Première chronique hebdomadaire consacrée à l'actualité du continent latinoaméricain. Sur mon carnet de notes cette semaine : ombres chinoises au Pérou, masques roses à Cuba et naissance de la « droite Pacifique ».
J'ouvre ce carnet de notes hebdomadaire de l'actu latinoaméricaine avec une sortie illuminée du président péruvien Alan García visiblement inspiré par la béatification de Jean-Paul II. Après avoir exprimé sa joie et sa satisfaction suite à la reconnaissance de l'ancien pape, Alan García a déclaré que le premier miracle de Jean-Paul II "a été d'extirper de cette terre l'incarnation démoniaque du crime, du mal et de la haine", en référence à l'assassinat d'Oussama Ben Laden par les militaires américains au Pakistan. La mort de Ben Laden serait donc un miracle opéré par Jean-Paul II depuis son lit de mort. On sait combien l'ancien souverain pontife était adoré en Amérique latine,et l'est toujours. Le doux regard de Karol Wojtyla veille sur des milliers de foyers latinoaméricains qui conservent encore un calendrier ou un autocollant du pape dans leur salle à manger.
Ce genre de déclaration populisto-ecclésiastiques d'Alan García ne nous manquera pas. Il ne reste que quelques semaines avant la fin de son mandat en juillet prochain. Mais avant, le Pérou vivra, et vit déjà des heures décisives puisque les électeurs devront choisir entre Ollanta Humala, candidat nationaliste proche d'Hugo Chavez et du Brésil de Lula, et Keiko Fujimori, fille biologique et politique du dictateur Alberto Fujimori qui croupit en prison au Pérou pour crimes contre l'humanité, comme le rappelle l'hebdomadaire péruvien de gauche Caretas. Souvenirs ému de son arrestation en 2007. J'étais alors en échange à L'Université Catholique de Lima. Sentiment de vivre un morceau d'histoire dans un pays qui a réussi l'exploit de condamner sur son sol un dictateur.
L'écrivain d'origine péruvienne Mario Vargas Llosa, 6e prix Nobel de littérature latinoaméricain (après Mistral, Asturias, Neruda, García Márquez et Paz), et qui donne son avis sur tout les sujets possibles, a expliqué qu'il aurait à choisir entre « le sida et le cancer » au moment de voter. Pour autant, la hargne de Vargas Llosa contre tout ce qui peut incarner un idéal de gauche en Amérique latine ne va pas au-delà de sa crainte de voir le clan Fujimori (qui a vendu le pays tout en piétinant les droits de l'homme entre 1990 et 2000) accéder une nouvelle fois au pouvoir. Fin avril, il a déclaré qu'il voterait « sans joie et non sans crainte » pour Humala. Les tours et détours de la vilaine Keiko ont en effet de quoi de l'urticaire à l'écrivain qui a été battu en 1990 par son père Alberto Fujimori au 2e tour de l'élection présidentielle. A l'époque,Mario Vargas Llosa était le candidat de la droite libérale. Et Fujimori était un recteur d'université sorti de nulle part.
La droite Pacifique
A Lima toujours, quatre pays de droite ont signé le 28 avril une déclaration donnant naissance à l'Alliance du Pacifique. Mexique, Colombie, Pérou et Chili (et en présence du Panamá) souhaitent à terme renforcer leur intégration commerciale. Un traité d'intégration de plus en Amérique qui compte déjà : le Mercosur, l'Alena, l'Alba (initiative vénézuélienne) et l'Apec.
Les quatre pays idéologiquement opposés au bloc de gauche du continent, et totalement alignés sur la politique de Washington ont signé une alliance sans pourtant donner de coup d'envoi à un traité commercial qui a été retardé. Plusieurs candidats à l'élection présidentielle péruvienne ne veulent pas d'un accord de libre-échange avec le Mexique. Tandis que le sénat mexicain vient de remettre à plus tard une initiative de loi à ce sujet, faute d'appui politique.
Pendant ce temps-là à Veracruz
Et pendant ce temps-là à Veracruz, on a commémoré la bataille de Camarón -ou Camerone - au cours de laquelle quelques dizaines de légionnaires français ont combattu plusieurs centaines de soldats Mexicains en 1863. La France, alors dirigée par Napoléon le petit, voulait instaurer au Mexique un grand empire catholique au Mexique. Ce qu'Eugène Rouher qualifiait de « plus grande idée du règne » aura duré 4 ans avec le règne de Maximilien de Habsbourg. Un monarque libéral mis sur le trône par des conservateurs contre la volonté des libéraux mexicains !
Aujourd'hui, cette bataille emblématique de la légion étrangère française est célébrée de concert par les deux pays. La célébration s'est déroulée en présence du corps diplomatique et militaire français, ainsi que de Miguel Alemán, fils d'ancien président, ancien gouverneur local, président d'une compagnie aérienne mexicaine et gratifié de la légion d'honneur. L'occasion de rappeler que les échanges économiques entre les deux pays se portent le mieux du monde.
Sorcellerie et politique
Restons dans l'Etat de Veracruz où il se passe de drôles de choses un peu plus au sud dans le petit village de Catemaco. L'excellente revue XXI a publié sur son site une chronique que j'ai réalisée avec Emiland Guillerme à propos de ce village qui vit de l'industrie de la sorcellerie. C'est à lire ici.
Le site de XXI reprend par ailleurs aujourd'hui l'une des informations que je vous donnais il y a deux mois à propos du documentaire Presunto Culpable de nouveau disponible en intégralité sur Youtube. Bouleversant. Engagé. Révoltant. A ne pas rater ! Les sous-titres sont en anglais.
Cuba
Enfin Cuba lance officiellement aujourd'hui une série d'évènements dans le cadre du mois contre l'homophobie. La fille du Raúl Castro, Mariela Castro, directrice du Centro nacional de educación sexual (Cenesex) est en première ligne. Cette « marraine des gays » cubains s'investit depuis plusieurs années pour le respect de la diversité sexuelle. Plus d'infos très prochainement.
Mexico, 3 mai 2011.
Photo: Eternelle brume liménienne. Par Funz, Flickr.