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Billet de blog 28 mai 2011

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Les 31 : Comment développer durablement ?

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Dans la ville, il devenait évident que les investissements à faire, les postes de travail à créer pour que les réfugiés puissent vivre normalement, ne viendraient pas des autorités débordées ou bureaucratiquement incapables de réagir rapidement et souplement. La constatation et de multiples réponses à la question "Comment s'y prendre pour enclencher le mouvement ?" circulèrent dans de nombreux cercles 31. Des hypothèses diverses, allant de la création d'une entreprise ou de plusieurs petites à une coopérative, mais avec quels capitaux ? Les banques n'en pouvaient plus entre leurs dettes et la nécessité de servir leurs actionnaires. Ce n'était pas le travail qui manquait, la construction des maisons nouvelles et des bâtiments publics, de la voirie ou de l'extension des réseaux…, ni la forme juridique qui bloquait au fond, mais c'était le financement initial pour que l'ensemble démarre.

Ayant cerné le nœud central du problème, les recherches de financement commencèrent systématiquement. Tout fut envisagé, des solutions les plus classiques au plus saugrenues, mais soudain émergea une idée qui paraissait trop simple, voire simpliste. Le débat laissa la place à des calculs, le temps que les hypothèses puissent être au moins validées sur le papier. La solution soumise était qu'une cotisation de 5 % serait prélevée sur la valeur ajoutée des entreprises de la ville. Des cercles 31 à l'initiative de commerçants, de petits patrons se réunirent pour tenter de contrer cette proposition avec divers arguments, mais d'autres cercles y répondaient et au final plus personne n'était en mesure de présenter un argument valide contre cette proposition. L'argument massue était que ce serait une manière concrète de soutenir les réfugiés et progressivement de leur permettre de contribuer à leur tour à cette cotisation. L'intérêt de cette cotisation était que l'organisme chargé de la prélever, répartirait ensuite le montant recueilli à toutes les entreprises qui demanderaient un soutien pour des investissements économisant de l'énergie et réduisant l'impact de la production sur l'environnement et créer des postes de travail qualifiants là où ils étaient nécessaires. Sommes attribuées sans paiement d'intérêt ni remboursement puisque c'est toute la collectivité qui en tirerait profit au final.

Les prévisions faites montraient les bénéfices immédiats sur l'activité économique, davantage d'actifs, moins de dépendants de la solidarité, pas de blocage des projets à démarrer dans l'immédiat : souplesse et rapidité sous le contrôle démocratique de commissions qui attribueraient les subventions dans la limite des sommes reçues. Du coup la forme juridique des entreprises à créer paraissait découler de ce caractère de bien commun des outils de production : la coopérative d'intérêt collectif donnait un cadre à la gestion des activités. Toute personne qui avait une idée de travail à faire, pouvait présenter son projet à l'organisme d'investissement et commencer très vite son activité en s'associant les personnes nécessaires. Si l'affaire marchait, elle cotisait sur la valeur ajoutée de son activité. Sinon, elle pouvait l'arrêter et proposer une autre activité plus adaptée à la réalité… Et les cercles 31 ne manquaient pas d'idées qu'il suffisait d'élaborer pour se lancer dans des réalisations. Le processus darwinien de développement se rapprochait des véritables besoins sans qu'il soit nécessaire de se lancer dans de longues études de business plans plus ou moins farfelus. Les personnes qui échouaient n'étaient pas non plus dramatiquement sanctionnées par un endettement personnel.

Quand il fut question que l'usine sidérurgique intègre dans ses prévisions une cotisation de 5 % sur sa valeur ajoutée, les cercles 31 de l'usine entrèrent dans la danse. Est-ce que c'était possible compte tenu de toutes les modifications que les salariés demandaient ? Il fut très vite répondu positivement, mais à la condition que cette cotisation soit prélevée sur les dividendes. L'argument que c'était un acte de solidarité à assumer au même titre que par toutes les autres entreprises de la ville devait emporter la décision. La réunion du conseil d'administration à venir s'annonçait au moins aussi chaude que celle avec la direction. Il fallait se préparer à répondre à deux objections évidentes. Tout d'abord que les investissements de l'usine sidérurgique étaient sans commune mesure avec ceux des entreprises dans la ville et donc elle pourrait, par ses demandes éventuelles, assécher complètement les sommes collectées et disponibles. L'autre objection était que cela placerait l'entreprise en mauvaise posture avec la concurrence.

Sur ce point, il était facile de répondre que le prélèvement venant d'une réduction des dividendes, cela ne changeait rien pour la concurrence. C'est par là qu'une extension de la réflexion se produisit, les syndicats de l'usine avaient informé les autres usines sidérurgiques du pays de ce qui se passait et de ce qu'ils pensaient avoir obtenu. Ce même canal diffusa l'idée de la cotisation "investissement" sur la valeur ajoutée. Les salariés des autres usines firent savoir que si cela marchait dans la ville pilote, ils feraient de même chez eux.

Il restait à traiter du décalage entre les besoins de l'usine et ceux des entreprises de petite taille. Quelques simulations furent étudiées, si pendant un mois tout l'argent était versé à l'usine sidérurgique, le montant était en rapport avec des travaux importants dans celle-ci et rien n'empêchait d'étaler ce prélèvement sur plusieurs mois… Mais d'autres entreprises de la ville pouvaient avoir aussi des besoins élevés : ce serait au comité de gestion de définir les priorités en relation avec les diverses instances de citoyens. De toutes façons, un certain pourcentage d'investissement était déjà prévu dans l'usine, ce qui laissait une marge de manœuvre. Pour le moment, il n'était question que d'une aide complémentaire pour celle-ci.

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