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Billet de blog 15 mars 2009

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Et si on commençait par le début.

Et chacun bien sûr de s’ingénier à démontrer que son début est plus début que celui des autres. Qu’à cela ne tienne, je vous propose mon début à moi, libre à vous d’en proposer un autre ; nous avons pris l’habitude de la controverse, cultivons la. Joyeusement ou avec pugnacité, prenons la parole et délibérons.En guise d’introduction, voici une petite synthèse personnelle rédigée le 19 Octobre 2008, il y a donc 5 mois, au lendemain d’un forum de professionnels d'un mouvement d'Education Populaire.

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Et chacun bien sûr de s’ingénier à démontrer que son début est plus début que celui des autres. Qu’à cela ne tienne, je vous propose mon début à moi, libre à vous d’en proposer un autre ; nous avons pris l’habitude de la controverse, cultivons la. Joyeusement ou avec pugnacité, prenons la parole et délibérons.

En guise d’introduction, voici une petite synthèse personnelle rédigée le 19 Octobre 2008, il y a donc 5 mois, au lendemain d’un forum de professionnels d'un mouvement d'Education Populaire.

HYPOTHESE Voici qu’en cette fin 2008, se profile la perspective d’une crise majeure, c‘est à dire sociale, politique et internationale. Autrement dit, porteuse des risques non négligeables : - de démantèlement des valeurs et des systèmes structurant les sociétés civiles - de replis sécuritaires catégoriels, communautaristes et nationaux et d’abandon de l’ambition démocratique,- d’explosion d’affrontements généralisés, infra et inter nationaux.La crise financière n’étant que le symptôme, et la conséquence immédiate de l’irrationalité de notre civilisation et non, comme cherchent à nous le faire croire les discours convenus, la cause passagère de difficultés économiques toutes aussi passagères, une simple question d’ajustement en quelque sorte.Ce mensonge d’état s’incarne dans l’imposture ultime (?) qui consiste (en « re-finançant » le système bancaire) à hypothéquer le bien commun sur le cautionnement accordé aux organismes financiers défaillants. C’est-à-dire faire à la fois endosser la malhonnêteté foncière et garantir les privilèges acquis des possédants par les contribuables des états nations.Ce n’est pas un hasard si pour des raisons apparemment différentes, cette stratégie a été initiée à Washington, à Londres et à Paris, ni que Berlin manifesta quelques hésitations … (mais ce serait un autre débat). C’est une fuite en avant, une de plus ; une prise de risque insensée qui parie sur l’efficacité de la compromission généralisée. Qu’importe les conséquences, ou plutôt, « tant qu’il y a de la chair à canon, tous les espoirs sont permis ».Ce cynisme qui prétend prévenir de fausses causes pour mieux anticiper leurs prétendues conséquences, ne fait en réalité que précipiter l’achèvement du long processus d’asservissement planétaire au mythe du bonheur par l’appropriation et à ses corollaires paradigmatiques, les principes de compétition et d’accumulation.Mais nous voici donc arrivé par voie de conséquence au moment (si prévisible pourtant), où les initiateurs de cette soit disant spirale vertueuse, les nations occidentales, vont en devenir les premières victimes … à l’aune même de ces principes, c'est-à-dire de leurs propres valeurs, celles sur lesquelles a été fondée leur emprise sur le monde et leur propérité.La première et surtout la deuxième guerre mondiale étaient pourtant déjà des signes avant coureurs, des sonnettes d’alarme, il ne restait déjà plus beaucoup de perspectives d’exportation coloniale des crises, il fallait se résoudre à les « gérer » en interne. On sait comment.Depuis, la planète est devenue un village.Et les villageois des quartiers encore riches, pour quelques années, quelques mois peut-être ont peur. Après s’être inquiétés pour l’avenir de leurs enfants, voici que leur propre avenir s’obscurci. L’orage gronde, l’angoisse monte, et avec elle le populisme s’épanoui de toutes parts, lourd de toutes les promesses … surtout les plus insensées. Loin d’honorer cette image qu’elle aime tant cultiver de patrie des droits de l’homme fondatrice, creusé de la démocratie, notre