L'alerte pour la guerre en Ukraine a été enfin déclenchée, tard mais elle a été déclenchée. Il a fallu la visite éclair de Merkel et de Hollande auparavant à Kiev puis à Moscou, visite très importante sous tous les aspects, une nouveauté. Personne ne sait rien quant à son contenu, tout le monde est blindé, et il n'y a pas encore de document final, il y a une poursuite de la tractation. Des conclusions donc pour le moment ne sont pas possibles. Mais les événements, pour ce qu'on peut en savoir, parlent par eux-mêmes. Donc j'essaierai de faire une brève réflexion avec vous, de faire le point en mettant ensemble tout ce qu'il y a à disposition en distinguant naturellement ce que l'on sait parce qu'on l'a vu et c'est peu, de ce qu'on peut en déduire, qui est au contraire beaucoup plus.
Tout d'abord le voyage, soudain et très réservé des deux dirigeants des deux pays européens les plus importants. Cinq heures avec le Président Porochenko, et puis au moins quatre si ce n'est cinq à Moscou avec Poutine. Quiconque le comprend on ne se parle pas si longtemps s'il n'y a pas de choses à dire.
Mais la question est pourquoi maintenant et comment. L'Europe de la France et de l'Allemagne semble s'être réveillée maintenant après avoir approuvé tout le long de 2014 pratiquement toutes les manoeuvres faites par les Etats Unis, toujours sous la pression mais ils les ont approuvées. Pourquoi maintenant ?
Je crois que la manoeuvre soit due à la décision américaine d'attribuer tout de suite un milliard de dollars pour réarmer l'Ukraine et en ajouter encore deux tout de suite après en 2016 et 2017. Cette manoeuvre doit avoir préoccupé beaucoup et pas peu l'Europe, et donc Merkel et Hollande ont fait le voyage pour faire comprendre aux Etats Unis qu'ils ne sont pas d'accord, ni l'un ni l'autre, selon des modalités différentes, à demi-mots ils ont dit que ce serait un pas vers la guerre proprement réelle contre la Russie, et dire cette phrase signifie implicitement condamner l'idée d'un armement de l'Ukraine en ce moment.
Entre autres Mogherini a accordé une interview à La Repubblica où elle a dit exactement cette chose, donner les armes à l'Ukraine maintenant équivaudrait à une manoeuvre vers la guerre, et celle-ci est aussi une phrase très claire, je n'attribue pas beaucoup d'importance à ce que dit Federica Mogherini, mais si elle l'a dit ça signifie qu'elle pouvait le dire, parce que elle a été autorisée à le dire. Nous savons que Mogherini n'était ni à Moscou ni à Munich ni à Kiev, et ceci dit beaucoup sur son importance et de son poids dans cette affaire, mais elle l'a dit.
Et surtout, s'il y a une confirmation que quelque chose de sérieux a eu lieu, c'est le fait que l'Associated Press et d'autres sources américaines ont fait filtrer - et ces choses on le sait, ont toujours une signification - ont fait filtrer que Merkel et Hollande se sont déplacés sans avertir Washington, celui-ci est aussi un signal dont je crois que s'il vient de sources américaines, il faut le croire.
Donc s'est ouverte une brèche, et Merkel et Hollande ont signalé à Obama qu'ils ne veulent pas une escalade militaire. La confirmation a été donnée aussi par Kerry, lequel à Munich a dit que les Etats Unis et l'Europe sont d'accord sur tout, et lorsqu'on dit ces choses habituellement c'est parce que c'est exactement le contraire, lorsqu'on souligne une unité si fortement cela veut dire que l'unité n'est pas si forte.
Entre autres, à souligner que ont été mis hors jeu dans cette opération, non pas seulement l'Italie qui ne compte rien, mais l'Angleterre, la Pologne et les trois Républiques Baltes qui par contre dans toute cette affaire ont compté beaucoup beaucoup, soit : l'Europe est divisée. Entre autres il y a Porochenko, qui a parlé naturellement mais avec la voix du ventriloque de Washington, et a demandé des armes. Le fait est - et celle-ci est l'autre question, que nous apprenons non pas des colloques mais sur le terrain, des nouvelles qui viennent du terrain - le fait est que l'Ukraine est militairement à genoux, un milliard de dollars américains est en train d'arriver en matériel militaire en tout genre, on fait une distinction entre létales et non létales mais de fait, après le document de la Brookings Institution qui a dit donnons-leur aussi les armes létales, et en sachant quelle est la position du parti républicain et la non-position de Obama, c'est clair qu'ils leur donneront.
Mais la question ce n'est pas les armes qui arrivent seulement, mais qui combattra. D'après des nouvelles prudentes qui proviennent du Donbass il est clair que les insurgés indépendantistes sont en condition d'avancer, et Merkel et Hollade seraient peut-être partis à Moscou pour demander à Poutine de déployer une action de persuasion afin qu'ils ne gagnent pas outre mesure, peut-être. Nous ne le savons pas avec précision, mais circule la nouvelle qui a affleuré même sur les agences, qu'un des points secrets de la tractation qui a si rapidement délesté Paris et Berlin, est que Moscou ait été le lieu où on ait demandé à Poutine d'intercéder auprès des rebelles pour qu'ils relâchent l'encerclement du cul de sac de Debaltsevo, parce que là-dedans seraient restés plus de 2.000 hommes qui ne seraient pas seulement de l'armée ukrainienne, il y aurait vraiment beaucoup de militaires disons d'un contingent Otan sous faux drapeau, c'est-à-dire jusqu'à environ 700 hommes, il y aurait des américains, des français de la Légion Etrangère, des services secrets allemands, les forces spéciales polonaises et un nombre non indifférent de soldats appelons-les volontaires mais on peut dire mercenaires des trois Républiques Baltes.
Et donc la situation pourrait être même que l'on a accouru à Moscou pour demander une faveur à Poutine, afin qu'il donne des garanties de ne pas faire un massacre de ces militaires. Et en échange, en promettant que l'Europe s'opposera à l'envoi d'autres armes et d'autres mercenaires de l'Otan sur le territoire de l'Ukraine. Hollande a parlé aussitôt après d'une trêve, avec même le retrait jusqu'à 50-70 km des troupes ukrainiennes avec une force d'interposition contrôlée aussi par la Russie, et puis il a parlé dans une déclaration d'une concession d'autonomie substantielle au Donbass, avec le cessez-le-feu.
Ce sont toutes des choses à vérifier, des choses qui en Ukraine ne plaisent pas, elle n'ont pas plu et elles ne plairont pas, mais le problème fondamental est que dans cette partie secrète, il y a beaucoup de joueurs qui jouent leur partie différente de celle qui plairait aux autres, voilà : on joue plusieurs parties et certaines sont mortelles, si quelqu'un se trompe de manoeuvre, soudainement l'Europe pourrait se retrouver en guerre.
https://www.youtube.com/watch?v=OA2CVx-6il4
Ceux qui ont suivi mes commentaires ces mois-ci savent que je crains cette situation depuis un moment, nous y sommes. Donc il n'est pas probable que ce tour autour du soleil continuera au milieu des incendies et des bombes et à un tas d'autres morts civils et militaires de l'une et de l'autre partie. Je pourrais dire que Dieu nous protège mais enfin essayons d'être optimistes, pourvu qu'on sache que nous sommes sur une lame de rasoir.
Giulietto Chiesa
9 février 2015
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