REFONDATION ECOLE (avatar)

REFONDATION ECOLE

Collectif de veille pour une authentique refondation de l'Ecole

Abonné·e de Mediapart

112 Billets

0 Édition

Billet de blog 13 juin 2015

REFONDATION ECOLE (avatar)

REFONDATION ECOLE

Collectif de veille pour une authentique refondation de l'Ecole

Abonné·e de Mediapart

Un axe de refondation: la démocratisation de l’Education nationale

De nombreux incidents de parcours, qui se sont déroulés notamment après les attentats de janvier 2015, assombrissent les relations entre administration et monde enseignant. Les pétitions s’accumulent pour demander l’arrêt de poursuites disciplinaires.

REFONDATION ECOLE (avatar)

REFONDATION ECOLE

Collectif de veille pour une authentique refondation de l'Ecole

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

  L’autoritarisme des pouvoirs publics

        De nombreux incidents de parcours, qui se sont déroulés notamment après les attentats de janvier 2015, assombrissent les relations entre administration et monde enseignant. Les pétitions s’accumulent pour demander l’arrêt de poursuites disciplinaires, à l’encontre du professeur de philosophie Jean-François Chazerans à Poitiers[1], de Joseph Ntawbe professeur d'histoire géographie à Montreuil sur mer[2], des 6 enseignants du collège Bellefontaine de Toulouse[3], de deux enseignants grévistes de Colombes (92), Gari Pham et Oscar Roman [4]. Est-il normal que toujours davantage d’enseignants deviennent les fusibles d’une machine éducative en surchauffe ? Cela dans un contexte de dérives en tous genres, qu’un gouvernement dit de gauche s’autoriserait au nom de la difficile gestion de la crise systémique, socio-économique, géo-politique….

      Est-il normal que le ministère de l’Education nationale publie le décret d’application de la réforme des collèges, le jour même (le 19 mai 2015) où une partie de la corporation (50 % en collège, selon l’intersyndicale) fait grève et manifeste pour sa renégociation? Est-il normal que le 11 juin dernier, deuxième jour de mobilisation[5], soit aussi celui choisi pour une première version de la circulaire d’application de la réforme ? [6] Où est le dialogue social dans ces conditions, qui doit faire prévaloir le respect de la représentativité des interlocuteurs ? Pour mémoire, l’intersyndicale est constituée de 7 syndicats qui représentent 80% des personnels syndiqués. A défaut de quoi, c’est de vulgaire « com » politicienne dont il est question, et dont les pouvoirs publics n’auront pas le gain escompté à terme. Miser, avec l’aide des médias officiels qui s’en font l’écho, sur la démobilisation d’une corporation qui constitue l’un de ses  électorats naturels et qui est conduite à appliquer sur le terrain la réforme précitée, n’a rien de constructif. Une telle stratégie de division des forces progressistes est-elle par ailleurs judicieuse, au regard des risques de victoire d’un populisme réactionnel et réactionnaire, désormais aux portes du pouvoir? 

La corporation enseignante objet de pressions hiérarchiques et scolaires

           Il est connu que les enjeux scolaires relèvent d’une tradition républicaine forte et ambivalente, marquée tant par l’autoritarisme administratif que par des principes consacrés d’égalité et de mérite républicain. Il reste donc à rétablir un rapport de forces à même de faire reconsidérer des objectifs légitimes, qui engagent l‘avenir de la nation.

          Cela passe par le renforcement des liens avec la corporation enseignante, fatiguée de devoir subir les pressions conjuguées de la hiérarchie et de  certains publics. En complément de la défense des élèves pour un accès égal à des savoirs de qualité, il importe de renforcer celle des personnels eux-mêmes.

      Il est à noter que les pressions précitées s’exercent sur une corporation de plus en plus féminisée et donc fragilisée de ce fait. Sous l’effet de la crise citoyenne, les tutelles hiérarchiques s’accumulent comme autant de charges difficiles à supporter et devenues souvent illégitimes par leur concentration: principal/proviseur/proviseur adjoint, conseiller pédagogique d’éducation (CPE) qui peut instruire des dossiers à l’encontre d’un(e) enseignant(e) et à son insu, de  même que les parents et les élèves, inspecteur, service académique (quand le dossier passe à ce stade, ce qui peut conduire à une procédure disciplinaire)...Les enseignant(e) n’ont pas à devenir des boucs émissaires, en temps de  crise du système éducatif.

