Louise Fessard, à propos de la mort de Wissam El-Yamni, relate le doute des familles à l'issue de l'enquête de l'IGPN/IGS (institutions jumelles dont l'actualité atteste de la même perfectibilité). Ce doute montre que les inspections générales ne devraient pas être dirigées ni composées de fonctionnaires du corps qu'elles sont chargées d'inspecter. Il suffit de se rappeler du rapport "cousu de fil blanc" rendu par l'inspection des finances - la fausseté d'un tel rapport constitue un faux en écriture publique - dans l'affaire Woerth-Bettencourt pour apprécier le peu respect de la haute administration pour l'opinion. Les Affaires de Clermont-Ferrand, ou de Karachi, se distinguent par des morts d'hommes. L'opinion est encore moins disposée à accepter que l'administration s'exonère de son fonctionnement défectueux par un formalisme de circonstances ou de façade. Il est donc temps de réformer cela et des solutions simples existent.
La démocratie repose sur la confiance de l'opinion dans ses institutions.
L'actualité accablante du ministère de l'intérieur, d'une part, et son syndicalisme de pacotilles qui discrimine des syndicats fréquentables d'autres qui ne le sont pas, d'autre part, finissent par poser l'impérieuse nécessité à réformer les autorités de contrôle et en faire, à l'image du défenseur des droits, des autorités administratives indépendantes.
Les inspections générales d'un corps seraient confiées, par exemple, comme suit :
- IGPN-IGS (police) : une inspection dirigée par des magistrats judiciaires (conformément au code de procédure judiciaire)
- IGSJ (justice judiciaire) ; une inspection dirigées par des juges administratifs
- IGA (inspection générale de l'administration), Inspection des Finances : une inspection dirigée par des magistrats de la cour des comptes
- Etc.
Les personnes de ces inspections seraient inamovibles. Leurs rapports seraient publics.
L'actualité dramatique de Clermont Ferrrand pose aussi la question de la formation des agents publics en général, et ceux des policiers en particuliers.
La formation des policiers (droit pénal, procédure pénale, droit de la fonction publique, droit social, droit syndical, libertés publiques, droit de l'Union, droit européen, droit international public, droit des étrangers, droit des migrations internationales, histoire de la police et de l'administration - notamment pendant l'occupation) devrait être confiée aux universités, la police n'assurant que les stages, les stagiaires gardant un tutorat universitaire jusqu'à leur titularisation.
L'externalisation de la formation aux universités se ferait dans le cadre de la participation patronnale à la formation continue et assurerait aux universités un revenu tout en assurant aux citoyens une formation d'agents publics dénuée de corporatisme. Cette formation diplomante assurerait aux agents une meilleure possibilité de quitter l'administration en cas de conflit de conscience.
Les policiers devraient faire des stages dans des cabinets d'avocats, aux urgences dans les hopitaux, chez les pompiers, au pole emploi, à l'éducation nationale, pour appréhender la complesité sociale qu'il réduise à la plus simple expression manichéenne du bien et du mal, le bien étant leur corps d'emploi et le mal tout le reste.
Pour en revenir à Clermont Ferrand, il paraît utile de rappeler aux fonctionnaires de l'IGPN et au parquet que constitue un faux en écriture publique, selon la chambre criminelle de la Cour de cassation, l'acte fabriqué par une ou plusieurs personnes à seule fin d'éluder la loi et de créer l'apparence d'une situation juridique de nature à porter préjudice à autrui" et que "l'altération frauduleuse de la vérité affectant la substance d'un procès-verbal dressé par un commissaire de police, fonctionnaire public, dans l'exercice de ses fonctions, revêt la qualification criminelle du faux en écriture publique et ce, lors même qu'un tel procès-verbal ne vaudrait qu'à titre de simple renseignement" (Crim 02-87628) et que "constitue un faux l'acte fabriqué par une ou plusieurs personnes à seule fin d'éluder la loi et de créer l'apparence d'une situation juridique de nature à porter préjudice à autrui," (Crim 04.84742)
Les familles des victimes sont en droit de s'interroger si cette infraction n'est pas constituée eu égard aux divergences qu'elles dénoncent entre la perfectibilité du travail de l'IGPN avec les faits qu'elles ont constatés elles-mêmes. Elles liront également avec profit l'Avis du Commissaire aux droits de l'homme, Thomas Hammarberg, sur "le règlement independant et efficace des plaintes contre la police" (Le Commissaire - CommDH(2009)4 / 12 mars 2009) et le code européen d'éthique de la police, adopté par le comité des ministres du Conseil de l'Europe. La Cour européenne de Strasbourg interprète la conformité du comportement de la police à la convention des droits de l'homme à la lumière de ce code.
Les policiers sont privatisables si l'UMP reste au pouvoir comme y conclut l'article de Djoheur Zerouki Cottin dans l'AJ Pénal (2010 N°11) "La sécurité privée en marche vers la professionnalisation" et comme le prouve la création par la majorité du CNAPS.
La violence institutionnelle demeurera, seul son champ d'application se sera déplacé.
A bon entendeur.