Vivre la création (de toutes pièces) d'une banque coopérative, ça devient improbable. Les temps sont plutôt aux fusions... C'est pourtant ainsi que j'ai découvert la philosophie coopérative - et l’œuvre de Frédéric Raiffeisen - mon père ayant créé, en 1961, une caisse locale de Crédit Mutuel.
J'avais douze ans et, dans la salle à manger familiale, je suivais, attentif et silencieux, une démarche démocratique et altruiste, celle des administrateurs-fondateurs. Une expérience fascinante et précieuse.
Cette coopérative financière a longtemps fonctionné sur la base du bénévolat... avant de devenir... une banque (comme les autres ?). Administrateur pendant trente cinq ans de la « banque » qu'il avait créé, mon père a suivi avec incrédulité les évolutions contre-nature. Le Crédit Mutuel devenant (de façon absurde) « concurrent » du Crédit Agricole Mutuel.

(voir billet Transparence)
De cette initiation très particulière, j'ai conservé le besoin de comprendre sur le terrain. Au plus près du vrai, de la réalité, du concret, de l'incontestable.
Le bonheur de discuter des dossiers avec les citoyens qui « savent de quoi ils parlent », plutôt qu'avec les professionnels de la langue de bois qui récitent un catéchisme. Les arbitres des élégances ne sont critiques... qu'avec élégance.
Sous prétexte de ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain, ils jouent de la chiquenaude sans jamais se mouiller vraiment. Bref, il y a la théorie et la pratique. Le discours qui habille (éventuellement) la trahison... et le militant qui milite (quand c'est encore possible).
La vérité est que j'ai rencontré beaucoup « d'intellectuels de service » qui – à la pause, autour d'un verre – se disent contrariés d'être coincés, utilisés. C'est toute la perversité du système et des stratégies mises en œuvre pour le détournement des valeurs.
Ceci m'a conduit à être candidat à la délégation et candidat au poste d'administrateur dans plusieurs structures, à franchir les filtres byzantins. A faire de l'entrisme (en forçant le passage) et à multiplier les interviews des décideurs et des acteurs.
Au Crédit Agricole, au Crédit Mutuel, aux Mutuelles du Mans, à la coopérative Normandie-Picardie, à la MAAF, à la CAMIF, etc. Délicieux voyages... Avec toujours les mêmes questions : l'identité coopérative, l'identité mutualiste, la loi de 1947, les fondamentaux, les caractéristiques : égalité / barème/ redistribution des excédents / volonté de réduire l'activité au minimum utile et judicieux / surveillance des dérives et de toute orientation cupide / la réalité - la qualité - du fonctionnement démocratique / la transparence.
Ceci m'a également conduit à participer aux grands messes, y retrouvant les mêmes « penseurs » du SSE. Étonnant miroir aux alouettes. Assemblée Générale du GNC, centenaire de l'ACI (Alliance Coopérative Internationale), Forums, etc.
Conclusion ?
Ne connaître que le terrain (les Assemblées Générales locales) ou que les grand-messes, c'est ne rien connaître. Seul le rapprochement entre ces deux théâtres d'ombres donne une idée de la « vérité vraie ». Donne du sens aux gesticulations et permet de comprendre pourquoi il ne faut pas poser de questions. La curiosité indispose. Il faut rester entre gens de bonne compagnie, il ne faut pas mettre les personnes – les administrateurs – en cause, en question !
Qui alors doit rendre des comptes ? Ça alors ! Pourquoi voulez-vous contrôler ? On est en confiance !
Les vraies questions sont interdites dans les grandes coopératives et mutuelles. En particulier dans les banques coopératives, au Crédit Agricole, au Crédit Mutuel, ailleurs.
Et pourtant... (à suivre)
