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Billet de blog 25 décembre 2014

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"Aquila noire", les nazis esbroufeurs qui rêvent - et préparaient - les massacres. Les racines du réseau.

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23.12.14 - Des personnages parfois folkloriques et peu crédibles dans le rôle de massacreurs, des interceptions constellées de discours absurdes et d'esbroufes, des biographies parfois borderline. Et cependant ils avaient déjà des armes, ils étaient en train de s'en procurer d'autres avec les explosifs et ils visaient à exécuter une longue série d'attentats sanglants. D'ailleurs l'histoire de la subversion d'extrême droite en Italie - et pas seulement - est constellée de personnages qu'il aurait été difficile de réputer crédibles ou dangereux. Mais c'est justement dans certains milieux typiques du néo-fascisme d'opérette - celui fixé dans la pellicule par le film Nous voulons les colonels, pour s'entendre - que des parties des appareils de l'Etat, des services secrets nationaux et étrangers et des milieux réactionnaires bien insérés dans le pouvoir ont puisé à pleines mains pour recruter un bon nombre des pions utilisés pour placer des bombes, tuer des dissidents politiques, créer le chaos qui permît un passage à la répression autoritaire.


par Luca Fiore 

C'était en effet celui-là le plan des 'ordinovistes 2.0' dont le réseau a été démantelé hier dans toute l'Italie : réaliser un grand nombre d'attentats contre des sièges institutionnels, des tribunaux, des commissariats et des bureaux d'Equitalia, en causant le nombre le plus grand possible de morts et blessés ; assassiner des représentants politiques de plusieurs formations ; répandre la terreur sur les trains et dans les gares. Sans jamais éclairer la matrice politique des attentats, sans jamais les revendiquer. Diffuser la peur et le chaos au milieu de ce "peuple veau" - ce sont leurs mots - auquel ensuite se proposer en tant que sauveurs de la patrie capables de rétablir l'ordre et la discipline. Au fond la stratégie classique inaugurée par l'extrême droite en connivence avec Gladio et les services italiens et états-uniens même avant que la soi-disant "stratégie de la tension" et les massacres d'Etat portassent à terme des plans déjà expérimentés immédiatement après la défaite de la République Sociale de Salo'.

Voyons donc la liste complète des extrémistes de droite arrêtés (11 en prison, 3 en résidence surveillée) ou mis sous enquête par le Tribunal de L'Aquila dans le cadre de l'opération "Aquila Noire", durée plus d'un an et fondée non seulement sur des écoutes téléphoniques et environnementales mais aussi sur l'infiltration dans le groupe par deux carabiniers sous couverture.

Stefano Manni, né à Ascoli Piceno en 1966, résidant à Montesilvano (Pescara) ; Marina Pellati, née à Varese en 1965, résidant à Montesilvano ; Piero Manstrantonio, né à L'Aquila en 1973, résidant au Pogetto Xse di Collebrincioni (L'Aquila); Emanuele Lo Grande Pandolfina Del Vasto, né à Palerme en 1951, résidant à Pescara; Franco Montanaro, né à Roccamorice en 1968 et y résidant ; Franco La Valle, né à Chieti en 1963 et y résidant ; Luca Infantino, né à Legnano (Milan) en 1981 et y résidant ; Maria Grazia Callegari née à Venise en 1957, résidant à Pino Torinese ; Franco Grespi, né à Milan en 1962 et résidant à Gorizia ; Ornella Carolina Regina, née à Milan en 1961 et résidant à Gorizia; Parco Pavan, né à Mirano en 1984 et résidant à Piombino Dese (Padoue); Katia De Ritis, née à Lanciano en 1957 et y résidant ; Luigi Di Menno Di Bucchianico, né à Lanciano en 1967 et résidant à Villamagna; Rutilio Sermonti, né à Rome en 1921 et résidant à Colli del Tronto (Ascoli Piceno); Valerio Ronchi, né à Mariano Cormense (Como) en 1966 et résidant à Arosio (Como; Cristian Masullo, né à Palmanova (Udine) en 1973 et résidant à Udine; Fabrizio D'Alosio, né à Rome en 1964 et résidant à Fara in Sabina (Rieti); Anna Maria Scarpetti, née à Rome en 1953 et y résidant; Annamaria Santoro, née à Turin en 1967 et résidant à Moncalieri; Serena Vecchiatini, née à Codigoro (Venise) en 1979 et résidant en Allemagne; Barbara Bottinelli, né à La Spezia en 1964 et résidant à La Spezia; Nicola Trisiuoglio, né à Naples en 1961 et y résidant ; Daniela Bugatti, née à Milan en 1960 et y résidant; Loredana Biaconi, née à Rome en 1964 et y résidant; Francesco Gallerani, né à Castelmassa (Padoue) en 1954 et y résidant; Marcello De Dominicis, né à Penne en 1976 et résidant à Pianella; Monica Copes, née à Varese en 1978 et y résidant; Luigi Nanni, né à Caracas en 1966 et résidant à Canosa Sannita (Chieti); Giovanni Mario Pilo, né à Olbia (Sassari) en 1958 et résidant à Oschiri; Antonio Esposito, né à Castellamare di Stabia (Naples) en 1963 et y résidant; Marco Cirronis, né à Cagliari en 1978 et résidant à Oristano; Alberto Bernasconi, né à Como en 1990 et résidant à Solbiate (Como); Tiziana Agnese Mori, née à Pavie en 1968 et résidant à Giussago (Pavie); Gia-ovanni Trigona, né à Palerme en 1965 et résidant à Lodi; Marianna Muzzarelli, née à Modena en 1971 et résidant à Maranello; Maria Grazia Rapagnetta, née à Civitavecchia en 1965 et y résidant avec le nom de Maria Grazia Santi Zuccari; Miroslawa Lagerska, née à Cadca (Slovaquie) en 1986; Giovanni Amorelli, né à Gorizia en 1976 et résidant à Venise; Maurizio Gentile, né à Rome en 1961 et résidant à Gorizia.

