
Ce billet répond au commentaire de Gerard Menvusa le 02/07/2014 à 09:53 à l'article Garde à vue de Sarkozy : Jean Jérôme Bertolus d'I Télé attaque Claire Thépaut, une des magistrates chargées de l'instruction
Le juge d'instruction ne peut pas siéger dans la formation du jugement devant laquelle est renvoyée l'instruction qu'il a instruite.
Invoquer la violation du droit à un procès équitable devant la Cour de Strasbourg impose de l'invoquer prélablement devant les juges durant l'épuisement des voies de recours internes. C'est une obligation qui est une condition de recevabilité d'un recours devant la CEDH.
Vous remarquez que Nicolas Sarkozy, ni Me Paul-Albert Iweins, n'invoquent la partialité des juges d'instruction et ne demandent leur dessaisissement. Un recours devant la CEDH ne saurait donc être accueilli valablement par la Cour d'un grief que Nicolas Sarkozy n'a pas invoqué. Il peut le faire encore et il doit donc le faire s'il envisage d'aller dès à présent devant la CEDH.
Enfin, en lisant l'article auquel renvoie, sans le citer, Jean Jérôme Bertolus, cet article permet de constater ce qui suit :
Il ne s'agit pas d'une tribune libre de Madame Claire Thépaut, mais d'un reportage de Michel Deléan, jounraliste judiciaire de Médiapart, sur le tribunal de Bobigny.
Madame Claire Thépaut n'intervient, parmi d'autre, qu'en tant que représentante syndicale et s'exprime dans le cadre de l'exercice du droit syndical attaché à son mandat. Le lui reprocher revient à contester le droit syndical et la liberté d'expression qui y est attachée. Un tel reproche est une audace incompatible avec les principes fondamentaux de la République, si tant est qu'on y soit attaché.
Madame Claire Thépaut répond à un journaliste, ses déclarations ne sont donc pas spontannées comme le laissent entendre Jean-Jérôme Bertolus et Valeurs actuels, qui soutient le journaliste d'I Télé.
Madame Claire Thépaut est interrogée par un journaliste suite aux attaques publiques du président de la République Nicolas Sarkozy contre la justice, remettant ainsi gravement en cause et de façon inadmissible l'effectivité du droit à un tribunal indépendant et impartial, dont l'Etat a l'obligation positive de garantir, dont les propos présidentil établissent le mépris :
" Attaqués publiquement à plusieurs reprises par Nicolas Sarkozy, comme ministre de l'intérieur puis comme président de la République, les magistrats de ce tribunal se sont vu reprocher une prétendue démission face à la délinquance, qui était tout aussi imaginaire que démagogique. Il est déjà arrivé que des policiers encerclent le tribunal, gyrophares et sirènes en action, pour protester contre une décision de justice. Le tribunal de Bobigny a, en effet, été marqué par plusieurs affaires retentissantes qui l'ont opposé à la place Beauvau et aux syndicats de policiers, comme la mort de deux adolescents poursuivis par la police à Clichy-sous-Bois, ou le procès des policiers menteurs." (Au tribunal de Bobigny : vite, que ça change ! 08 mai 2012 | Par Michel Deléan L'élection de François Hollande, qui a placé la justice parmi ses priorités, fait naître l'espoir et quelques envies chez les avocats et les magistrats de Bobigny. Une juridiction qui manque cruellement de moyens, et qui a été attaquée par Nicolas Sarkozy).
Madame Claire Thépaut est sollicitée par la presse après que le tribunal de Bobigny ait été menacé par des manifestations policières contestant les poursuites contre des policiers falsificateurs ayant commis des faux en écriture pour accabler une personne innocente et lui faire supporter les conséquences des infractions qu'ils avaient eux-mêmes commis ! Cette manifestation avait alors reçu le soutien du ministre de l'intérieur : " Le jugement a laissé «très étonné» le préfet de Seine-Saint-Denis, Christian Lambert qui a demandé aux policiers de cesser leur manifestation. Il «peut légitimement apparaître, aux yeux des forces de sécurité, comme disproportionné», a renchéri le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux " (source Libération).
Le magistrat du parquet de Bobignyu ayant stigmatisé ce comportement policier a été menacé de poursuites disciplinaires engagées par Michèle Allio Marie (à l'origine de l'affaire de Tarnac) en violation de l'article 33 du code de procédure pénale: " Il développe librement les observations orales qu'il croit convenables au bien de la justice. ".
Le caractère manifestement infondé de ces pourusites disciplinaires se sont conclues dans la plus grande confusion du ministre de la justice (Michel Mercier renonce à blâmer le magistrat de Bobigny, Michel Mercier tente de museler les magistrats, Michel Mercier sacrifie un magistrat à la police, Le ministre Mercier et le député UMP Carayon veulent museler un magistrat). Comme l'affaire de Tarnac. Mêmes causes, mêmes effets.
Le président, le ministre de l'intérieur et la Garde des Sceaux ont ainsi clairement démontré une animosité arbitraire contre des magisrats. François Fillon avait alors tenté de réagir. L'UMP ne peut donc pas stigmatiser la réponse d'un syndicat à des attaques menaçant l'Etat de droit et la sécurité juridique des justiciables. Les responsables politiques de l'époque méprisaient dont très gravement l'intérêt général.
Madame Claire Thépaut n'exprime aucune animosité ni ne tient aucun propos vulgaire, comme Nicolas Sarkozy en a tenu à l'égard des magistrats et de personnes mises en causes dans des procédures, au mépris de la présomption d'innocence comme il le fit par exemple dans l'affaire Clearstream ("crocs de bouchers", Clearstream : Sarkozy traite Villepin de «coupable», "casse-toi pauvre con", ...)
Madame Claire Thépaut n'évoque pas ses dossiers. Elle ne peut, encore moins, évoquer ceux dont elle sera deux ans plus tard et qu'elle ignore. Il est donc difficile de soulever une faute. La question de la partialité ne se pose donc pas et s'il faut la chercher elle se trouve dans le chef d'un jounraliste qui tient des propos qui manquent manifestement et gravement de sérieux.
La Cour européenne des droits de l'Homme a consacré, non pas une liberté d'expression du magistrat, mais une obligation de s'exprimer en cas de corruption : " la Cour considère que l’intérêt général à ce que soient divulguées les informations faisant état de pressions et d’agissements illicites au sein du parquet est si important dans une société démocratique qu’il l’emporte sur l’intérêt qu’il y a à maintenir la confiance du public dans le parquet général. Elle rappelle à cet égard qu’une libre discussion des problèmes d’intérêt public est essentielle en démocratie et qu’il faut se garder de décourager les citoyens de se prononcer sur de tels problèmes (Barfod c. Danemark, 22 février 1989, § 29, série A no 149). " (CEDH Affaire GUJA c. Moldavie)
Il y a dès lors, vu ce qui précède, une mauvaise foi très inquiétante à accabler un magistrat saisi d'une affaire de corruption au sein de la magistrature en invoquant fallacieusement un article de presse dans laquelle elle s'inquiétait du comportement aggressif d'un président à l'égard des juges, qu'il n'a pas hésité à traiter de "bâtards", ce qui traduit une certaine partialité du pouvoir exécutif, lui-même tenu à une obligation d'impartialité.
Cette partialité du pouvoir exécutif ne semble pas émouvoir Valeurs actuelles et Jean Jérôme Bertolus. Il y a comme de la partialité dans leur appréciation de l'impartialité.
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L'affaire de Bobigny ou la rupture du Pacte républicain par Club Droits, Justice et Sécurités le 17/12/2010 - 16:12
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