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Billet de blog 7 avril 2015

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Convoi pour la Grèce: Exarchia version 2: une soirée inoubliable

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03/04/2015


Bon, finalement ce ne sera pas le Sarouel, mais ma robe en jean. Il fait trop beau. C’est l’heure des cataplasmes de crème solaire. J’ai la peau toute froissée. Je cède à la proposition de Elisa de sortir avec les garçons. C’est vraiment parce que c’est elle. Tophi m’a demandé de venir le réveiller dans son lit. Quand il se réveille il sourit. Ca fait plaisir quelqu’un qui ne fait pas la gueule dès le matin.
J’appelle Sofia. Elle me dit qu’elle est désolée, la veille elle a travaillé dans sa pharmacie jusque après 20h et elle n’avait pas son téléphone. Elle m’explique que ce soir, au théâtre d’Exarchia, il y a un meeting de femmes qui ont un projet de création d’une « maison des femmes » dont le but serait d’être un lieu d’échange, de partage, d’information, de protection. Elle me dit que ce sera en Grec même s’il y aura des gens qui parlent français et que peut être cela ne m’intéresse pas d’y aller. Elle rigole ouais! Bien sur que ça m’intéresse d’aller voir comment les femmes s’organisent face à la crise! RDV à 19h. Je suis ravie, je vais pouvoir poser mes questions à Sofia. Je ne vais pas être déçue.
On va prendre un petit dej avec la troupe de l’auberge. Salam et Tophi nous en racontent encore des vertes et des pas mures. Ils m’expliquent qu’une grosse partie de la clientèle de l’auberge est composée de réfugiés en attente de papiers. Salam prend des tas de photos et nous montre une photo de sa super voiture d’Iraqien riche. Il a l’air fier. je ne comprendrai jamais. Ils me proposent la plage. Je leur dis que j’aimerais vraiment aller au musée aujourd’hui, que Seb et aussi Colette m’ont dit qu’il était vraiment super ce musée. Il est tôt, je peux peut être faire les deux. Elisa veut d’abord aller chercher des épices et voir les Halles dont je lui ai vanté les couleurs. Sur les étals, il y a du  thé des montagnes. C’est Colette qui m’a fait découvrir ça. C’est une infusion avec des herbes qui poussent dans les montagnes. J’en achète un sachet pour ma collègue Gaëlle qui boit pas mal de thé. Gaëlle c’est ma collègue préférée du service. Quand j’étais étudiante en médecine, c’est elle qui m’a appris et rappelé qu’être un bon médecin c’est aussi être à l’écoute, prendre les mains attachées des patients de réa dans la sienne quand on leur parle et s’assurer toujours de leur confort. Je l’écoutais annoncer les mauvaises nouvelles au téléphone. Je retenais les mots utilisés, leur ordre, les temps de silence. Gaëlle est très humaine. Cela me montre parfois que ce métier me déshumanise lentement. Je crois que c’est une façon de survivre. Ca me rappelle la semaine dernière quand je suis allée voir un patient avec un cancer métastatique que je n’ai pas pris dans mon service car cela ne lui aurait pas rendu service selon moi. Les patients sont souvent déjà inconscients quand on va les voir. Lui ne l’était pas. Il m’a dit: « alors ça veut dire qu’il y a 50% de chances que je meure aujourd’hui? C’est peut être mon dernier jour? ». Bouffée de tristesse, j’ai l’impression que c’est mon grand père décédé de la même chose il y a deux semaines qui me parle. J’étrangle un sanglot et retiens mes larmes pour ne pas me trahir. Que peut on répondre à cela quand vous savez que c’est probablement son dernier jour? La vérité? C’est affreux. Mentir? Je ne peux pas non plus. Je lui explique que l’on va tout faire pour essayer de contrôler l’infection. Il me demande si ça évolue mal comment il va mourir. Je me sens mal. Il s’endormira lentement. J’assure son confort à sa famille. Je remonte le voir deux heures plus tard. Il est dans le coma. J’ai l’impression d’avoir été la grande faucheuse. Je vais rendre visite à sa voisine pour me sentir mieux. Une trentenaire qu’on a eu dans le service et qu’on a rattrapé par les cheveux.
On arrive à Syndagma sur la place du parlement. Il y a des gens avec des banderoles qui manifestent. Il y a un type qui encadre le truc, je lui demande de quoi il s’agit. « Political stuff ». Oui…mais encore? Il me dit que ce sont des gens de l’aile gauche de Syriza. Je n’en saurai pas plus. Je n’ai pas le temps d’aller les voir, le tram arrive. Je suppose qu’il demande la sortie de l’Euro. Je suis un peu déçue j’aurais aimé parler avec eux. Je parle à la troupe de Tsipras et Varoufakis. Pour emmener Elisa dans la conversation, je lui dis que Varoufakis il a un look d’enfer et qu’avec Catherine, une de mes contacts facebook gauchot, on le trouve pas mal du tout. Je lui fais croire que je suis venue en Grèce aussi pour le rencontrer est essayer de le pécho. Cela la fait rire. Je lui parle de Aube Dorée, des anar, de la violence, du FN. Je remarque en lui parlant qu’à chaque fois que le tram passe devant une église, les vieilles dames se signent. Et quand un pope rentre dans le tram, tout le monde se lève pour lui laisser sa place, y compris les vieilles dames. Les vieilles dames ici, elle sont toutes teintes en rousse ou en auburn et elles ont les cheveux tout secs et en pétard. Comme Yvonne dans « Et maintenant on va où? ». J’adore ce film. Surtout le moment où les femmes fabriquent des gâteaux et biscuits bourrés de Haschich en chantant, pour les faire manger à leur mari et qu’ils cessent de se battre pour des conneries de religion.
