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Bec Bunsen

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Billet de blog 4 mars 2010

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E pur si muove

La nouvelle, extraordinaire, prend la moitié de la «une» du Parisien: «depuis samedi, la Terre tourne moins vite» (plus vite, en fait).

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La nouvelle, extraordinaire, prend la moitié de la «une» du Parisien: «depuis samedi, la Terre tourne moins vite» (plus vite, en fait).

Diantre! Fichtre! Bigre! Pourquoi? «La faute au puissant tremblement de terre du 27 février au Chili, un des plus forts de l'histoire puisque pointé à 8,8 sur l'échelle des séismes.» Selon la NASA, il aurait dévié l'axe de rotation (très légèrement distant de l'axe Nord-Sud, c'est-à-dire de l'axe de symétrie de la planète) de 2,7 millisecondes d'arc (mesure d'angle) soit environ 8 centimètres. Et comme la Terre n'est pas parfaitement sphérique, la répartition différente des masses par rapport à l'axe de rotation modifie la vitesse. «C'est un peu comme un patineur qui tourne sur lui-même: il va plus ou moins vite selon qu'il tend ou pas les bras», explique au Parisien l'astrophysicien Alfred Vidal-Madjar (surtout spécialiste des exo-planètes).

Peste! Crénom! Saperlipopette! Et de combien a raccourci le jour? De 1,26 microsecondes. Ce qui veut dire dire qu'en un an, on perd 0,46 millièmes de seconde. Et qu'en l'an 4183, on aura perdu une seconde entière.

En 2004, par exemple, le tremblement de terre à Sumatra, de magnitude 9,1 avait réduit la journée de 6,8 microsecondes (5,4 fois plus) pour une déviation de 7 cm (mais Sumatra est situé au niveau de l'équateur alors que le séisme chilien a eu lieu à des latitudes moyennes). En 1960, au Chili déjà, un premier tremblement de terre avait atteint, lui, 9,5 (lire l'article du Journal de Genève).

Et tout cela a-t-il une importance? D'abord la vitesse de rotation varie de façon irrégulière selon les saisons (1 milliseconde de variations), les décennies (5 millisecondes), l'action de la Lune sur les marées (et donc la déformation de la surface de la planète, de l'ordre de 2 millisecondes par siècle). Ensuite parce que l'axe de rotation est en mouvement dans l'espace et par rapport à la surface du globe.

Enfin parce que le jour, comme l'année, est une convention. 24 heures, 365 jours, sauf les années bisextiles, sauf aux changements de siècle, sauf aux changement de millénaires. Oui, mais le temps que met la Terre à faire un tour complet du Soleil est de 365 jours (solaires) 5 heures 48 minutes 46 secondes et des poils sur les œufs. Au bout de quatre ans il faut donc rajouter un jour le 29 février. Oui, mais s'il s'écoule 365,2422 jours entre deux passages de la Terre au même endroit par rapport au Soleil, il y en a un de plus pour se retrouver au même endroit par rapport au reste des étoiles. Donc un jour (sidéral) vaut précisément 365,2422/366,2422 jours solaires. Soit 23 heures 56 minutes 4 secondes 9 centièmes et encore un petit quelque chose derrière.

Mais ce n'est pas tout: à 33 reprises depuis 1972, sans qu'aucun séisme ne s'en mêle, on a tout à fait officiellement ajouté une seconde par-ci, par-là. Une seconde. 793.650 fois plus que le temps perdu à cause du séisme. Ainsi, la dernière minute de 2008 a duré 61 secondes. Et il n'y aura pas d'autre seconde additionnelle avant la fin juin de cette année.

Bref, beaucoup de papier (plus le temps que vous avez passé à me lire) pour pas grand chose.