La majorité des mis sous examen vit aux Abruzzes et les Marches, mais il y a des personnes soupçonnées et arrêtées aussi dans d'autres régions italiennes.

Stefano Manni 

Selon les enquêteurs à la tête du réseau subversif clandestin dénommé "Avanguardia Ordinovista" qui visait à reconstituer une des organisations les plus extrémistes du néo-fascisme italien de l'après-guerre - Ordine Nuovo - il y avait Stefano Manni. Selon lequel "Est arrivé le moment de frapper, mais pas aveuglement. Non pas comme à la gare de Bologne, avec les employés dedans (…) Pour désintégrer les système" et donner vie à un "ordre nouveau" inspiré au fascisme. Manni, 48 ans, selon l'accusation au poste de recruteur des nouveaux adeptes et du repérage des fonds pour acheter des armes et des explosifs, il a été jusqu'à il y a 10 ans un sous-officier de l'Arme des Carabiniers. Après la démission des Carabiniers Manni fut embauché pour un certain temps "à la 'S.E.I. Servizi Elicotteristici Italiani' S.P.A., une entreprise industrielle liée à la famille Nardi" rappellent les carabiniers.

Le chef du groupe néo-nazi vantait en effet un lien de parenté avec Giovanni Nardi, néo-fasciste qui dans les années '60 et '70 fut parmi les majeurs représentants d'Ordine Nuovo et d'autres groupes du terrorisme noir avec Stefano Delle Chiaie, Giancarlo Esposti et Salvatore Vivirito. A propos de Nardi, mort dans un accident de la route, l'ordonnance à la base du coup de filet d'hier rappelle que "plusieurs années après la mort, il fut certifié que son nom était réintégré dans la liste des appartenants à la formation paramilitaire clandestine Gladio".

"Est arrivé le moment de frapper - explique-t-il dans un écoute téléphonique à l'un des siens - Non pas à Pescara et puis dans huit mois à Milan". "Puis - conclut-il - je crois que la voie de l'Italicus soit la seule praticable", en faisant allusion à l'attentat terroriste fasciste exécuté dans la nuit du 4 août 1974 à San Benedetto Val di Sambro, en province de Bologne sur l'express Rome-Munich, dans lequel moururent 12 personnes et 48 autres furent blessées.

Rutilio Sermonti

Nonobstant son âge avancé (93 ans), selon l'enquête le rôle d'idéologue du groupe et de lien avec d'autres parties de l'extrémisme noir était endossé par Rutilio Sermonti. Ex de la République de Salo', ex Msi, ex Ordine Nuovo, dans les dernières années adulé par Ordine Nuovo et souvent engagé dans le rôle de formateur dans les sièges de Casa Pound. C'était à lui que les néo-nazis avaient délégué le rôle de rédiger une Constitution fasciste à imposer au pays après l'éventuelle ascension au pouvoir. A lui aussi le rôle de renforcer la crédibilité des 'avant-gardistes' par rapport aux autres réalités de la galaxie noire et de représenter physiquement la continuité avec le régime fasciste.

