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Billet de blog 26 février 2015

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Boursicoter l’hydrogène renouvelable ?

L’hydrogène renouvelable recouvre de plus en plus des activités cotées en bourse. Alors que faire ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il ne s’agit pas ici d’inciter les gens à boursicoter. Boursicoter, c’est un jeu de hasard aux mains des spéculateurs capitalistes et à la merci de la folie spéculative de quelques tradeurs sans état d’âme qui jouent avec des millions d’euros là où le modeste boursicoteur joue avec des centaines d’euros. A ce jeu-là, un seul tradeur a plus d’influence que 10 000 boursicoteurs.

Plusieurs billets sur ce blog dénoncent les dérives du capitalisme. En particulier, je propose de limiter à un milliard la fortune personnelle d’un individu. Il faut un début à tout !

Faut-il pour autant ignorer la bourse et les boursicoteurs quand on se préoccupe de l’avenir de la planète, en particulier quand on pense que l’hydrogène renouvelable est LA solution pour en finir avec le nucléaire et le réchauffement climatique ?

D’une part, quelques soient les défauts du capitalisme, attendre de détricoter la bourse pour qu’advienne l’hydrogène renouvelable revient à renoncer à l’hydrogène renouvelable, en laissant la planète aux mains de tradeurs bornés et obnubilés seulement par l’argent.

D’autre part, pourquoi faudrait-il que les simples citoyens attendent que les changements en matière de transition énergétique viennent seulement des pouvoirs publics ou des gros investisseurs ? En particulier, que peut-on attendre de l’État français qui est actionnaire du nucléaire ? Que peut-on attendre des gros investisseurs qui ont placé des centaines de milliards dans des sociétés pétrolières ?

Déjà de nombreux consommateurs s’efforcent d’avoir une consommation vertueuse, par exemple en achetant BIO, en préférant des emballages bio-dégradables, en achetant son électricité chez des vendeurs d’électricité renouvelable (comme EnerCoop), etc.

En France et ailleurs, des coopératives engagées dans les énergies renouvelables proposent à leurs clients de devenir sociétaires. Ainsi, on peut lire sur le site d’ EnerCoop : Enercoop a aujourd'hui dépassé les 18 000 consommateurs et 11 000 sociétaires. Au-delà, Enercoop essaime son modèle en créant des coopératives locales et citoyennes de l'énergie. Ces premiers résultats nous amènent sur une voie alternative concrète et significative qui replace le consommateur citoyen au cœur d'un fonctionnement écologique et solidaire.

A ma connaissance, il n’existe pas encore de coopératives qui surfent sur la vague de l’hydrogène renouvelable.

En revanche, il existe quelques sociétés cotées en bourse dont les activités favorisent l’avènement de hydrogène renouvelable. Alors pourquoi pas soutenir ces sociétés et utiliser la bourse pour encourager l’aventure de l’hydrogène renouvelable ?

Aujourd’hui en 2015, il parait clair que les constructeurs automobiles, Toyota en tête, vont bientôt jouer à fond la carte de l’hydrogène. Tous les grands constructeurs semblent être engagés dans cette voie. En développant et en commercialisant des voitures à hydrogène, ils vont jouer un rôle facilitateur déterminant dans l’avènement de l’hydrogène renouvelable.

Il reste que

  • la voiture électrique à hydrogène n’est pas un produit supplémentaire, mais un produit innovant qui viendra remplacer les voitures à essence, au gazole… et même au lithium. L’hydrogène renouvelable est essentiellement un moyen pour les constructeurs automobiles de survivre à long terme quand le pétrole sera interdit, comme le sont les ampoules à incandescence. Sur ce point, les constructeurs automobiles ne devraient pas s’enrichir en passant des moteurs au pétrole (essence et gazole) à des moteurs à hydrogène.
  • les couts de fabrication des voitures devraient drastiquement diminuer. En effet, un moteur électrique à hydrogène est bien plus simple qu’un moteur à essence ou au gazole. Par conséquent, les marges bénéficiaires des constructeurs automobiles pourraient augmenter.
  • les voitures de l’avenir seront plus durables que les voitures actuelles. On peut espérer que les consommateurs deviendront plus raisonnables en évitant la consommation ostentatoire et en achetant des voitures pour 20 ans et non pas pour 2 ans.

Bref, en accompagnant la sauvegarde de la planète, les constructeurs automobiles vont maintenir leurs activités sans plus. En quelques années, les voitures à hydrogène remplaceront les voitures à essence comme les téléviseurs à écrans plats ont fait oublier les téléviseurs à tubes cathodiques.

Dans le domaine de l’hydrogène renouvelable cotée en bourse, Air Liquide est sans doute la société la mieux positionnée parmi les valeurs du CAC-40. Air Liquide (comme Solvay en Belgique) produit de l’hydrogène depuis bien longtemps pour les besoins de l’industrie. En bourse, Air Liquide est une valeur dite "de père de famille", une valeur de fond de portefeuille. Le risque d’une déconfiture majeure est faible. Il est permis de penser que ce n’est pas par hasard si le cours de bourse d’Air Liquide vient d’augmenter alors que la voiture à hydrogène arrive sur le marché ? L’hydrogène renouvelable permettra à Air Liquide d’étendre sa gamme de produits et services. Air Liquide semble prédestiné pour participer à un avenir énergétique sans pétrole et sans nucléaire.

Comme dans tous les domaines technologiques innovants, il existe aussi des start-ups qui entrent en bourse afin d’obtenir des leviers financiers pour lancer des actions dans le sens de l’hydrogène renouvelable.

Ces sociétés pionnières sont courageuses. Elles rament à contre-courant par rapport aux sociétés mastodontes qui vendent des énergies fossiles et dominent le marché de l’énergie. Ces startups de l’hydrogène renouvelable méritent d’attirer les boursicoteurs qui acceptent de prendre des risques élevés et qui cherchent à faire d’une pierre deux coups : augmenter leur patrimoine tout en stimulant un avenir meilleur pour la planète.

Voici 6 start-ups cotées en bourse et qui paraissent sérieuses. Leur capitalisation boursière [CB] est inférieure à un milliard d'euros. Leurs produits et services ont le mérite de faire progresser l’hydrogène renouvelable de niches en niches.

  • Basée en France, McPhy (environ 80 millions € de CB) est sans doute la principale startup française de l’hydrogène renouvelable cotée en bourse. Elle est spécialisée dans la production et le stockage de l’hydrogène renouvelable. Son modèle économique couvre trois branches : le power2gaz, le power2fuel, et le power2power.
  • Basée aux États-Unis, Plug (environ 530 millions $ de CB) est connue surtout pour avoir propulsé l’hydrogène dans la niche des chariots élévateurs. Leurs piles à hydrogène équipent aussi des tracteurs pour avions ou des camions réfrigérateurs.
  • Basée au Canada, Ballard (environ 320 millions $ de CB) est une société très spécialisée dans les piles à hydrogène. Plug est parmi ses clients, Volkswagen également pour les voitures. Ballard est sous-traitant dans la fabrication des autobus du futurs. Ballard fournit  des groupes électrogènes pour garantir la continuité du service dans les télécoms. Ballard développe des produits de niches comme des équipements légers pour soldats en remplacement des batteries au lithium.
  • Basée au Canada encore, Hydrogenics (environ 140 millions $ de CB) est un concurrent de McPhy, mais il développe en outre des produits de production électrique à base de piles à hydrogène.
  • Basée aux États-Unis encore, FuelCell (environ 360 millions $ de CB) produit des centrales électriques propres (à base de piles à combustibles) pour des entités publiques ou privées.

Pour ceux qui aiment boursicoter en prenant de haut risque (de gain ou de perte), pourquoi ne pas privilégier de telles sociétés qui tentent de gagner de l’argent en œuvrant pour une planète plus verte ? Tant qu’à boursicoter, pourquoi pas boursicoter utile et responsable ? A contrario, mieux vaut boursicoter l’hydrogène renouvelable plutôt que de spéculer fébrilement sur n’importe quoi, juste pour essayer de faire du fric.

Comme pour les jeux de hasard, la règle de base pour boursicoter est sans doute de ne pas jouer en bourse, ni avec l’argent qu’on a pas, ni avec l’argent dont on a besoin.

Il est même permis de penser que boursicoter l’hydrogène renouvelable, cela vaut bien mieux que de laisser son argent moisir sur de comptes bancaires dont les taux d’intérêts ne compensent même pas l’inflation. Cet argent laissé en banques ne moisit pas pour les traders qui l’utilisent pour spéculer et renforcer des activités qui saccagent la planète. Laisser son argent moisir en banque en espérant qu’il profitera à ses enfants, c’est en fait permettre à des bandits sans scrupules d’utiliser cet argent pour continuer à saccager les conditions de vie de ceux qui viendront après nous.

Si les boursicoteurs s’engagent suffisamment dans l’hydrogène renouvelable, on peut penser que des gros investisseurs et des traders finiront par suivre. Le marché de l’hydrogène renouvelable deviendra visible et gonflera un peu comme ce fut le cas pour le marché de l’internet qui décolla du zéro absolu, il y a seulement 20 ans.

Mis à part le crime et le terrorisme, tous les moyens sont bons pour sauver la planète et éviter le suicide de l’espèce humaine. Tant qu’à boursicoter, mieux vaut le faire pour tenter de soutenir des sociétés vertes voire même vertueuses, plutôt que d’imiter l’immoralité cynique de traders qui n’en ont rien à cirer de l’avenir de la planète.

Tout comme acheter BIO, c'est "parler" au marché agroalimentaire, boursicoter l'hydrogène renouvelable, c'est "parler" au monde financier.

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