république Française, sous la houlette d’un fou dangereux (dangereux parce que intelligent et cohérent comme tous les fous de son espèce), monte en première ligne hélas avec unanimité. Tous en quête de leurs propres survies, nos politiciens de tous bords participent à cette triste mascarade compétitive et démagogique qui consiste à encore et toujours à promettre : la relance, la sauvegarde du modèle, et pourquoi pas 300 € à la fin du mois. Tant qu’on y est, pourquoi se priver.Pourtant, depuis 1973, premier « choc pétrolier », la réalité de leurs pouvoirs perd chaque année un peu plus de sa substance, jusqu’à en être aujourd’hui totalement vidée. Leurs marges de manœuvres se sont réduites au point de ne plus pouvoir prétendre à d’autres effets que cosmétiques, uniquement destinés à assujettir toujours un peu plus les peuples aux lois du marché, et cependant ils pérorent toujours.En dépit de l’évidence.Pour pouvoir désormais garantir l’accumulation de richesse (qui est sa seule et éternelle vraie raison d’être), le capitalisme n’eut d’autre issue à compter des années 1973/74 que de se déconnecter peu à peu de la production et du commerce des biens, ainsi que de toutes leurs contingences, pour ne plus en être tributaire et pouvoir se consacrer uniquement à sa propre maîtrise spéculative à la table de jeu planétaire des taux de croissance sectoriels ou régionaux. C’est ainsi que dans un même mouvement, il se financiarisait, se dématérialisait et se déterritorialisait, siphonnant de fait la substance des états nations et le principe actif[1] de la souveraineté des peuples, qui lui servaient de fondement depuis les révolutions du 18ème siècle. Ce mouvement s’épanoui au cours des sinistres années 80 sous la houlette du non moins sinistre duo « Thatcher-Reagan » ; chez nous, en France, il pris corps en 1983/84, avec le « fameux tournant » que du prendre le pouvoir de gauche et qui aurait du réveiller la fonction critique de ce côté ci du spectre politique. Il n’en fut rien, et nous en sommes toujours au même point. « Revaloriser le travail », « redistribuer la richesse », « relancer la demande », « favoriser l’accession à la propriété », « je veux une France de propriétaires », entend-t-on d’un bout à l’autre de l’échiquier.Qui peut encore y croire ? Raisonnablement, plus personne. Nous en arrivons donc à cet instant précis, où le discours politique, art de la projection collective, est tellement déconnecté de la réalité pressentie, voire déjà vécue par une part de plus en plus grande de la population (tellement grande qu’on ne peu même plus la cacher), qu’il n’a plus aucun sens. Et c’est là qu’un boulevard s’ouvre pour le sauveur providentiel, pour celui qui saura mieux que les autres dire qu’il détient la solution, désigner les boucs émissaires, proclamer l’ordre nouveau … l’identité et la révolution nationale … puis la mobilisation générale. A l’issue des élections présidentielle et législative qui les ont amenés au pouvoir, François Fillon et Nicolas Sarkozy ont cru bon d’affirmer qu’ils avaient gagné la bataille électorale parce qu’ils avaient d’abord gagné la bataille idéologique. Fausse victoire qui ne consacre en réalité que l’échec politique d’une alternative « aux marges » et le caractère illusoire du projet d’inflexion sociale auquel elle s’accroche désespérément ; grotesque forfanterie par ailleurs, qui sous l’apparence d’une évidence ne dit que le cynisme ou l’aveuglement de ses auteurs et surtout le suicidaire abandon des victimes à leur désespérance. 21 mois plus tard, après l’acte 1 dit du « paquet fiscal », l’acte 2 dit de « la faillite » de l’état, voici l’acte 3 de la relance … Quand la nation incarne l’injustice, avoue ensuite son impuissance et enfin abandonne les citoyens à leur angoisse du lendemain au moment même où elle les prend en otage à coup de milliards pour effacer les dettes de jeux du capitalisme, comment redonner de l’espérance ? Comment éviter le piège, l’emballement de cette machine infernale à fabriquer du va-t’en guerre ? Refuser le cynisme ambiant et le nihilisme qui le fonde, parier encore et toujours sur l’intelligence et l’éducation, être fidèle à l’ambition millénaire qui nous permet aujourd’hui de savoir lire écrire, discuter, délibérer, voter. Et d’un même