      Comme le démontre Alain Réfalo, il est  temps également que le ministère réhabilite les professeurs du primaire qui ont été sanctionnés pour avoir résisté à un système d'évaluation inique, et abandonné par la suite:

"L’arrivée de Vincent Peillon au ministère modifiera la donne sur la question des évaluations nationales. Dès le mois de juin 2012, il fera savoir que la remontée des résultats des évaluations n’est plus obligatoire. Cette décision avait valeur de reconnaissance du niveau de rejet de ces évaluations… La passation des évaluations deviendra facultative en 2013 et elle sera définitivement abandonnée en 2014. Les multiples résistances des enseignants, des inspecteurs et des parents d’élèves (qui ont parfois subtilisé les carnets d’évaluation ou les ont publiés sur internet) ont eu raison de ce dispositif absurde et contraire à l’esprit de l’école républicaine.

La résistance éthique et responsable des enseignants du primaire sous le mandat Sarkozy est désormais davantage reconnue. Nous ne pouvons que regretter qu’elle n’ait pas été assumée par les autorités politiques qui ont pris la succession des sinistres ministres Darcos et Chatel. (...) Nous avons gagné sur la plupart des tableaux et pourtant notre résistance, jusqu’à ce jour, n’a pas été reconnue comme une démarche salutaire en défense de l’école de la République, inspirée par l’intérêt supérieur de l’enfant. La gauche au pouvoir est restée sourde à nos appels de levée des sanctions, injustes et disproportionnées, prononcées à notre encontre, alors qu’elle admettait hier à demi-mots, de façon discrète, la validité de nos analyses. "[7]

       Dans ce contexte dégradé et bien connu des jeunes publics, le recrutement devient déficitaire pour de nombreuses disciplines -maths, Lettres, anglais…- du secondaire, en dépit des appels d’offres gouvernementales -en matière de création de postes-. Qui voudrait risquer trois à quatre décennies de précarité psycho-sociale ? Il est temps de demander la réhabilitation de cette corporation, sachant qu’elle est un garant des équilibres philosophiques dans le pays, dans un contexte de confusion idéologique grandissante.

 Pour une campagne unitaire de défense et de promotion de la corporation

          En complément du refus de l’accroissement des pouvoirs des directions d’établissement (dans le cadre de la réforme des collèges)[8], il serait intéressant de demander

-la réhabilitation des professeurs du primaire en résistance contre le système d'évaluations de l'ère Sarkozy-Darcos

-l’arrêt des poursuites judiciaires des personnels du secondaire soumis aux aléas de la vie scolaire (incivilités et violences) et socio-politique (actualité post-attentats) : le classement des dossiers déjà instruits et en cours d’instruction

-l’arrêt du système de délations et la transparence du dispositif administratif à tous les niveaux ainsi que la préférence donnée au dialogue interne, quant à la gestion des dossiers des enseignant(e)s confrontés aux problèmes de violence ….

-le respect de la mesure ministérielle concernant "le rétablissement de l'autorité des maîtres" en date du 22 janvier 2015. Et le bilan fait de cette application par établissement :
[Mesure 2] Rétablir l'autorité des maîtres et les rites républicains (campagne pour  « une grande mobilisation de l’Ecole autour des valeurs républicaines »)[9]

« Tout comportement mettant en cause les valeurs de la République ou l’autorité du maître fera l’objet d’un signalement systématique au directeur d’école ou au chef d’établissement, d’un dialogue éducatif associant les parents d’élèves et, le cas échéant, d’une sanction. Aucun incident ne sera laissé sans suite.»

-le respect, pour les personnels de l’EN, de la loi de 2014 sur le harcèlement moral

-la reconnaissance par l’Education nationale des risques psycho-sociaux (RPS) et du burn-out[10]

          Un ensemble de préconisations est listé dans cette contribution collégiale, Défense et promotion de la condition enseignante (alerte citoyenne)

http://blogs.mediapart.fr/blog/refondation-ecole/120315/defense-et-promotion-de-la-condition-enseignante-alerte-citoyenne

         L’opposition actuelle entre pédagogues et disciplinaires est conjoncturelle, elle peut être dépassée.   La primauté donnée à la pédagogie s’explique par le cycle de référence,  le collège correspondant à une tranche d’âge où cette science a naturellement voix au chapitre. Le problème à résoudre est celui du « manque à gagner » enregistré par d’autres composantes, disciplinaires cette fois-ci. Le manque d’arbitrages suffisants de la part du ministère légitime la mobilisation des disciplinaires, qui a conduit d’ores et déjà à des ajustements.