Quand j’ai fini de parler du Grexit à Elisa, la dame à ma droite m’attrape le bras et me demande en anglais qui je suis et d’où je viens. Je lui explique. She is very nice to meet me. Cette jeune femme a une paralysie faciale visiblement et est enceinte jusqu’aux yeux. Elle m’explique qu’elle est enseignante et qu’elle fait aussi du bénévolat pour enseigner aux gens défavorisés. Certains enfants n’ont plus accès à l’école. Elle a voté pour Syriza, mais elle, elle pense qu’il faut sortir de l’Euro, qu’il n’y a pas d’autre issue. Mais les gens ont peur de l’inconnu, du vide, et que ce soit pire après le retour de la drachme et que pour l’instant ils ne sont pas prêt pour la plupart. Elle me dit que Tsipras passe son temps entre Bruxelles et Athènes et que les négociations n’en finissent pas et que la situation s’enlise. Elle me frotte le bras en me remerciant et descend du tram. Mon téléphone sonne.
Costa ne parle pas aussi fort que d’habitude. Je l’engueule. je lui dis que j’étais inquiète, que j’ai envoyé un message à Laetitia pour savoir si elle avait des nouvelles et qu’il aurait pu juste me prévenir avec un simple SMS. Il m’explique qu’il était en Crète et qu'il rentre seulement. What the fuck? Après être retourné à l’hôpital, deux jours auparavant, il a reçu un coup de fil disant qu’il y avait un PMO (prélèvement multi organes) là bas et qu’il vient de revenir. Je l’engueule quand même. Je lui dis que je comprends tout a fait qu’il ait du boulot et autre chose à faire que de me tenir compagnie, qu’il n’y a aucun problème, mais que il devait se douter que j’étais inquiète quand il a vu mes messages et que ça prenait 3 secondes de me répondre. Il se confond en excuses, me dit que j’ai raison (c’est toujours mon moment préféré) et qu’il a eu tort de faire comme ça. Il me demande où je suis et si je veux venir le voir à l’Hôpital. Je lui explique que je vais à la plage et que je passe ma vie à l’hôpital et que je n’ai pas envie aujourd’hui. On essaie de se voir demain. J’ai remarqué qu’au téléphone, les grecs ils disent tout la même chose à la fin de la conversation: « OK, on s’appelle et on se parle ».
J’ai la nausée, il faut vraiment que ce trajet se termine. On arrive à la plage.
Euh c’est ça la plage? Un truc tout sale, collé à un parking et à la route. Tais toi Sarah. On s’installe. La troupe me pose des questions sur mon métier et mes études. Je leur explique que pour la moitié, je suis une sorte de médecin dealer sponsorisé par la sécu et que pour l’autre je réanime les gens en train de mourir. Il me dit que je suis une sorte d’ambulance quoi. Not really. Je n’aime pas cette plage, je ne m’y sens pas bien. Je pense à la Bretagne, ce coin de paradis. Je pars seule pour le musée.
Quand j’arrive, j’ai hyper faim, il est 15h. Tant pis pour le musée, je ferai ça demain. Je vais au resto. Le Routard en conseille un qui dispose d’une terrasse avec vue imprenable sur l’Acropole. J’achète. Délicious. Je repense aux prix, à la déflation. Bernard m’a expliqué que dans le lycée où il bosse, ils ont du se battre pour maintenir les salaires au même niveau malgré la pression des parents d’élèves. Il ne veut pas participer à la cascade déflationniste. Au resto, je termine le Diplo du mois dernier. Il y a un article excellent sur les relations entre les USA et l’Iran. Ils rappellent toute l’histoire entre ces deux pays. J’avais découvert ça dans le bouquin d’Howard Zinn il y a quelques années, j’avais été édifiée par toutes les trahisons perpétrées par les USA à leur encontre. Je découvre le scandale de l’Irangate que je ne connaissais pas. En rentrant je vais écouter sous l’Acropole les musiciens de rue. Un jeune garçon et son père qui jouent merveilleusement bien du violon. Des hommes qui jouent de la musique grecque avec guitare et mandoline, accompagnés au chant par une nana à la voix vraiment superbe. Des musiciens de rue, il y en a absolument partout à Athènes. Un job de secours j’imagine.
Après mon moment de la journée au dispensaire, je rentre me poser un peu sur la terrasse de ma chambre. Sur le chemin du retour, je suis interpellée visuellement par un symbole que je connais bien: celui de Syriza. Diantre, je suis devant le siège du parti. Photo.
Il est bientôt 19h, je prends la route vers une soirée inoubliable.

