1.03.15 - Depuis désormais deux jours les journaux télévisuels ouvrent avec la nouvelle de la mort à Moscou de Boris Nemtsov, décrit superficiellement comme une sorte de héros de la démocratie et de l'opposition libérale au tsar Poutine. Plus d'une reconstruction - il suffit de citer les prises de position de nombre de grandes puissances qui demandent à Moscou une enquête officielle (!) - semble préfigurer une implication directe du Kremlin dans l'homicide, qui n'est ni le premier ni le dernier à rayer de la carte des représentants politiques, des oligarques ou des journalistes peu enclins à soutenir l'ex agent du Kgb. Qui cependant, sur la base d'une analyse un peu plus attentive aux faits, semble n'avoir vraiment rien à gagner de l'assassinat d'un opposant qui jouissait de peu de consensus et qui en l'occurrence aurait été assez plus utile au Kremlin vivant que mort.
Tout d'abord il fait démystifier le récit selon lequel la victime fusse vraiment un champion de démocratie. Sa carrière avait débuté lorsqu'en 1990, au moment de la dissolution de l'Union Soviétique, il contribua à la fondation de la coalition Russie Démocratique. Puis, entre 1991 et 1993, il se rangea aux côtés du bandit Eltsine lorsque ce dernier conquit le pouvoir tout en désarçonnant un naïf et irresponsable Gorbatchev et bombardant le parlement de Moscou. En échange il obtint du prête-nom de Washington la charge de gouverneur de la région de Nizhnyj Novgorod. En 1997 il devint même vice-premier ministre avec Cërnomyrdin et en '98 il fonda le petit parti libéral Jeune Russie, une des composantes de l' Union des Forces de Droite, dont il a été le dirigeant avec des personnages pas précisément limpides du calibre de Gajdar et Chbajs. Une fois dissoute l'Union des Forces de Droite il fonda en 2008 un autre mouvement, Solidarnost. Puis, encore, en 2012 il a été élu co-président du Parti Républicain de Russie - Parti de la liberté populaire, énième formation libérale et libériste.
Il a consacré une bonne partie de ses efforts politiques à promouvoir et gérer plusieurs vagues de privatisations du patrimoine public de son pays, fini en plus que dans ses propres poches aussi dans celles d'oligarques sans scrupules, en partie alliés mais en bonne partie peu habitués à reconnaître l'autorité de Poutine et la nouvelle orientation nationaliste donnée par ce dernier à la politique économique russe.
Mais c'est par rapport aux deux crises ukrainiennes que le "tsar des privatisations" et héros de nos journaux télé a joué un rôle important et que peut-être explique sa fin sanglante sur un pont en plein centre de Moscou. En effet dès 2004 il participa à la soi-disant "révolution orange" qui imposa à Kiev une orientation philo-occidentale au pays, avant de naufrager à cause des scandales pour corruption et des violentes bagarres entre les chefs de file de la place philo-Otan. Auparavant choisi en tant que conseiller par le leader ukrainien Viktor Youshenko, il était devenu récemment le chef de file d'une campagne qui depuis l'intérieur de la Fédération Russe soutenait 'Euromaidan' et dénonçait l'implication militaire russe en Ukraine sur laquelle, affirment ses collaborateurs, il s'apprêtait à publier un dossier dont cependant il n'y a aucune trace. Celui qui avait organisé pour aujourd'hui une manifestation à Moscou contre le soutien à Poutine aux rebelles du Donbass, n'était pas un mystère, était un grand ami du faucon à la tête du gouvernement de Kiev, Arseni Yatseniuk, à son tour lié à deux tours à l'Otan et aux Etats Unis. De là l'indication de crédibilité "de la piste ukrainienne" pour l'homicide de Boris Nemtsov de la part des commentateurs et analystes les moins "embedded" à l'intérieur de la machine de propagande anti-russe depuis toujours très forte et s'étant revitalisée vu le climat de conflit ouvert à l'égard de Moscou.
Nemtsov soutenait effectivement le régime ukrainien issu du coup d'état philo-occidental de février de l'année dernière - et peut-être aussi le projet de répéter EuroMaidan aussi à Moscou - mais à partir d'une position plus philo-européenne que philo-états-unienne. De fait le représentant politique, certes pas une tête de file dans le positionnement de l'opposition déjà désarticulé et faible en soi, représentait un pont (potentiel?) entre le Kremlin et les intérêts russes d'une partie et ceux de l'Union Européenne et du Fond Monétaire International de l'autre. Un pont nécessaire pour une administration russe obligée "au mur contre mur" avec l'occident déclenché après le putsch à Kiev et le début de la guerre civile dans les régions orientales ukrainiennes mais intéressée à faire diminuer les tons le plus tôt possible et à recomposer la fracture au moins avec Bruxelles vu l'impossibilité de le faire avec Washington.
Comment ne pas remarquer que celui de Moscou d'il y a deux jours, contrairement à ce qui a été souligné par les analystes pressés et les quotidiens vendus, ne semble nullement à un homicide oeuvre des impitoyables mais professionnels agents des services de sécurité russes ? Neuf coups dont seulement quatre ayant atteint la cible, et même pas un des tueurs qui descend de sa voiture pour s'assurer de la mort de Nemtsov, en compagnie de la jeune mannequin ukrainienne Anna Duritskaja à l'instant du meurtre.
A bien y regarder, la gagnante de l'élimination de Nemtsov semble être la bagarreuse et non influente opposition russe à Poutine, qui a obtenu l'immédiat soutien médiatique et politique international et la possibilité d'organiser une veillée funèbre qui est en réalité un cortège, dans le centre de Moscou. De fait celui qui, dénommé 'Printemps' et organisé contre les ingérences russes en Ukraine, avait était dévié par les autorités urbaines dans le quartier périphérique de Maryno pour ne pas se superposer à une marche organisée par le Parti Communiste contre les politiques libérales du gouvernement et la dégradation de l'économie et des conditions de vie et de travail de dizaines de millions de travailleurs et de retraités.
Pendant que l'opposition libérale et nationaliste de droite parle de délit politique tout en accusant même pas tellement implicitement le Kremlin, les communistes dénoncent celle qui pour eux est une provocation visant à déstabiliser une ambiance déjà incandescente : "Il y a des forces intéressées à aggraver au maximum la situation - a dit le leader du Parti Communiste de la Fédération Russe, Ghennadij Zjuganov, à l'agence Interfax -, il s'agit d'une provocation, pour faire éclater de grandes incendies il faut des victimes sacrificielles". Un point de vue partagé par l'ex leader soviétique Mikhail Gorbatchev qui voit dans l'homicide un tentative de déstabiliser le pays et de radicaliser les oppositions.
En l'absence d'éléments certains sur la piste à suivre, à l'instant émerge néanmoins avec force une hypothèse - qui pour l'heure reste telle, une hypothèse - à laquelle notre presse mainstream consacre par contre une attention insuffisante : un homicide commissionné par ceux qui ont tout intérêt à pousser sur l'accélérateur du choc frontal entre Moscou et le front occidental. Les milieux extrémistes ukrainiens peut-être (il y a ceux qui parlent des nazis de Pravy Sektor et de leurs acolytes dans le front islamiste tchétchène), ou bien sur le front opposé les ultra-nationalistes russes qui accusent soit Poutine soit ses opposants d'être des 'ennemis de la patrie'. Il y a ceux qui n'excluent pas la piste islamiste et ceux qui, au contraire, invitent à chercher les auteurs de l'assassinat dans les milieux mafieux et criminels que Nemtsov fréquentait et à l'intérieur desquels il avait tissé des relations dangereuses. Qu'il s'agisse en outre d'une piste interne ou externe c'est ce qu'il faudra voir et il est possible, comme pour le passé, que la vérité se perde pour toujours dans les méandres fumeux de la politique russe et des ingérences occidentales.
https://www.youtube.com/watch?v=JXCI9_Ck7t0
Qui a tué Boris Nemtsov ?
