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Billet de blog 13 juin 2011

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Les 31 : L'interview de Sakura Yamamoto

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Je ne vous ai pas reparlé de M. Yamamoto et de son épouse Sakura, il ne faut pas oublier qu'elle et ses amies sont au point de départ de tout ce processus !

Après les épisodes fameux ayant conduit au "dégagement" des actionnaires de l'usine, des journalistes sont venus, six mois après, enquêter sur place et ont tenté d'interviewer les Yamamoto. Dans les récits qui en ont été faits, il est clairement visible qu'ils ont été l'un et l'autre d'une extrême discrétion.

Le plus simple est que je retranscrive une des interviews de Sakura Yamamoto, si j'en retrouve d'autres je vous les communiquerai.

Journaliste : Que cherchiez-vous à obtenir par votre mise en scène initiale qui a fait le tour d'internet ?

SY : (elle se cache le visage et pouffe). Certainement pas ce qui est arrivé ensuite ! Nous voulions obtenir que nos compagnons acceptent que nous prenions la pilule contraceptive ! Nous étions plusieurs militantes du centre de planning familial, voilà ce que nous voulions provoquer ! Et nos compagnons ont transformé l'usine et tout ce que vous avez déjà pu voir. C'était un malentendu complet ! Mais nous, avec eux, nous avons ensuite aidé les réfugiés et nous nous sommes tous occupés de la contamination radioactive et de la construction des quartiers nouveaux.

Journaliste : Alors, vous avez obtenu ce que vous vouliez ?

SY : Nous avons été pris dans ce tourbillon d'événements. Mais je crois que oui, les choses ont aussi avancé de ce côté-là ! Peut-être pas pour toutes mais nos relations avec nos compagnons se sont considérablement enrichies quand nous avons pu effectuer tous ces changements ensemble.

Journaliste : Les choses allaient si mal déjà à ce moment-là ?

SY : C'est vrai aussi que les choses ne pouvaient plus durer et qu'heureusement mon mari et ses coéquipiers ont su enclencher des changements radicaux à l'usine pour rendre notre vie enfin vivable. Les catastrophes de Fukushima et de sa région, puis les conséquences sur la vie quotidienne à cause de la contamination radioactive, se sont ajoutées à la crise économique et financière qui durait pour nous depuis le début des années 1990 !

Journaliste : Pouvez-vous nous raconter ce qui s'est passé avec les réfugiés ? Je crois que vous avez été personnellement au départ de l'action ?

SY : En fait nous avons utilisé ce qui avait bien marché à l'usine. Les gens étaient désœuvrés dans le gymnase où ils avaient été hébergés provisoirement. Nous avons eu le temps avec eux d'organiser la suite. Les aides de l'État étaient très lentes à venir, soumises à de nombreuses conditions bureaucratiques et au bout du compte allaient transformer les réfugiés en assistés pendant une très longue période. C'est ce qu'ils craignaient le plus, alors qu'ils avaient tous des métiers qu'ils exerçaient avant et là ayant tout perdu, ils ne pouvaient pas redémarrer. Or nous avions besoin de main-d'œuvre pour bâtir des maisons et des bâtiments publics adaptés aux nouvelles normes antisismiques, antityphon, énergétiques et environnementales. Il ne paraissait pas judicieux de construire n'importe quoi dans l'urgence quand nous savions qu'il nous fallait une architecture et un urbanisme nouveaux.

Journaliste : C'est un problème que toutes les villes ont eu à traiter, mais peu ont réalisé ce qui était nécessaire à votre manière. Quelles solutions avez-vous trouvées ?

SY : Effectivement nous sommes très satisfaits d'avoir trouvé des solutions positives pour les nouveaux et même pour les anciens habitants. Il nous a fallu batailler un peu avec la mairie, mais celle-ci a compris assez vite qu'il était impossible de s'opposer à ce que nous proposions… d'autant plus qu'ils n'avaient pas de vraies solutions, sauf à demander aux gens d'être patients en attendant que l'État agisse. Il faut dire aussi qu'à la mairie il leur est tombé sur la tête une multitude de problèmes et que si certains étaient réglés par les gens, c'était parfait ! Pour répondre à votre question, ce serait un peu long si j'entre dans les détails, je vais résumer. Il y a eu d'abord l'idée de créer une association rassemblant tous ceux qui avaient besoin d'un logement, les réfugiés bien entendu en premier mais aussi des familles qui attendaient un logement depuis des mois, voire des années. Cette association a créé un fonds qui réunissait toutes les aides financières qu'on a pu récupérer, soit à titre individuel, soit collectif, soit encore par la solidarité internationale. Nous avons même reçu des aides de plusieurs pays. Ensuite nous avons demandé à la mairie un terrain assez vaste pour construire toutes les maisons nécessaires et les divers bâtiments collectifs. Nous en avions fait la liste et nous avions rêvé d'une ville idéale ! La mairie a modifié le plan d'urbanisme et a acquis les terrains dans la zone qui devait être réservée pour les constructions nouvelles et les a mis à la disposition de l'association pour une somme symbolique.

Journaliste : Mais il fallait construire les maisons, faire les plans, acheter les matériaux et trouver les maçons et les autres ouvriers ?

SY : C'est l'association qui s'est chargé de tout ça. Nous avons demandé à un urbaniste de travailler avec nous et à un architecte de faire un plan type pour les maisons. Nous avons discuté tout cela ensemble et comme chacun n'avait pas toujours une idée précise de ce qu'il voulait ou ne voulait pas, cela nous a pris du temps ! Mais comme nous utilisions les C31, comme on dit maintenant, c'est allé assez vite et vous pouvez lire les décisions sur WikiC31. Beaucoup sont utilisables par d'autres qui voudraient faire la même chose que nous et je crois que dans d'autres villes des associations se sont créées avec le même objectif. Les matériaux ont été définis avec l'architecte et c'est l'association qui les a achetés et mis à la disposition de chaque famille. L'association a fixé un prix pour l'heure de maçon et des autres ouvriers et il y avait diverses possibilités pour construire, soit le faire soi-même, soit se faire assister par un ouvrier expert, soit le faire faire. Selon l'option choisie, le loyer était plus ou moins élevé. Car il était prévu que tous ces logements seraient en location pendant quinze ans et que le loyer serait en même temps une accession à la propriété. Les terrains resteront propriété municipale.

Journaliste : Mais le terrain devait être équipé pour les réseaux et les bâtiments publics sont à construire aussi ?

SY : Vous voulez tout savoir ! En fait la mairie a viabilisé les terrains, construit les rues et financera la construction de l'essentiel des bâtiments collectifs, écoles, parcs publics, etc. Cela doit venir petit à petit car c'est un gros investissement et le fonds de l'association n'est pas suffisant. Mais des entreprises où les réfugiés sont soit entrepreneurs, soit ouvriers se sont créées et participent à la construction, ce qui apporte des impôts et taxes à la municipalité. Il faudra voir plus tard comment les choses s'équilibrent. Ce qui est bien, c'est que la question du logement pour des familles qui attendaient depuis des années est réglée en même temps. Et les maisons seront très économes en énergie, certaines pourront même être productrices d'énergie ! En attendant, les réfugiés logent dans des mobil-home.

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