L’ambiance d’Exarchia est la même que la veille. Je m’y sens bien plus en sécurité qu’à Omonia.
Sofia est là, elle vient m’accueillir. Elle me présente à Sonia. Sonia est féministe, luxembourgeoise, elle vit depuis 40 ans en Grèce où elle a rejoint son époux. Elle a vécu en Belgique  et en Italie aussi. Du coup elle parle français. Elle m’explique que c’est compliqué ici de défendre la cause des femmes.
Sofia m’annonce le programme. Je lui demande de me parler de l’origine de cette initiative. En Grèce le taux de chômage actuel des femmes est d’environ 60%. Environ 75 chez les jeunes. Parmi celles qui travaillent, la plupart ont des emplois précaires où le temps de travail a été baissé récemment, ce qui a permis de baisser les salaires. Celles qui travaillent à l’hôpital ne sont pas payées pendant des mois, parfois 7 et au bout de cette période, on leur verse 30% de ce qu’on leur doit, histoire de les faire patienter. Les femmes qui travaillent dans des magasins sont souvent payées en nature, on leur propose de se servir dans les rayonnages. Celles qui ne travaillent pas n’ont pas de couverture santé pour elles ou pour leurs enfants. Par conséquent elles ne se font pas suivre par un médecin. Y compris lorsqu’elles sont enceintes. Pour beaucoup d’entre elles, la première fois qu’elles voient un gynéco de leur vie, c’est le jour de l’accouchement.  A l’hôpital public, là où travaille Costa, la prise en charge d’un accouchement normal c’est 600 euros. Environ deux fois leur salaire mensuel. C’est 1200 euros pour une césarienne. Sofia me raconte que jusqu’à récemment, quand la femme ne pouvait pas payer, l’hôpital gardait le bébé en otage jusqu’à ce qu’elle ramène la thune. Je n’y crois pas. Elle me jure que si. Elles ne se sont pas laissées faire. Elles ont réuni la presse, appelé la BBC qui est venue mettre son nez la dedans. L’hôpital a été exposé, mauvaise presse, cessation de cette pratique. Désormais, l’hôpital transfère la dette au service des impôts qui se charge de récupérer les sous. Quand elles n’ont pas d’argent, les impôts saisissent la maison ou la voiture. Si elles n’en ont pas, on met la mère en prison et on transfère la dette sur l’enfant. Je refuse d’y croire. Elle me dit que c’est la réalité. On criminalise la maternité des pauvres. C’est affreux. Ca me rappelle les histoires que Graeber raconte sur le péonage et l’endettement des enfants. Mon coeur se serre. Ici, en Europe, on laisse faire ça.
Sofia me dit que l’entretien avec le mec de l’ONU s’est bien passé, qu’il a constaté plusieurs atteintes aux droits de l’Homme, mais qu’il n’y aura pas de rapport. Jme sens vénère.
Quand Sofia me parle, avec son châle sur ses épaules, elle me fait penser à Annie. Annie a été notre voisine quand je vivais à Fontenay sous Bois. Elle aussi elle a aidé les gens en difficulté.
La soirée commence. Sofia fait un speech en grec. Puis c’est Sonia. Celui de Sonia est très long. Derrière elle, des photos de femmes luttant pour leur droits.
Après, 7 femmes vont réciter des poèmes écris par des femmes en prison. Elles ressemblent aux femmes dans les films de Pedro Almodovar. Sofia aussi.
Une femme parle du trafic de femmes qui existe, que pour pouvoir conquérir leurs droits elles n’ont pas le choix que de se mettre dans l’illégalité. Les textes de lois qui les protègent existent mais il n’y a ni l’argent, ni la mentalité pour les faire appliquer.
