reprendre – andante, ma non troppo - les contacts avec le ministère de l'immigration et la direction du travail.
Le 11 octobre,
" La délégation a réitéré ses revendications :
- un récépissé avec autorisation de travail pour les 6804 grévistes
- que les accords qui pourront être trouvés à l’issue de ces discussions soient écrits.
Le ministère
- a reconnu que le retard dans le traitement des dossiers était de sa responsabilité. Les DIRECCTE [directions départementales du travail, ndlr] ne savent pas faire. Il va leur être demandé de transmettre plus rapidement les dossiers en préfecture après simple relevé de leur contenu. Les préfectures devraient recevoir comme consigne de délivrer plus largement les récépissés avec autorisation de travail;
- a décidé de réunir les DIRECCTE et Préfectures;
- établirait une nouvelle liste des pièces pour composer les dossiers, « allégée »;
- possibilité de considérer à la fois le travail et la durée de présence en France, pour une gestion plus bienveillante de la part des préfectures;
- a demandé que les grévistes quittent la Cité nationale de l’histoire de l’immigration."
La prochaine réunion est prévue au ministère de l'immigration le jeudi 21 octobre dans la matinée.
" Des avancées - encore orales - autorisent à penser qu’il y a une volonté politique de régler ce conflit vieux de plus d’un an maintenant, auquel se rajoute aujourd’hui celui sur les retraites."
Ces travailleurs n'auront pas de retraite, bien qu'ils y contribuent sur leurs salaires. Auront-ils seulement le droit d'aller à leur travail sans passer par la case centre de rétention avec menace d'expulsion?
Martine et Jean-Claude Vernier
P.S. Coïncidence intéressante: le Groupe de recherche et de réalisations pour le développement rural (GRDR) organise les 19 et 20 novembre 2010 à la Cité Nationale de l’Histoire de l’Immigration une journée sur "Les migrations subsahariennes : par delà les clichés, des richesses à valoriser." " Tables rondes, expositions, défilé de mode de créateurs africains en France et échanges directs avec des associations de migrants, ces rencontres vous proposent un autre regard sur l’immigration." --
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