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Billet de blog 12 octobre 2011

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Primaire PS: la fin du parti militant?

Au terme d'une analyse fouillée de ce que représentent les actuelles primaires dans la tradition socialiste, le politologue Rémi Lefebvre termine sur une terrible formule à résonance lacanienne: «Le PS n'est plus ce qu'il n'a jamais été» (p. 153).

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Au terme d'une analyse fouillée de ce que représentent les actuelles primaires dans la tradition socialiste, le politologue Rémi Lefebvre termine sur une terrible formule à résonance lacanienne: «Le PS n'est plus ce qu'il n'a jamais été» (p. 153). Entendons qu'il a cessé d'être ce qu'il fut à l'origine sans l'être jamais complètement, à savoir un parti d'organisation et de militance sur fond de luttes ouvrières.

Résolument critique, l'analyse de Lefebvre est en large rupture avec l'euphorie générale dans laquelle baigne le déroulement de primaires, qui sont perçues comme un gain considérable en matière de démocratie. De partout, en effet, on y reconnaît à l'envi la mise à distance d'un appareil de parti jugé sclérosé via l'introduction dans le choix du candidat à la présidentielle d'un flux de sympathisants qui submergent les militants classiques. Mais, pour Lefebvre, se perd définitivement dans cette opération ce qui faisait la force traditionnelle d'un grand parti de gauche et qui s'est défait tout au long d'une Cinquième République présidentialiste. On se rappellera ici que Mitterrand s'était d'abord opposé à ce régime présidentiel pour s'y rallier ensuite et en retirer le plus grand profit. Depuis lors, écrit l'analyste, «le "fait présidentiel", jugé intangible, est avalisé par les socialistes comme l'horizon indépassable de la démocratie, à l'instar de l'économie de marché» (p. 149).

Mais le régime présidentiel n'est pas seul en cause dans l'extinction de la vie militante comme du débat interne sur le programme du PS. Interviennent également dans l'adhésion de ce dernier à l'esprit des primaires: l'incapacité de se rénover en se dépêtrant des clientélismes locaux; une personnalisation mortifère de la vie politique entretenue par ces rivalités entre «éléphants» dont se régalent les médias; enfin la mise à l'écart des classes populaires au profit d'une «société civile» mal définie et constituant une «opinion». Bref, tout a conspiré peu à peu à réduire à rien une vie militante qui fut pourtant l'arme victorieuse des partis sociaux-démocrates. D'inspiration américaine, les primaires d'aujourd'hui parachèvent le travail.

Or, on voit bien que, telles qu'elles se déroulent, ces primaires sont des espèces de «sondages en grand» ou, tout au moins, qu'elles viennent confirmer et renforcer l'effet de ces sondages. Ceux-ci ont d'abord fabriqué DSK; ils sont ensuite venus à la rescousse d'un Hollande qui fut d'abord hostile aux primaires. Bref, les primaires d'aujourd'hui, malgré la participation réjouissante, risquent de vider le débat politique de tout sens pour le remplacer par un match entre images et «égos».

Puissante, la démonstration de Lefebvre se construit ainsi sur une forte position de gauche avec ce qu'elle a d'un peu nostalgique. Cette question pourtant à son adresse: comment conçoit-elle et explique-t-elle que le candidat le plus à gauche des primaires actuelles, Arnaud Montebourg, soit aussi l'initiateur de celles-ci et celui qui y remporte un succès inattendu et peut-être gros d'avenir?

Rémi Lefebvre, Les Primaires socialistes. La fin du parti militant, Paris, Raisons d'agir, 2011, 8 €.

Lire aussi notre débat entre Rémi Lefebvre et Paul Alliès, secrétaire adjoint à la rénovation du PS, qui fut l'un des artisans de la primaire socialiste:

Primaire PS: est-ce la fin du politique?

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