Le groupe UMP de l'Assemblée vient, ce matin, d'injecter cette vidéo sur le net, qui vise à dénoncer les "murs d'amendements" de l'opposition et ridiculer «l'obstruction». Annoncé depuis plusieurs jours, ce gadget de com' n'a qu'un objectif: justifier la limitation du droit d'amendement prévue par un projet de loi organique dont les députés discuteront à partir de demain au Palais-Bourbon, et qui fait hurler la gauche.
Pour convaincre de la nécessité d'éradiquer les débats "à rallonge", jugés inutiles et contre-productifs (parce qu'alimentant l'anti-parlementarisme), les services de Jean-François Copé assènent cette statistique: 243 000 amendements ont été déposés au cours de la dernière législature (de 2002 à 2007), contre 4500 seulement entre 1958 et 1962. A les entendre, cette inflation, favorisée par l'apparition des ordinateurs qui permettent de multiplier les amendements quasi-similaires à coups de "copier-coller", serait devenue ingérable et paralyserait le Parlement.
Pour illustrer ce «détournement» du droit d'amendement, «humiliant» et «néfaste pour la démocratie», l'UMP a donc monté quelques images des députés Patrick Bloche et Marcel Rogemont, orateurs socialistes sur la réforme de l'audiovisuel public, qui ont osé évoquer Casimir et la cuisson du homard dans l'hémicycle (en fait manier l'ironie). Bien sûr, les petites mains de l'UMP ont également pris soin de glisser un plan de Christine Boutin, bataillant contre le Pacs en 1998, la Bible à portée de main, pour montrer combien leur vidéo est non-partisane et l'obstruction une pathologie partagée...
Sur des images d'archives (remontant aux heures majoritaires de la gauche), on voit d'ailleurs le patron du groupe PS à l'Assemblée, Jean-Marc Ayrault, réclamer lui-même un encadrement du temps de parole: «Il y a quelque chose d’absurde (...). Quelqu'un peut parler une journée, deux journées, sans qu’on puisse l’arrêter!». Bref, Jean-François Copé ne voudrait que du bien à l'Assemblée et ferait preuve de courage en assumant une réforme jadis réclamée par les socialistes...
En termes de communication, c'est bien joué. Mais le discours caricature la réalité. Depuis 1993, seulement 30 textes ont en effet suscité plus de 50 heures de débats. Serait-ce trop, pour la Vème République? Plus qu'elle ne peut supporter?
Surtout, pour sa première année aux manettes (session 2007-2008), le gouvernement Fillon a fait adopter plus de textes qu'en 2002-2003 (première année de la seconde présidence Chirac) ou qu'en 1997-1998 (première année du gouvernement Jospin). En clair, le travail de l'opposition n'encombre en rien le pouvoir exécutif! Et la gauche n'a d'ores et déjà pas les moyens de ralentir le rythme effréné des réformes sarkozystes.
- Pour réagir à cette vidéo, visitez le site ouvert pour l'occasion par le groupe UMP de l'Assemblée: www.leparlement.fr
- Pour approfondir, relisez l'analyse publiée sur Mediapart par Paul Alliès (professeur de sciences politiques à l'université Montpellier I), intitulée Le spectre de M. Smith, dans laquelle il défend le droit d'obstruction (c'est ici)
Edit: voici la réplique du PS, rendue publique dans la soirée: