«Quand tu aimes il faut partir», écrivait Cendrars (Feuilles de route, 1924). «Quitte ta femme quitte ton enfant/ Quitte ton ami quitte ton amie/ Quitte ton amante quitte ton amant.» Il aurait dû ajouter «Déserte les fils de commentaires de ton billet préféré». Car c'est un fait avéré par une étude de l'Université d'Haïfa et du New Jersey Institute of Technology, les communautés numériques qui vivent le plus longtemps sont celles dont les membres se renouvellement le plus fortement.
Jusqu'à présent, les recherches menées pour déterminer ce qui faisait durer les groupes de discussion sur Internet avaient étudié leur taille ou leur activité et conclu que le nombre de facteurs entrant enjeu était trop important pour qu'on puisse en tirer des conclusions pertinentes. Mais l'étude qui vient d'être publiée s'est concentrée sur l'homogénéité des communautés, celles-ci étant considérées comme homogènes quand le renouvellement des membres est faible – notamment quand les membres «historiques» restent les principaux contributeurs – et hétérogène quand il y a au contraire beaucoup de mouvement, arrivées et départs compris.
Pour montrer cela, les chercheurs ont identifié un échantillon de 282 groupes de discussion, tous créés le même mois, et analysé les conséquences de l'activité globale des membres à la création sur la longévité de la communauté sur une durée de six mois. Ils ont considéré qu'un groupe était né lorsque 3 membres au moins échangeaient un minimum de 4 messages en 20 minutes. Et mort lorsque toute activité avait cessé depuis plus de quatre semaines.
Selon leurs observations, l'indicateur qui permet le mieux de prédire l'espérance de vie d'un groupe de discussion est son «hétérogénéité», suivi du nombre de messages échangés, passées les deux premières heures de débat. La taille de la communauté ou le nombre réel de commentateurs n'a pas de conséquence.
L'étude a également révélé que si le ratio entre le nombre de messages et le nombre de membres dans un groupe reste stable après deux semaines, les risques de mort de la communauté étaient plus élevés. Mais ni la croissance continue de cette proportion, ni sa baisse régulière ne garantit la survie: c'est l'irrégularité de ce rapport qui assure au groupe de rester toujours jeune et en bonne santé.