        Dans l’intérêt de la corporation comme de l’Ecole, il serait intéressant de sortir du hiatus actuel. Et que soit renoué le dialogue entre différentes composantes –disciplinaires et pédagogiques- comme syndicales sur une problématique démocratique de cet ordre, qui peut faire consensus. En fait, la démocratisation de l'Education nationale est une condition sine qua non de la remobilisation de la société toute entière pour sa régénération. [11] 


[1] http://blogs.mediapart.fr/blog/philippe-despicht/290315/linjustice-poitiers

http://www.petitionpublique.fr/?pi=P2015N47300

[2] http://blogs.mediapart.fr/blog/philippe-despicht/070615/petition-de-soutien-joseph-ntambwe-professeur-dhistoire-geographie-suspendu-qui-doit-passer-e

http://www.petitionpublique.fr/PeticaoVer.aspx?pi=P2015N47726

[3] Collègues sanctionnés pour fait de grève ! (pétition)

 https://www.change.org/p/m-le-pr%C3%A9sident-de-la-r%C3%A9publique-fran%C3%A7ois-hollande-mme-la-ministre-de-l-%C3%A9ducation-nationale-najat-vallaud-belkacem-mme-la-rectrice-de-l-acad%C3%A9mie-de-toulouse-h%C3%A9l%C3%A8ne-bernard-r%C3%A9int%C3%A9grez-imm%C3%A9diatement-les-6-enseignants-sur-leur-lieu-de-travail-et-levez

Réintégrez immédiatement les 6 enseignants du collège Bellefontaine sur leur lieu de travail et levez les procédures disciplinaires engagées à leur encontre.

http://www.ladepeche.fr/article/2015/06/22/2129550-une-prof-sanctionnee-entame-une-greve-de-la-faim.html

[4]https://www.change.org/p/m-le-recteur-de-l-acad%C3%A9mie-de-versailles-ne-sanctionnez-pas-deux-enseignants-gr%C3%A9vistes-de-colombes-92-2?recruiter=93186224&utm_source=share_petition&utm_medium=email&utm_campaign=share_email_responsive

[5] http://www.sudeducation.org/College-communique-intersyndical.html

[6] « C’est la prochaine étape dans la mise en œuvre de la réforme dite du « collège 2016 ». Alors qu’une intersyndicale enseignante appelle à une nouvelle journée de mobilisation jeudi 11 juin, le ministère de l’éducation nationale a choisi de mettre en discussion, la veille, une première version de la circulaire d’application de la réforme. Soit le mode d’emploi adressé, avant la rentrée 2016, aux chefs d’établissement et aux équipes pédagogiques.

A croire que l’on aime bien, rue de Grenelle, jouer avec le calendrier : c’est au lendemain de la première grève du 19 mai qu’avaient été publiés au Journal officiel le décret et l’arrêté officialisant la réforme. Un « geste de provocation » dénoncé, entre autres, par le syndicat majoritaire SNES-FSU. »

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/education/article/2015/06/10/reforme-du-college-un-front-divise-avant-la-greve_4651012_1473685.html#eGLE1XsSivLE1jpq.99

[7] Alain Réfalo, Le ministère de l’Education nationale reconnaît l’importance de la résistance pédagogique des enseignants du primaire entre 2009 et 2012 (14 juin 2015)
http://alainrefalo.org/2015/06/14/le-ministere-de-leducation-nationale-reconnait-limportance-de-la-resistance-pedagogique-des-enseignants-du-primaire-entre-2009-et-2012/?fb_action_ids=10203175122019431&fb_action_types=news.publishes

[8] Pourquoi par exemple attribuer à un conseil pédagogique non élu par les composantes de la communauté éducative (à la différence du conseil d’administration) les prérogatives de déterminer les Enseignements Pratiques Interdisciplinaires (EPI) de l’établissement ? 

[9] http://www.education.gouv.fr/cid85644/onze-mesures-pour-un-grande-mobilisation-de-l-ecole-pour-les-valeurs-de-la-republique.html#Mesure_2%20:%20R%C3%A9tablir%20l%27autorit%C3%A9%20des%20ma%C3%AEtres%20et%20les%20rites%20r%C3%A9publicains

[10] Le  projet de loi Hamon est en cours de discussion.

[11] Pierre Frackowiak, Education et régénération démocratique
http://blogs.mediapart.fr/blog/pierre-frackowiak/280314/educaition-et-regenration-democratique

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.