mouvement, saisir l’opportunité, la fenêtre de tir pédagogique que nous offre ces temps d’inquiétude et d’alerte des esprits, pour en finir enfin avec les vieux dogmes d’une rationalité mortifère et nous engager tous et chacun pour la re-politisation du corps social:· nous ressaisir pour contribuer à l’élaboration d’un projet humaniste toujours un peu plus abouti et à la re-mise en perspective de son accomplissement ; réhabiliter l’exigence rationaliste le refus des dogmes, l’ambition progressiste et universaliste, · sans les discréditer, ne rien attendre toutefois des politiques au delà du seul débat d’intendance qu’il faut accompagner, et nous réapproprier la culture de la projection. Humanisme et rationalité : PROSPECTIVE Il faut en finir une bonne fois pour toutes avec les représentations positivistes et positivantes, l’impasse d’un éternel débat entre le marché roi et son ersatz régulé par l’état protecteur, le mythe d’une alternative entre la concurrence libre et non faussée d’une part, la rémunération du travail plutôt que celle du capital d’autre part.Tout cela n’est que capitulation, abandon avant d’avoir livré bataille, refus devant l’obstacle, acceptation de la régression imposée par le mercantilisme.Car sous couvert du principe de liberté, la théorisation de la concurrence ou de la compétition, par delà l’affirmation des « droits de l’homme », comme seul moteur du progrès, n’est rien d’autre que la scandaleuse régression au stade quasi primitif dans laquelle nous ont entraîné les théoriciens idéologues ultérieurs du libéralisme en dépit et au mépris des avancées philosophiques de leurs prédécesseurs du siècle des lumières. Il faudrait bien en arriver enfin à tenir compte des réalités.Et, sauf à considérer que la culture, c'est-à-dire la capacité d’élaboration, de transmission et de capitalisation des représentations, n’est pas le propre de l’homme, son caractère distinctif, les réalités sont bien, avant tout, culturelles. Et l’action éducative en quoi consistent abstraction, transmission et capitalisation est bien l’activité principale par laquelle s’élabore l’humanité de l’homme. Elle est son essence même. A la fois reproduction et projection, reflet et source du récit dans lequel l’homme se représente à lui-même. Dès lors il faut bien considérer que l’affirmation des « Droits », déclarés universels seulement en 1948, ne saurait être le point final de l’histoire. Au nom de quoi faudrait-il en effet considérer qu’ils sont l’aboutissement définitif, indépassable de la philosophie politique, de la philosophie et de la pensée humaine tout court ? Comment peut-on imaginer que la pensée soit un jour aboutie ?Les réalités auxquelles nous sommes quotidiennement et planétairement confrontés nous démontrent évidemment le contraire.Il ne suffit pas d’avoir des droits, encore faut-il que leur exercice soit garanti ; et que veulent dire nos droits si leur exercice ne garanti pas ceux de nos enfants. Il y a donc du grain à moudre, beaucoup même, pour échapper au nihilisme, refonder enfin une espérance collective, tracer des perspectives, et ouvrir par l’éducation un nouveau chapitre du grand récit, A commencer par l’enfermement du concept de citoyenneté dans l’horizon désuet du concept de nation. Voilà que déjà, sous couvert de leur présupposé positionnement « progressiste », voire « de gauche » certains experts, brillants économistes, envahissent nos média pour nous expliquer qu’à forte fièvre il faut un remède de cheval et qu’à tout prendre, par les temps qui courent, un retour aux bonnes vieilles politiques protectionnistes nationales serait moindre mal, et même souhaitable, en tout cas inéluctable. Voilà comment, une fois de plus du haut de doctes compétences spécialisées, on censure le débat public, on l’enferme dans le périmètre étroit de vérités qui n’ont d’autres utilités qu’à l’ombre du système de valeurs qu’elles servent et qui les justifie en retour. Voilà comment se faisant, on légitime implicitement ces valeurs et par avance toutes les dérives, tous les amalgames à redouter, auxquels on tire le tapis rouge. Alors même qu’il faudrait au contraire produire du sens sur les horizons renouvelés que nous a légué notre histoire récente et sur l’internationalisation enfin aboutie des clefs de