Sofia me dit que une femme va chanter. Elle me montre une très très grosse dame. Je demande à Sonia qui c’est. Elle me regarde, genre outrée. Limite je me fais engueuler. Apparemment la dame est très très connue en Grèce. Il parait même « qu’elle a fait plein de disques en français ». Son nom c’est Nena Venetzanou. C’est très beau quand elle chante. La dernière chanson, tout le monde dans la salle la chante avec elle. On m'explique que Nena chante souvent pour la cause féministe et qu'elle est aussi une femme engagée depuis la dictature des colonels.
Une femme se lève et propose à ceux qui ne comprennent pas le Grec de monter plus haut dans la salle pour qu’elle fasse une traduction en temps réel des interventions suivantes. Elle s’appelle Despina. Despina est artiste. Elle me fait penser à Judith. Toutes les deux, elles font du théâtre, version politisée, elles parlent avec les mains et les bras et sont très expressives.
Quand la soirée s’achève, Sofia me propose de me revoir avant mon départ, pour « boire un petit café ». J’accepte bien entendu. Despina me propose de continuer la soirée dans un bar à coté. Nous passons devant un bâtiment où les gens sont en train d’installer des meubles. Il s’agit d’un centre de soins gratuits autogéré qu’il sont en train d’ouvrir. Despina elle n’arrête pas de me dire que je suis incroyable. Qu’elle n’a jamais vu quelqu'un comme moi. Que ce que je fais, c’est héroïque pour elle. Je me sens gênée. Je me dis que ce n’est rien du tout ce que je fais, que ça me fait plaisir. Je ne dis rien, dire que c’est rien, c’est arrogant je trouve. Dire que j’ai envie de les aider aussi.  Elle me présente à tout le monde. On me frotte les bras, on me les attrape. Elle me demande si je viens avec une ONG. Elle me dit que c’est mieux sans ONG, qu’il y a des problèmes avec eux. Je suis d’accord. Elle me dit que le coté « simple citoyen », elle trouve ça incroyable. Elle me demande qui sont mes amis et pourquoi on fait ça. Elle me demande ce qui me motive. Je lui dis que je n’en sais rien, que cela s’impose à moi, que je ne peux pas regarder la Troika et l’Eurogroupe faire ces horreurs sans rien dire, sans rien faire. C’est ne rien faire qui me semble insoutenable. Elle me dit que si je suis à moitié syrienne, ils ont aussi beaucoup besoin, eux. Je lui explique que c’est plus compliqué pour moi. Elle me pose des questions sur l’acheminement des médicaments. Schoengen, c’est facile. Elle me dit que ce n’est quand même surement pas très légal. Je m’en fous. Je lui pose des questions sur Syriza. Despina a voté pour Syriza, elle croit en Syriza, mais elle a peur que cela ne change rien. Elle confirme qu’ils ne sont pas anticapitalistes. Despina ne veut pas sortir de l’Euro. Elle déteste Merkel et ses copains banquiers allemands. Ici tout le monde développe une forme de germanophobie. Elle dit que son peuple se fait humilier par les Allemands et que sortir de l’Euro, ce serait une humiliation de plus. Et que les gens s’enfermeraient dans des valeurs nationalistes et que ça la terrifie. Pour elle, ce serait le retour du moyen âge. Je lui dis que je pense que si Syriza n’arrive pas à tirer l’Europe à gauche, ce sera pire que le moyen âge pour eux. Elle est consciente de tout ce qu’il y a en jeu. Mais pour elle, si le pays qui a crée la démocratie et a été le berceau de la philosophie européenne sort de l’Europe, symboliquement c’est trop lourd.  Elle semble choquée que je pense qu’il faille en sortir. Je la rassure en lui disant que je veux déconstruire pour reconstruire. Je lui parle de l’idée de Lordon que notre valeur supérieure commune à tous les peuples du continent, celle qui pourrait nous réunir et être la base d’une nouvelle Europe, c’est la démocratie, le besoin de souveraineté populaire. Et qu’on pourrait construire là dessus. Elle me répond « comment peux tu croire que la démocratie soit une valeur commune à tous les européens quand le FN est le 2e parti pour lequel on vote en France? ». Ouais.
