Je m'étais permis d'exprimer un doute sur le film Commissariat et je me l'étais vu reprocher brutalement. Des policiers ont pris l'initiative de mettre en ligne des vidéos rappelant l'opinion à une réalité qui manque, par la force des choses, à un documentaire tourné forcément avec l'agrément du ministère de l'intérieur.
Ces vidéso sont en ligne et Le Figaro les propose avec un petit commentaire.
On apprend que la police compte 50 suicides par an et qu'il y en a eu 700 ces dernières années (le ministre va diligenter une enquête pour démasquer les auteurs de ces révalations qu'il devrait être le premier à connaître et à prévenir).
Ces chiffres - une hécatombe - établissent une faute très grave de l'adminsitration et de l'Etat.
La durée et le nombre des victimes révèlent une situation infractionnelle. Il n'y a aucune enquête sur ces "accidents mortels" qui se produisent souvent sur le lieu du travail.
Aucun dirigeant d'entreprise n'échapperait à des poursuites, contrairement au ministre de l'intérieur, qui bénéficie d'une grande mansuétude judiciaire malgré des textes très clairs engageant la responsabilté hiérarchique.
N'importe quel élu ou syndicat peut interpeller le gouvernement en soulevant le fait que :
Le Conseil d'Etat juge que l'état dépressif est imputable au service (CE 11 février 1981 Ministre de l'intérieur c/ Mauger req. N°19614).
L'article 23 de la loi N°83-634 impose « Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail ».
Cette obligation est de résultat selon la directive CEE N°83/391 du 12 juin 1989 imposant à l'employeur une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs.
Cette obligation de sécurité de résultat est précisée dans le règlement général d'emploi de la police nationale (ARRETE NOR: INTC0600544A)
Ce règlement pose une obligation de prévention.
L'article 111-8 du règlement de la police prévoit que « L'autorité hiérarchique, dans l'intérêt des personnels, veille en permanence à la qualité des rapports sociaux et humains. » ; l'article 111-9 le complète en précisant que « L'autorité hiérarchique veille à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous sa responsabilité ».
L'article 2 du même règlement rappelle la responsabilité des préfets dans la direction de la police nationale et vise en son article 111-1 les dispositions du décret N°20004-734 relatif à leurs pouvoirs.
Les directives CEE 2000/43 et 2000/78 précisées par les accords cadre du 8 octobre 2004 sur le stress au travail et du 26 avril 2007 sur le harcèlement et la violence au travail prévoient des procédures.
La conformité au droit de l'Union de la procédure impose que :
- une assistance externe peut s’avérer utile.
- la victime doit bénéficier d’un soutien et, au besoin, être assistées dans sa réintégration.
700 suicides dans une adminsitration contrevient aussi à la Charte sociale européenne (Partie 1 articles 3 et 5) et au code européen d'éthique de la police adopté par le conseil de ministres du Conseil de l'Europe (Rec(2001)10 du 19 septembre 2001) : « 20. L’organisation des services de police doit comporter des mesures efficacespropres à garantir l’intégrité des personnels de police».
L'abstention à mettre un terme à une situation ne répondant ni à un besoin du service ni à l'intérêt général engage la responsabilité de l'administration (CE 12 mars 2010 commune de Hoenheim N°308974, CE 24 novembre 2006 Mme Baillet c/ Office national de la chasse et de la faune sauvage req. N°256313, CAA Marseille 23 mars 2004 Mme Guitard c/ Commune de Cannes req. N°01MA01888, CAA Nancy 6 juillet 2066 Chambre des métiers des Vosges c/ Mme Jacquot req. N°05NC00135).
Enfin, non seulement le devoir de réserve n'est prévu par aucun texte mais il est limité par la Convetion européenne des droits de l'homme (voir par ex. Affaire Guja c. Moldavie).
Une situation sociale aussi dégradée au sein de la police montre l'existence d'une contrainte menaçant les droits des justiciables comme l'illustre l'inflation des gardes à vue, qui sont une privation de liberté échappant à l'appréciation d'une autorité judiciare indépendante, donc contraires à la Convention européenne des droits de l'homme.
Ce qui est vrai pour la police, notamment le droit social européen, l'est pour n'importe quel travailleur.
Non content de négliger la santé et la sécurité de ses fonctionnaires, le ministre de l'intérieur s'apprête à poursuivre les auteurs ayant eu le courage de dénoncer un situation contraire aux droits de l'homme et à l'intérêt général.
France Télécom fait les titres avec beaucoup moins que cela.
La police est dangereuse.
700 morts.
Combien en faut-il de plus pour s'inquieter ?
Il y a non assistance à personne en danger.
Il serait temps qu'on s'inquiète d'un comportement managérial qui remplit les cimetières ou se satisfait d'une telle morbidité.
mise à jour : la presse porte une appréciation critique sur la démarche depuis qu'une nouvelle vidéo révèle l'objet commercial visé par l'auteur des films. Il n'en reste pas moins que les faits révélés dans les films et le livre qu'il promeuvent soulèvent un débat de société qu'il n'est pas possible d'éviter. On ne saurait mépriser 700 morts au prétexte qu'on vend un livre.
mise à jour : Quatre policiers se sont suicidés en un jour en Île-de-France. Mais le problème est ancien, la profession de policier n’étant pas plus enviable que celle d’agent de France Télécom (Marianne)
Bénédicte Desforges et Marc Louboutin, deux spécialistes de la police et auteurs de plusieurs ouvrages, reviennent sur les récents suicide de policiers. Ils font plusieurs préconisations pour, enfin, faire baisser ce nombre de morts qui reste stable année après année -une cinquantaine par an. (Médiapart) NdR : je ne partage pas ce point de vue - cf mon commentaire à l'article
Gilles Sainati : Fin juin 2011, la Cour des comptes a publié un rapport intitulé: «L'organisation et la gestion des Forces de sécurité publique». Adoptant comme période d'étude les années 2002/2010, ce rapport tire en réalité le bilan des années Sarkozy. L'analyse faite par les Chambres régionales des comptes dans 52 villes de quatre régions françaises et leur diagnostic final n'est pas pour nous surprendre:
- statistiques de la délinquance biaisées
- mauvaise utilisation des effectifs de la gendarmerie et de la police doublé d'une restriction budgétaire en aveugle
- détestable politique du chiffre
- dévoiement de la vidéosurveillance à l'efficacité inexistante
- augmentation des effectifs de policiers municipaux et autres vigiles à la formation lacunaire
- augmentation des atteintes aux personnes...