compréhension de notre monde par « la grâce » de la mondialisation financière du capitalisme. Pour continuer il y a donc lieu de passer également à la moulinette « le droit » et « les droits ». Il y a là me semble-t-il quelque enfermement pervers qui se matérialise par cette croyance fortement ancrée au nom « des droits » selon laquelle le droit, l’état de droit, le si fameux droit positif serait par essence le meilleur antidote à la loi du plus fort et la seule protection possible des principe de justice et d’équité. Enfermement doublement pervers parce qu’il nous dit dans le même temps :- que le droit est source de progrès alors qu’il est par définition immobilisme, et respect de l’ordre établi - que le pouvoir judiciaire étant légitimé de fait, peut remplacer la délibération citoyenne, moyennant quoi nous voyons effectivement nos sociétés se « judiciariser », le politique se défausser, et les questions dites sociétales échapper, sous couvert de rapports d’experts près les tribunaux, au débat public et à la controverse politique. En réalité, c’est bien à l’aune des droits qu’il convient de considérer le droit, qui ne dit en fait que l’interprétation des droits à un moment et dans une société donnés et rien d’autre ; et qui si tôt promulgué en tant que produit d’un équilibre par définition passager, devient aussitôt révisable. Sauf à considérer qu’un point d’équilibre étant atteint il convient d’interrompre toute dynamique d’évolution. Ce qui est proprement stupide et porte un nom : le conservatisme. Or nous avons vu que la question des droits ne saurait se limiter à celle de leur énumération, mais doit aborder désormais celle des moyens de leur accomplissement selon l’ambition universaliste … à décliner dans le droit. Encore un beau chantier. Je vois enfin un troisième niveau qui mériterait qu’on y consacre quelques efforts. Directement lié au précédent, il touche aux mythes fondateurs, disons aux valeurs, et il me semble possible de l’aborder à travers le principe de rationalité selon la mise en perspective généalogique de ses déclinaisons à travers 3 âges successifs :
  1. celui de la rationalité de la soumission et de la croyance : caractérisé par la désignation du « surnaturel » comme siège de volontés et de puissances supérieures, ou transcendantes ; cet âge originel prend fin avec la sécularisation et la séparation du politique du religieux, il est la matrice des civilisations de la PEUR dominées par le prêtre, le militaire et le chef de droit divin.
  1. celui de la rationalité de la libération et de la connaissance : caractérisé par l’exploration, l’expérimentation et l’émergence des savoirs en lieu et place des croyances, cet âge est celui des monothéismes et de l’anthropocentrisme, de la transcendance des idées puis du dépassement du religieux, en occident il trouve son accomplissement avec les lumières et ses limites dans les dichotomies qu’il préserve, il est la matrice de la civilisation (contemporaine) de l’AVOIR dominée par l’explorateur (le scientifique), le juriste et le commerçant.
  1. enfin celui de la rationalité de la projection et de l’existence : caractérisé par l’émergence de l’exigence universaliste de l’humanité comme transcendance, cet âge ouvert à partir des lumières reste en devenir, il est celui des convergences à établir entre l’unité, la diversité et la totalité, il doit permettre de concilier équilibre et dynamique. Il est l’âge de l’homme assumant enfin son humanité, il nous engage vers la civilisation de l’ÊTRE, c'est-à-dire de la culture de soi et de la coopération, il pourrait tendre vers la fin des dominations.
Il y aurait certainement bien d’autres entrées qui permettraient d’interroger à la fois les finalités et les arguments de l’ambition éducative afin de répondre aux exigences de ce temps. Peu importe, la question à laquelle il me paraît essentiel de répondre est celle de la mesure de cette ambition, c'est-à-dire de la mesure des exigences de notre temps.

[1] L’expression peut paraître impropre, j’entends par là : la capacité d’un peuple à s’identifier à travers un récit projeté vers l’avenir et à se légitimer par la maîtrise des conditions de réalisation de cet avenir.

Le Diagnostic : Prologue

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