Je lui demande ce qu’elle pense des anar de Exarchia. Elle me dit qu’elle a du mal à les comprendre, qu’ils sont trop nihilistes et manquent de pragmatisme. Pour elle on ne peut pas à la fois sortir de la crise et du capitalisme et que les anar campent sur leur position anticapitaliste. Je ne suis pas d’accord avec elle. Pour moi la solution à la crise c’est de sortir de ce système.
Elle me demande qui sont ces gens qui peuvent voter Le Pen en France. Ca la scandalise qu’un français puisse voter FN. Ca la dépasse totalement. Même réponse que la veille. Sauf que Despina pense que ceux qui votent FN sont profondément antidémocrates. Je lui parle de Egalité et Réconciliation, de Soral, de qui il est. Que lui c’est clairement pas un démocrate. Despina se moque de lui. Elle est hyper cultivée. Nous parlons philosophie, de Spinoza, de Kant, de Hegel, De Marx, de Rancière, de la philosophie des lumières. Elle me dit qu’elle adore Deleuze et vachement moins Castoriadis. Je lui dis que j’adore Castoriadis et vachement moins Deleuze. Elle se moque un peu de moi parce que je ne connais pas Jean Luc Nancy. Elle m’apprend que c’est un philosophe français, que Castoriadis s’en est beaucoup inspiré. Avec nous, il y a Lucie. Lucie est française. Elle fait de la recherche en anthropologie et elle arrive tout juste en Grèce. Elle a vécu à Stanford, en Ouganda et ici, et ailleurs. Elle connait un peu Despina. Lucie me demande où je vis. Elle me dit « mais, tu connaitrais pas un chirurgien au CHU de Rouen qui s’appelle Martin? On s’est rencontré à Stanford ». Si c’est pas énorme ça! Je n’en reviens pas. Despina me demande ce que j’ai envie de faire dans les prochains jours. Parler avec les gens. Elle veut me présenter quelqu’un. Elle descend à l’étage au dessous et va voir des femmes assises autour d’une table. Elles discutent. Elle me fait signe de descendre.
Calliope Rigopoulou. Cette femme est un symbole politique. Elle est très connue dans le milieu. Quand la dictature est arrivée, elle s’est opposée physiquement à leur entrée dans la ville. Elle l'a durement payé. C’est une universitaire, une activiste politique, une héroïne comme dit Despina. Calliope me frotte le bras comme ils font tous. Elle me propose de déjeuner avec elle et sa copine neurobiologiste samedi à Exarchia. Elle me remercie de ce que je fais pour les Grecs. Elle me dit que ça faisait beaucoup de médicaments. Je suis encore gênée. Je ne sais jamais quoi dire. Les remerciements ça n’a jamais été mon truc. Elle me dit de l’appeler comme tous ses amis le font: Pepy. Elle est grande et élancée, les cheveux bruns, long et très secs. Elle me demande si je veux loger chez elle. Incroyable.
Il est l’heure de partir. Despina veut que je vienne diner chez elle avec Lucie samedi soir. J’avais prévu de prendre 3 jours pour moi. Mais j’ai vraiment envie de voir Calliope puis Despina. Tant pis, je reste à Athènes. Demain je déjeune avec Lucie, je sens qu’elle a plein de trucs intéressants à raconter.

(La suite: http://blogs.mediapart.fr/blog/sarah-kilani/080415/convoi-pour-la-grece-exarchia-version-3-calliope-yangos-et-cornelia

les épisodes précédents: http://blogs.mediapart.fr/blog/sarah-kilani/070415/convoi-pour-la-grece-debut-improbable

http://blogs.mediapart.fr/blog/sarah-kilani/070415/convoi-pour-la-grece-pharmakeio

http://blogs.mediapart.fr/blog/sarah-kilani/070415/convoi-pour-la-grece-exarchia-version-1-anarchisme)

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