Dans le droit fil de sa quatrième Rencontre avec Médiapart, CAMédia a participé samedi 3 août au rassemblement de Notre-Dame des Landes, haut lieu de réinvention démocratique dans les luttes et les institutions.

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Nous y avons présenté le film de Christian Rouaud Lip ou l’imagination au pouvoir et animé un bref débat. Pourquoi se référer à une lutte d’il y a quarante ans pour sauver les emplois dans un site industriel ? Parceque nous pensons qu'elle peut nourrir celle que mènent aujourd’hui des paysans et des citoyens pour sauver un cadre de vie dans un site rural et naturel. Lip, et à la même époque, le combat du Larzac contre l’extension du camp militaire et celui de Plogoff contre l’implantation d’une centrale nucléaire, sont riches d’une expérience qu’il faut arracher à l’oubli. A travers les décennies, on y retrouve l’initiative populaire autonome, le déploiement de mille ressources imaginatives, pour se réapproprier des biens communs. Notre-Dame des Landes prend le relais de cette tradition de lutte créative.

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En tant qu’abonnés de Médiapart, nous sommes tout particulièrement sensibles à l’importance d’une information de qualité pour éclairer l’action et la réflexion. Le film de Christian Rouaud met bien en évidence cet aspect des choses : les informations décisives que les ouvriers découvrent eux-mêmes en fouillant dans la serviette d’un administrateur, le rôle de la presse qui s’intéresse aux événements à partir du moment où la lutte s’engage dans des voies nouvelles, le réseau de bénévoles qui aident les Lip à réaliser leur communication écrite, les portes ouvertes en permanence pour que le grand public comprenne les enjeux et apporte son soutien...
En toute logique indignée, nous avons invité les personnes présentes à signer la pétition « Le droit de savoir » contre la censure que subit Médiapart, dont nous avons affiché le texte.
Ensuite nous avons eu le loisir de circuler à travers le vaste champ de chaume et y découvrir les débats sous les chapiteaux, les stands des associations, les panneaux des comités de soutien, les concerts.

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La Parisienne Libérée, en pleine forme, a bien sûr chanté « Le fol aéroport de Notre-Dame des landes »
et nous a fait sauter sur « les deux pieds en même temps », comme le recommande le premier ministre, au son de « Le nouveau modèle français ».

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Les photos de Denis Lafontaine nous offrent les instants, les portraits, les rêves de la fête et du débat pris sur le vif.
Pour tirer un bilan des deux jours du rassemblement, nous avons interrogé Gilles Denigot, participant à la rencontre de Montluel, et membre de l’ACIPA – Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes. Pour lui, le succès du rassemblement – 15 000 personnes samedi, 40 000 personnes dimanche – confirme que le « socle » de la lutte fonctionne très bien. Ce socle repose sur trois piliers : un pilier militant, un pilier politique et un pilier juridique.

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Du point de vue militant, le rassemblement confirme que la mobilisation des paysans et des citoyens se consolide, depuis l’automne 2012 (17 novembre, réoccupation des lieux, 11 mai, chaîne humaine, actions à chacune desquelles avaient participé 40 000 personnes). Une nouveauté importante : beaucoup de jeunes sont venus cette fois-ci, pour les concerts mais aussi pour participer aux débats sous les chapiteaux.
Du point de vue politique, le collectif de 1200 élus qui doutent de l’opportunité de l’aéroport a enregistré beaucoup de nouvelles adhésions. Les élus qui ne connaissaient pas son existence commencent à en être informés – ce qui accentue les tiraillements et oblige les membres des partis, des appareils, à réfléchir.
Du point de vue juridique, la commission européenne, en décembre 2012, a engagé une procédure précontentieuse envers la France qui viole certaines directives, entre autres sur la protection des zones humides. La cour de cassation, en janvier 2013, a donné un répit de dix-huit mois à deux ans sans expulsions des occupants en titre.
Le gouvernement, pour calmer le jeu, en novembre 2012, a créé trois commissions : une commission de dialogue, une commission agricole, une commission d’experts scientifiques. Ces trois instances concluent en avril 2013 qu’il faut arrêter immédiatement les opérations en cours (fouilles archéologiques, expulsions, démolitions) et retirer les forces de police. L’Etat est embarrassé. Si l’ACIPA est confiante, elle ne relâche pas sa vigilance et s’attend à mener bataille pendant longtemps, des années peut-être.

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Gilles Denigot conclut que, symboliquement, il est important de renouer avec les combats victorieux du Larzac et de Plogoff.
Lip, entreprise viable, a été coulée par décision politique lorsque Giscard-d'Estaing est arrivé au pouvoir. Lip a été puni pour que son exemple d’auto-organisation inventive ne se répande pas. Elu en 1981, François Mitterrand a tenu ses promesses et mis fin aux projets militaire au Larzac et nucléaire à Plogoff. François Hollande s’inspirera-t-il de Giscard d’Estaing ou de Mitterrand, pour Notre-Dame des Landes ?
Les mobilisations seront déterminantes dans la prise de décision politique.
Chantal Evano, Roger Evano, Denis Lafontaine

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