Franco Crespi

Au milanais Franco Crespi avait été confié le rôle, toujours selon l'accusation, de refournir le groupe en armes et en explosifs. Une vraie priorité pour Manni qui appelait souvent ou rencontrait Grespi pour s'intéresser à la progression, intérêt devenu pressant dans les derniers mois vu que le groupe aurait eu en préparation une grosse rapine. Résidant à Gorizia, Grespi passait souvent la frontière avec la Slovénie proche à la chasse de "bonbons" - soit des fusils mitrailleurs, comme ils avaient été rebaptisés par les deux dans leurs imprudentes conversations - en vente dans les Balkans au prix de 1.000 euros la pièce. A intéresser le groupe étaient, naturellement, aussi les "botti" (les pétards) : "Ils ont seulement ceux jetables, une seule explosion, à 400 la pièce", dit Grespi dans une communication interceptée, "Ce n'est pas bon, il faut ceux à appuyer et puis aller", répond Manni.

Vu que l'argent ne suffit pas, quelques armes avaient été repérées dans des cachettes de la Seconde Guerre Mondiale ou bien dans ceux hérités de la subversion noire des années '70 et en programme il y avait des rapines à des collectionneurs, l'un desquels - un architecte de Pescara - détenait selon les carabiniers un véritable arsenal.

Luca Infantino

Intéressante une des écoutes à un autre des éléments 'forts' du groupe, le lombard Luca Infantino, selon lequel l'action "doit être simultanée et pourrait frapper les villes de Rome, Milan et FLorence pour créer une pointe de terreur, parce que seulement deux bombes à Equitalia ne seraient pas commentées sur les médias". Le groupe selon lui, aurait dû "frapper les métropoles du genre de Bologne, Milan, Rome pour soumettre la population à la terreur". De manière à ce que "le peuple veau", apeuré, "s'adresse à nous".

Selon Luca Infantino l'organisation devait avoir une  "structure organique schématique et militaire, avec des idées précises et des objectifs programmés, tout en soulignant que l'acte subversif doit être faisable et il est nécessaire de trouver des gens disponibles à l'effectuer. Les gens disponibles à mettre le plan en action, il y en aurait et les armes aussi sont en train d'arriver mais, jusqu'au moment il n'y a pas de personnes de confiance, il n'a pas l'intention de faire arriver les armes".

Parmi les activités auxquelles les fascistes étaient en train de se consacrer il y avait la réalisation d'une sorte d' 'école des cadres', dénommée Triskele, liée à un Centre d'Etudes - "Progetto Olimpo" - avec comme but de diffuser le verbe dans tout le pays et recruter de nouveaux adeptes, sous la direction de Luca Infantino même. Que nous trouvons en mai de cette année engagé déjà dans la tentative de former une liste civique à présenter aux élections communales de San Vittore Olona, en province de Milan. Et d'ailleurs c'est en Lombardie même que, avec quelque succès, une organisation néo-nazie dénommée "Movimento Nazionalsocialista dei Lavoratori" ("Mouvement National-socialiste des Travailleurs") distribue sans problème ses livrets racistes, organise des manifestations et se présente depuis quelques temps aux élections locales.

Katia De Ritis

A propos de front institutionnel du groupe, parmi les arrêtés hier il y a aussi Katia De Ritis, vice-secrétaire du mouvement "Fascismo e Libertà-Socialismo Nazionale", élue en mai dernier dans le conseil communal de Poggiofiorito (Chieti). D'elle les magistrats écrivent que "dans la dernière période de l'enquête elle s'est dépensée pour identifier des objectifs physiques à frapper et les canaux pour les repérages d'armes à feu et pour les contacts avec d'autres groupes opérationnels".

Sang et politique

Répandre la terreur et le sang, était l'objectif du groupe, pour ensuite en tirer politiquement un avantage à travers la fondation d'un parti politique auquel confier le but d'attirer le consensus d'une population apeurée et préoccupée par le chaos et par les attentats. Un mouvement politique à présenter aux élection et dans lequel impliquer aussi des figures 'historiques' du terrorisme noir, comme Mario Tuti. Avant d'arriver aux urnes, expliquait Manni "on déstabilise la situation, on fait 6-7mille attentats de ceux qui sont sanguinaires".

