Edwy Plenel a fait le constat la semaine dernière d’une croissance molle de son journal, Mediapart. Mais le constat d’une croissance, c’est déjà « hénÔrme ». On ne peut que s’en réjouir pour l’équipe.
1985 Photographie Christian Rausch
Table lumineuse pour les diapositives et tampon à l'encre pour signer les tirages d'agence.
MediaVU’ est la première galerie photographique « en ligne » lancée par un journal, par un quotidien français qui aspire à devenir « de référence », même s'il ne publie pas d’édition « papier ».
Pour être « plus vu », comme l’écrit Libération, Sophie Dufau et Edwy Plenel ont lancé ce qui s’appelle dans le Club Mediapart, « une édition » : MediaVU ’. Une édition qui recourt à un partenariat avec l’agence VU’ créée par Christian Caujolle et le quotidien Libération en 1985.Une vraie galerie, comme il s’en trouve dans les rues piétonnes de nos métropoles, l’un des objectifs de cette initiative étant bel et bien commercial : vendre des séries de tirages numérotés d’authentiques photographes professionnels membres de l’agence VU’.En prime, un côté « eBay » : le prix de départ du « tirage baryté » - 350 € - est censé croître avec le temps, le nombre d’exemplaires étant lui limité à 15. Le quinzième coûterait donc plus cher qu’au premier acheteur ! Le collectionneur avisé et rapide bénéficie ainsi d’une prime de perspicacité pour son placement. Le second objectif est d’entrer « en défense » du photojournalisme. Point essentiel à ne pas négliger, mais je vous en dirai plus, au vu de la suite.
Restons côté « boutique ». Du point de vue de la réalisation graphique et technique, le résultat est à la hauteur de l’ambition. Le premier portfolio – dont on a tout lieu de penser qu’il sera identique pour les autres - est extrêmement agréable à feuilleter. Un clic de souris, ou un coup de doigt sur son écran tactile, tourne les pages de cet album comme un vrai livre photo. De courtes légendes, des articles d’encadrement, un système classique de paiement en ligne… Il n’y rien à dire, il y a tout ce qu’il faut pour que ça marche.
Il manque peut-être au lecteur… un peu de pognon !
Reconnaissons d’emblée que Médiapart, malgré la modestie de son prix d’abonnement de 9 € pour un mois, soit le prix d’une dizaine de « quotidiens papier » (payant s’entend…), ne s’adresse évidemment pas aux SDF, aux travailleurs sans papier, ni aux vieux à la retraite maigrichonne. On n’emballe rien avec et ça ne remplace pas le « Damart » sous la chemise.
Mais je trouve « pisse-froid » ceux qui s’en offusquent. Il n’y a pas matière. MediaVU’ est en accès libre et gratuit. Le prolétariat qui n’a pas les moyens de se payer des tirages de collection faute même d’avoir les murs où les accrocher, peut néanmoins se rincer l’œil dans le premier cybercafé venu ou dans une association caritative. Il y a un demi-siècle, beaucoup ont bien découvert la télévision dans les vitrines d’électroménager.
A Perpignan, à Visa pour l’image, festival du photojournalisme, où les expositions sont gratuites, mon cœur bat plus aux projections sur l’écran de 25 mètres de large, que devant les cimaises. Avec MediaVU’, le web propose à la photographie un support différent, un « flash » aussi banal qu’un écran de projection peut l’être; mais un « flash » bien exploité sans « guirlande de Noël », un « flash » pour les amateurs de regards, à qui il n'est aucunement nécessaire de bégayer VU' ! Vu.
Comme le disait mon cousin Marcel, « il y a diaporama et diaporama ! » Et celui de MediaVU', présenté en avant-première à Perpignan aurait mérité un Visa multimédia. (Candidat sponsor)
Il n'est pas anodin...
Il n’est pas anodin que le premier regard que porte Mediapart à la photographie s’enracine chez l’agence VU’. Elle fut, on le sait, fondée à la mi-temps des années 80, par une sorte de lutin argentique, Christian Caujolle. Il venait d’insuffler un souffle révolutionnaire au « Libé III » relancé par Serge July, au lendemain de l’élection présidentielle de 1981. Caujolle impose alors pendant quelque temps, ses choix photographiques, ses emplacements, en se bataillant matin, midi et nuit avec tous les hommes de plumes et d’idéologies qu’on rencontre dans n’importe quel quotidien. Sur le reflux, il crée VU’.
« Nous avons pensé que la même image, et surtout le même regard, pouvait se retrouver en badge ou en affiche géante, dans un magazine à grand tirage ou dans une revue confidentielle, au mur d’un musée ou sur un tee-shirt. » écrit-il page 7,dans la rubrique « Médias » où il précise : « C’est pour cela qu’une structure est née. Une structure d’agence de photographes – et non de photographies – qui se donne pour objectif de défendre les étonnements de regards différents. » Ce numéro de Libération est daté du mardi 24 décembre 1985.
C’était encore Noël pour la photographie !
Ce qui est important, à mes yeux, dans cette initiative MediaVU’, c’est qu’il s’agit d’une politique, d'une ligne éditoriale, de mise en valeur d’auteurs de photographie, et/ou de photojournalisme.... Mais là, on quitte le côté boutique technique pour le contenu… Et ça seul l’avenir le dira.
« Nous sommes militants et nous avons envie de l’être. » dixit Jean-François Leroy in Paris-Match du 30 août dernier.
Ouvrons l’œil !
Michel Puech
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Remerciements à Christian Rausch, photographe indépendant, ancien membre des agences : Agence de Presse Libération (APL), Fotolib, Compagnie des reporters, Viva-ACR et diffusion Rapho-Eyedea pour m'autoriser à publier cette image. Consulter son site personnel et la galerie Photos.Neteyes.fr