Pendant cette période agitée, un des membres du service informatique de l'usine avait créé un site dans lequel il présenta la démarche engagée dans l'usine sidérurgique, ce que les autres usines regardèrent avec attention et travaillant sur leurs propres données, en se servant des études déjà faites par leurs collègues, elles décidèrent d'agir de même auprès de leurs directions. Avec les mêmes résultats face aux actionnaires qui n'arrivaient pas à trouver une véritable parade, leurs droits en justice devenaient très fragiles devant les argumentations des cercles 31. Leurs titres n'étaient pas des titres de propriété mais des titres portant sur la valeur produite par les entreprises… Les avocats des actionnaires leur conseillaient d'attendre que tout cela finisse, que cette mode cesse d'elle-même. Et les séquences vidéo s'ajoutaient l'une après l'autre, confirmant sur internet le processus en cours dans toutes les usines sidérurgiques japonaises. Ce qui ne tarda pas à donner des idées à beaucoup d'autres secteurs industriels.
Logiquement, l'étape suivante de la diffusion est venue de l'initiative de deux jeunes qui se sont installés dans un garage avec une table et trois ordinateurs. Leur idée était de lancer le site Wikicircle31. C'est à partir de ce moment que les cercles 31 s'étendirent vraiment et que leurs actions commencèrent à se structurer et à se renforcer mutuellement. Car ce processus n'aurait pu avoir d'impact global sans la mise en place d'un site, sur le modèle de la Wikipédia, où chaque cercle inscrivait ses conclusions et les changements mis en œuvre avec leurs conséquences. Les mots clés créés au fur et à mesure des besoins permettaient de retrouver les thèmes qui avaient été traités dans d'autres cercles, des traducteurs bénévoles traduisaient dans leur propre langue les expériences des cercles qui fonctionnaient en d'autres langues… La page de discussion associée à chaque "décision" d'un cercle rassemblait divers commentaires sur les arguments, les formulations, les confrontations avec d'autres décisions et les critiques des résultats.
Les fondateurs eurent l'idée, en complément de l'horodatation, d'utiliser la géolocalisation pour situer chaque cercle 31 qui inscrivait une décision ou une expérience, il était ainsi possible de voir région par région tous les cercles qui avaient travaillé sur un thème donné et d'en suivre l'extension minute par minute. Depuis le système s'est perfectionné puisqu'on peut voir en direct clignoter sur des mappemondes les zones où les cercles s'inscrivent, mais les principes restent les mêmes. On peut voir les régions du monde qui sont actives, celles qui le sont moins, signalant que des questions nouvelles émergent, que des cercles se réunissent jusqu'à ce que des changements soient effectués et validés ou que la région soit parvenue à un état momentanément plus stable et satisfaisant, mais cela ne dure jamais bien longtemps ! Chacun peut alors suivre les débats en cours dans les divers pays.
Grâce aux ordinateurs mobiles, dès l'origine, il était possible depuis chaque cercle d'indiquer en direct son objet, les principaux arguments de la décision et ensuite d'inscrire les résultats ou les questions à traiter qui en découlaient. Au moment de la connexion à Wikicircle31 (ou à ses avatars dans les autres langues) l'ordinateur était géolocalisé et il était possible d'accéder par les mots clés aux décisions d'autres cercles sur le même thème. Ce qui était inscrit l'était sur le champ par accord général dans le cercle. Le travail collectif devint cumulatif et toucha une infinité de domaines, rassemblant aussi bien des recherches scientifiques très pointues que des rapports d'expériences pratiques menées par une seule personne pour justifier un changement dans un domaine quelconque.
Au début, les décisions prises semblaient n'être que très ponctuelles, limitées dans leurs effets, parfois contradictoires d'un cercle 31 à l'autre. Mais peu à peu des cercles 31 reprenaient les décisions précédentes, élargissaient leur champ d'application et tentaient de résoudre les contradictions. Ce travail mobilisait partout des milliers puis des millions de personnes, le compte en est devenu gigantesque (il suffisait de multiplier par 31 le nombre des cercles enregistrés !) quand à tout moment des cercles se réunissaient pour traiter les problèmes, petits ou grands. Les échos de chaque décision étaient très variables, certaines n'ont été que très locales et éphémères, d'autres ont bouleversé l'ordre des choses globalement et pour longtemps. Et cela continue, nous n'imaginons plus aujourd'hui que cela puisse s'arrêter ! Dans certains cas, des branches entières de travaux de cercles qui s'étaient engagés sur une mauvaise voie étaient signalées comme "sans issue", elles restaient toutefois présentes dans l'arborescence et servaient d'appui à des vérifications.
Inutile de dire que la communication circulait par internet dans le monde entier et que le développement du mouvement s'étendait à une vitesse de tsunami. Pas comme une tache d'huile de proche en proche, non s'était par sauts imprévisibles d'une région du monde à une autre, en fonction des problèmes rencontrés, de la volonté des gens et de la connaissance qu'ils avaient des expériences en cours. Certains, soutenus par les médias détenus par les actionnaires, expliquaient doctement que ce système ne pouvait pas fonctionner, que c'était de l'anarchie, qu'il était impossible de produire sans capital et qu'il faudrait bien appeler les financiers à la rescousse. Nous en avons entendu et lu des phrases de ce type ! Et même si la mode ne passait pas, si les usines continuaient de produire, si les décisions étaient adéquates et les changements effectifs et efficaces, cela n'empêchait pas les empêcheurs de vivre de continuer à prédire les pires catastrophes.
En fait de catastrophes, nous avons été servis à cause du réchauffement climatique que ces prédateurs n'avaient pas voulu admettre et surtout qui avaient refusé de prendre les mesures nécessaires pour le réduire ou au moins le stabiliser. C'est bien parce que tous les peuples s'y sont mis très localement et tous ensemble que la situation critique reste enfin à peu près stable. Nous sommes toujours à la recherche de solutions qui pourraient non seulement limiter mais réduire les gaz à effet de serre pour nous ramener, si c'est possible, à une situation meilleure. Je reviendrai sur ce qu'il a fallu réaliser pour que les logements et les installations diverses soient économes en énergie, la production d'énergie est devenue critique durant cette période, et résistantes aux aléas climatiques violents qui se produisaient un peu partout de manière imprévisible.
Si le mouvement était au départ important pour une partie de l'industrie sidérurgique japonaise et les quelques villes qui leur étaient attachées, il ne prit une ampleur mondiale que par le site Wikicircle31 et surtout par sa rencontre avec les mouvements de la jeunesse dans les pays méditerranéens et du sud de l'Europe, et ensuite de toute l'Europe, enflammée d'un coup ensuite ! Je vais m'attarder un peu sur ce point important.