A lire et à écouter certains discours des leaders du groupe la sensation est celle de se trouver devant des esbroufeurs plus qu'à des aspirants massacreurs, ingénus et brouillons, s'adonnant à des déclaration hautes en couleurs et hyperboliques même sur facebook, plus adaptées à des bistrots et des pubs amis où ils se réunissaient qu'à des dangereux subversifs. Mais la folie évidente de quelques personnages arrêtés et soupçonnés - politiquement et psychiatriquement parlant - peut difficilement nier que le groupe, loin de rejoindre même seulement en partie les objectifs désirés,aurait pu laisser derrière soi une longue traînée de sang.

D'ailleurs, mis à part les discours et les projets délirants, le groupe avait la prétention d'agir avec une scientificité militaire. L'organisation était structurée sur un double niveau : les sympathisants, réunis principalement sur Facebook, et un cercle restreint d'opérationnels. Les candidats à l'entrée dans le niveau occulté étaient 'attentivement' - pas si attentivement, vu que deux étaient des carabiniers - étudiés et soupçonnés. "Dans au moins un cas, un sujet soupçonné être un agent sous couverture à fait l'objet d'enquêtes attentives et par la suite on en a programmé l'élimination" ont expliqué les investigateurs pendant la conférence de presse organisée hier à L'Aquila.

Les "amitiés" avec la galaxie noire

Un an d'interceptions, filatures et infiltrations, selon les enquêteurs, ont permis aux carabiniers de découvrir un dense réseau de relations entre le groupe 'avant-gardiste' et d'autres sigles de l'extrémisme noir.

Par exemple "Avanguardia Ordinovista" maintenait d'étroits contacts avec :

- les "Nazionalisti Friulani". Sur eux Grespi dit : "et j'ai élargi un peu les contacts… ce sont les Nazionalisti Friulani, ils sont bien disposés, bien décidés".

- le "Movimento Uomo Nuovo", fondé par Nicola Trisciuoglio (soupçonné) grâce aussi à la collaboration de Mario Tuti, adhérent à Ordine Nuovo et fondateur du FNR, le Fronte Nazionale Rivoluzionario

- avec "Confederatio", ou Confederazione delle Comunità di Popolo, mouvement d'extrême droite aux couleurs néo-nazies né en 2011 et consacré - au vu des profils facebook de ses adhérents - à infiltrer les groupes et les discussions sur des thèmes internationaux parmi les activistes et les militants des organisations de gauche. A cette organisation appartiendrait Franco Montanaro, une des personnes soupçonnées.

Selon les investigateurs une des rencontres des ordinovistes avait eu lieu dans le bureau du "chercheur du nazi-fascisme" Giancarlo Cavalli, tandis que les contacts avec les romains de "Militia" - groupe néo-nazi et raciste fondé par Maurizio Boccacci déjà fini sous enquête pour reconstitution du parti fasciste - étaient maintenus selon l'accusation par Katia De Ritis.

source :  

http://contropiano.org/politica/item/28251-aquila-nera-i-nazisti-sbruffoni-che-sognano-e-preparavano-le-stragi 

Les racines du réseau (nostalgique et armé) d'Avanguardia Ordinovista

par Mario Di Vito 

23.12.14 - Un réseau avec quelques centaines d'affiliés qui se meuvent dans le sous-sol de la politique italienne. Celle que l'on peut définir comme "la base" d'Avanguardia Ordinovista - le groupe néo-fasciste neutralisé lundi par le Tribunal de L'Aquila - est l'héritage de ce que l'on appelle la "noblesse noire", les hiérarques du "Ventennio" (la période fasciste qui a duré environ vingt ans) qui, avec la chute du fascisme, ont perdu les privilèges et les rentes de position. C'est un néo-fascisme différent de celui "de la rue" de Casapound, plus lié aux courants "spontanéistes" des années '70 et aux théories sociologiques des années '80 ; les survivants ordinovistes s'inspirent vraiment des scénarios subversifs qui depuis soixante-dix ans, périodiquement, re-émergent entre trafics d'armes, attentats et rapports ambigus avec certaines franges des services secrets, avec le rêve "dans le tiroir" de faire un beau putsch pour restaurer l'ordre et la discipline des temps des Fils de la Louve. En parcourant les biographies des arrêtés, on se croirait devant le casting de Nous voulons les colonels, mais le terrorisme au fond est une pratique plutôt simple : il suffit de trois exaltés et quelqu'un qui les incite. Par exemple Rutilio Sermonti, 93 ans, peu plus qu'une "mascotte" pour le néo-fascisme du troisième millénaire, qui entre pleinement dans cette fresque un peu folle et un peu triste qui émerge des documents de l'enquête "Aquila Noire".

