La négation du politique ?
Dans le cadre contraignant de la culture du négoce, insidieusement, s’insinue la remise en cause :
- des principes fondateurs de la démocratie et en France de la République (res-publica),
- des droits de l’homme et de leur universalité.
D’une part, le concept de « concurrence libre et non faussée », la réduction de l’intérêt général au seul solde de l’affrontement des intérêts particuliers, la rationalité des comportements individuels fondée sur le principe de rareté, conduisent à exclure la régulation des relations sociales de la sphère publique (du champ politique) et à la renvoyer dans le champ des relations inter individuelles, dans la sphère du juridique. La souveraineté et la délibération citoyennes sont reléguées à l’arrière plan de la négociation (du négoce) et du contrat de droit privé.
D’autre part et simultanément, l’expression de l’instinct de solidarité, et l’exercice de la rationalité solidaire ne sont interprétés que comme conséquences naturelles du sentiment d’appartenance à une collectivité territoriale, et sont confinés aux périmètres étroits hérités des civilisations pré-démocratiques (« l’ancien régime » de l’Europe). Dès lors, la souveraineté et la délibération citoyennes procèdent du droit du sol et non de l’exercice des droits de l’homme ; le « contrat social » est inféodé, du local au national, au sentiment patriotique ; le chauvinisme, la xénophobie et le nationalisme prévalent et sont les fruits de cette supercherie culturellement coercitive. Le « patriotisme économique » et le protectionnisme en sont les expressions, comme négations irréalistes du droit universel et de la citoyenneté désormais planétaire[1] qui devrait logiquement s’imposer.
[1] Voir le cheminement possible par l’étape intermédiaire de la citoyenneté « régionale », au sens de continentale, selon Emmanuel TODD dans « Après la démocratie »