1.03.15 - "L'assassinat de Boris Nemtsov - a dit Vladimir Poutine - révèle un caractère ouvertement provocateur et a été commissionné". C'est la réponse inéquivocable du Kremlin. Nemtsov était l'un des opposants les plus importants de Poutine, à la tête de toutes les dernières manifestations de protestation, la plus récente contre la politique de la Russie dans la crise ukrainienne. Impossible de tirer des conclusions certaines, il est obligatoire cependant s'arrêter aux aspects les plus évidents :
1. Les attentateurs voulaient tuer, pas seulement intimider ou avertir. Les six, sept ou huit coups tirés contre Nemtsov le démontrent;
2. L'assassinat, qui a eu lieu sur le pont Bolshoy Zamoskvoretsky devant le Kremlin, a un évident caractère démonstratif et de défi : un acte de terrorisme;
3. Le moment de grave crise internationale, qui soulevera une vague de souspicions et d'accusations contre Poutine;
4. La probabilité que l'émotion de l'opinion publique se transforme en tension et manifestations diversement pilotables.
La dure réponse de Poutine résume tous ces éléments. Il est clair que la pression extérieure contre la Russie augmentera.
Adolfo Marino
PandoraTv
https://www.youtube.com/watch?v=jqFdS332BQg
"Des images diffusées samedi soir sur la chaîne russe TVC et prises par une caméra de vidéosurveillance située à une grande distance du pont en hauteur montrent ce qui est présenté comme le déroulement de l'assassinat, malgré la piètre qualité des prises de vue.
Au moment du meurtre, Boris Nemtsov et sa compagne se trouvent toutefois cachés par un engin de déneigement, dans l'angle de la caméra. On peut ensuite apercevoir un individu, présenté comme étant l'assassin, courir vers la chaussée avant de monter dans une voiture de couleur claire qui l'attendait et de quitter les lieux."
(extrait de l'article du site du NouvelObs)
https://www.youtube.com/watch?v=SaAY2ENG0Zw
Ajoutée le 28 févr. 2015
Dans cette vidéo datant d'il y a exactement trois ans (29 février 2012), Vladimir Poutine prédisait que des attaques sous faux drapeau telle que celle dont l'opposant Boris Nemtsov vient d'être victime pourraient être menées depuis l'étranger pour nuire à la Russie. A un moment où la crise ukrainienne, façonnée de toutes pièces par les Etats-Unis et leurs vassaux européens, se traduit sur le terrain par une déroute de la junte pro-occidentale de Kiev, et sur le plan international par une victoire spectaculaire de la diplomatie russe, un tel crime ne peut profiter qu'à l'Occident. Vladimir Poutine, qui jouit d'une côte de popularité astronomique dans les sondages (86%), n'a aucun intérêt à faire abattre un opposant qui ne représente pas même 1% des suffrages, et dont l'audience est si faible qu'il n'a aucun Député à la Douma. Tout comme l'attaque contre le vol civil malaisien MH17, faussement attribué à la Russie, il s'agit d'une nouvelle opération de propagande destinée à ternir son image, dans la droite ligne de la guerre politique, économique et médiatique que mène l'Occident contre la Russie de Vladimir Poutine.
Transcription :
"En ce qui concerne les provocations (sous faux drapeau) durant les manifestations et autres, j'espère que personne ne franchira cette ligne et que tout restera dans les limites légales. Et j'espère que les tentatives de provoquer les agences de sécurité pour susciter une réaction violente resteront vaines.
Car les forces que vous avez évoqué souhaitent réellement de violents affrontements. Et ils ne cessent d'essayer de les fomenter.
Ils sont même prêts à sacrifier quelqu'un afin d'en accuser le gouvernement. Je connais ces méthodes et tactiques, cela fait dix ans qu'ils essaient de les utiliser. Cette méthode est surtout utilisée par ceux qui travaillent depuis l'étranger. Je vous l'affirme car je le sais de manière factuelle. Ils recherchent même quelqu'un pour le transformer en martyr. Une quelconque personnalité connue. Ils vont le buter eux-mêmes, excusez-moi la vulgarité, puis en accuser le gouvernement. Il y a des gens qui en sont capables, je n'exagère pas du tout.
J'espère que les personnes qui organisent des manifestations pour améliorer la vie dans notre pays
et, dans cet objectif, utilisent leur droit d'assemblée, leur liberté d'expression, ne cèderont pas à ces machinations."
articles liés :
Nemtsov. Une piste tchétchène qui mène à Kiev - PandoraTv
10 MARS 2015
Exclusive - Boris Nemtsov. De nouveaux scénarios émergent de l'enquête - PandoraTV
04 MARS 2015