Un des carrefours centraux d'Avanguardia Ordinovista et ses proches est la province d'Ascoli Piceno, une graine qui germe sur la tranquille (et rangée traditionnellement à gauche) vallée du fleuve Tronto. Il y a un bistrot à Colli del Tronto plutôt connu, lieu de rencontre pour d'obscurs rassemblements dont les convocations circulent souterrainement sur les blogs et sur les forums d'ultra-droite : aucune adresse précise n'est jamais donnée pour ces réunions, seulement un rendez-vous, habituellement à une entrée d'autoroute, puis on y va tous ensemble. Des méthodes de rave party, pour qui s'en souvient, la meilleure manière d'éviter des présences et des surprises désagréables. Parfois, le bistrot en question se prête à accueillir les soirées "privées" entre camerati : des concerts Oi! pour les plus jeunes et agités, mais aussi des rencontres à thèmes et - vraiment - des anniversaires peuplés de nostalgiques. Le reste du temps c'est une pizzeria comme mille autres, avec le karaoké et les spectacles dansants à la manière des gargotes de province. Ceux qui y ont été - sans trop se faire remarquer - racontent des scénarios du genre "American History X" avec croix gammées, croix celtiques et saluts romains au son de "Oi!Oi!Oi!".

C'est la maison Sermonti, mais le fer de lance du mouvement est un personnage mort en janvier dernier, et dans ce coin ils sont nombreux à évoquer ses obsèques comme l'un des plus grands rassemblements de nostalgiques des derniers temps, entre drapeaux de la X Mas, saluts romains et faisceaux licteurs. Il s'appelait Celsio Ascenzi, classe 1940, ex officier des forces armées, de la Marine et de l'Aéronautique, il démissionna "indigné" avec le grade de lieu-tenant colonel. Fondateur et "mécène" de la Fondation Hispano Latine (autre laboratoire de néo-fascisme), il fut un érudit d'Evola et de tout le courant de l'idéalisme magique. Les camerati le rappellent comme un "utopiste du concret, simplement, authentiquement, limpidement, inébranlablement fasciste". Le bras et l'esprit : un ex militaire et un gros fasciste de long cours, aimés et respectés par ceux qui voient les massacres comme une promesse, Mussolini comme un poème et les vingt ans de fascisme  comme le paradis terrestre. Politiquement, le poids des personnages est donné par les préférences recueillies dans le temps soit par Force Nouvelle (Forza Nuova) soit par la Flamme Tricolore (Fiamma Tricolore) : aucun succès retentissant, mais des sommités toujours disposées à traiter avec le centre-droit plus modéré, qui leur a souvent servi de bouclier.

Comment d'autre part oublier lorsque jadis, toujours à Ascoli, le maire et l'administration (conduite par le Pdl d'alors) entreprit une dure lutte, heureusement perdue, contre l'Anpi (l'Association nationale italienne des partisans) et les collectifs de gauche pour accrocher un tableau équestre de Mussolini dans une école supérieure ? Certaines émotions, on le sait, ne meurent jamais dans le coeur des Fils de la Louve. Et encore à Ascoli, au fond, c'est la patrie de la vieille gloire noire Gianni Nardi et du bandit, qui vantait des relations avec les NarValerio Viccei.  

Avanguardia Ordinoviste voyait ces figures comme des symboles d'une époque héroïque à revigorer, rêvant le pouvoir perdu il y a soixante-dix ans. Une  farce clownesque ? Pour une large part oui, mais les armes ont toujours été vraies et les intentions pas du tout pacifiques : le sens de l'enquête "Aquila Noire" est justement celui-ci, entre coups de téléphone interceptés au ton assez naïf, au milieu de délires sur les réseaux sociaux et la propagande xénophobe et antisémite, il y avait le danger de ceux qui visaient à créer de la vraie terreur. Il y avait ceux qui voulaient frapper les politiciens ("Si tu en tues dix-onze en un jour, la chose fera du bruit", se disaient-ils entre eux, avec beaucoup d'ingénuité, au téléphone, sans savoir que quelqu'un était en train de les écouter) et qui voulaient par contre punir les italiens qui continuent à les voter. Donc, par exemple, il fallait faire les attentats aux sièges d'Equitalia aux horaires où il y avait plus de monde. Un fascisme d'opérette, comme on disait autrefois, mais avec l'objectif de s'armer jusqu'aux dents. Et de frapper aveuglement. 

N.d.T.: les liens hypertexte ont été ajoutés dans la traduction française 

source :  

http://contropiano.org/politica/item/28256-le-radici-della-rete-nostalgica-e-armata-di-avanguardia-ordinovista

Articles liés

sur le site de Mediapart :

Italie : opération contre un groupe fasciste clandestin, 14 arrestations - par Luca Fiore

23 DÉCEMBRE 2014 

Sur Gianni Nardi, un article archivé sur le site de La Repubblica :

http://ricerca.repubblica.it/repubblica/archivio/repubblica/1993/11/13/gianni-nardi-aveva-un-sosia-altri.html

Toujours sur le site de La Repubblica, les liens vidéo au sujet des arrestations et du matériel séquestré par les carabiniers, et des séquences de la conférence de presse après le blitz :

http://video.repubblica.it/cronaca/blitz-contro-il-terrorismo-neofascista-l-arsenale-sequestrato/187276/186179?ref=tbl

http://video.repubblica.it/cronaca/eversione-nera-intercettazioni-quanto-costano-le-caramelle-armi-mille-l-una/187291/186194

http://video.repubblica.it/cronaca/eversione-nera-intercettazioni-vanno-colpite-banche-prefetture-con-dipendenti-dentro/187294/186197

http://video.repubblica.it/cronaca/eversione-nera-a-grandi-linee-e-come-negli-anni-70/187297/186200

http://video.repubblica.it/cronaca/terrorismo-nero-la-strategia-del-doppio-livello/187378/186281

http://video.repubblica.it/cronaca/terrorismo-nero-manni-prepariamo-un-azione-su-una-linea-ferroviaria/187377/186280

http://video.repubblica.it/cronaca/terrorismo-nero-il-video-del-sopralluogo-per-una-rapina/187376/186279

http://video.repubblica.it/cronaca/blitz-contro-terrorismo-neofascista-pm-picardi-trovata-la-lista-con-gli-obiettivi/187289/186192

http://video.repubblica.it/cronaca/eversione-nera-generale-parente-gruppo-si-richiamava-a-ordine-nuovo/187295/186198

http://video.repubblica.it/cronaca/eversione-nera-procuratore-cardella-abbiamo-infiltrato-due-carabinieri/187296?video

Suite à la politique d'austérité qui sévit en Italie depuis l'arrivée du gouvernement 'technique' de Mario Monti en 2011, la société publique de perception des impôts Equitalia a déjà été confrontée à des pressions, ci-dessous un article du Figaro de 2012 sur la décision d'élever le seuil d'alerte dans toute la péninsule : 

Italie : inquiétude après les violences contre l'austérité

Par Guillaume Errard, 12 mai 2012

http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2012/05/12/20002-20120512ARTFIG00404-violences-en-italie-contre-des-symboles-de-l-austerite.php?pagination=12

Sur le site de Il Fatto Quotidiano une brève interview de Marco Affatigato, ex membre du groupe néofasciste Ordine Nuovo qui aurait été selon l'enquête une des prochaines cibles de l'organisation :

Ordine nuovo, Affatigato: “Volevano uccidermi? Rido. Solo personaggi confusi”

(" Ordre nouveau, Affatigato : "Ils voulaient me tuer ?  Je ris. Seulement des personnages confus" ")

par Monica Zornetta 

22.12.14

http://www.ilfattoquotidiano.it/2014/12/22/ordine-parla-affatigato-volevano-uccidermi-rido-personaggi-confusi/1292251/

ainsi que le compte rendu de l'enquête :

L’Aquila, arrestati 14 neofascisti. Piani per ‘azioni violente contro istituzioni’

(" L'Aquila, arrêtés 14 néo-fascistes. Des plans pour des 'actions violentes contre les institutions' ") 

par Andrea Palladino 

22.12.14

http://www.ilfattoquotidiano.it/2014/12/22/laquila-arrestati-14-neofascisti-piani-per-azioni-violente-contro-istituzioni/1288282/

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