Comment naît une bande dessinée ? Deuxième article consacré à Largo Winch, à l'occasion de la sortie le 5 novembre 2008 du tome 16 de Largo Winch La Voie et la vertu, Comic Strip vous propose aujourd’hui le making of du tome précédent, Les Trois yeux du Gardien du Tao, de Philippe Francq et Jean Van Hamme paru en 2007.
Comment fait-on une bande dessinée ? Comment passe-t-on de la simple idée en l’air ou griffonnée sur un coin de table à la réalisation proprement dite ? Comment le scénariste et le dessinateur travaillent-ils ? Les étapes de la création d'une bande dessinée dépendent des artistes et des œuvres, mais un cheminement classique peut être évoqué : synopsis, scénario, recherche graphique, mise en page, crayonné, encrage, mise en couleur, lettrage.
Selon les auteurs, la chronologie peut être bouleversée. La complicité et l’expérience du dessinateur et du scénariste faisant, des habitudes de travail vont voir le jour pour mener à l’aboutissement : un album.
Repérages
Pour la quinzième aventure de Largo Winch, le travail a commencé avec les repérages. Le milliardaire en baskets est un baroudeur, ses aventures le mènent aux quatre coins du globe dans des décors urbains (New York, Hong Kong, Amsterdam…) comme dans de grands espaces naturels, jungles, îles, mers, déserts…
Philippe Francq a apporté un soin particulier aux repérages des lieux dans lesquels évoluerait son personnage. Appareil photo en bandoulière, et accompagné de Jean Van Hamme, il a opéré minutieusement. Après la lecture du scénario, Hong Kong est la première étape. Pour « pouvoir faire la part des choses entre la réalité de la ville et ce qui est de l’ordre de son imaginaire »… pour mieux « tricher avec la réalité en connaissance de cause (…) »

© Philippe Francq / Jean Van Hamme – Editions Dupuis
Scénario
« Jean Van Hamme écrit avec une idée assez précise de l’agencement des cases ». Au verso de chaque feuillet, il indique sa vision, l’architecture de la future planche. Le dessin vient donc mettre en valeur l’histoire, dans la phase de mise en forme, tout comme l’écriture se met au service de la représentation graphique. Philippe Francq revendique une certaine liberté quant à la forme. La planche 14 en est selon lui un bel exemple, il a utilisé les indications scénaristiques à son gré, en privilégiant une vue d’ensemble en haut de la planche qui serait utile à la bonne compréhension des cases suivantes.

© Philippe Francq / Jean Van Hamme – Editions Dupuis
Crayonné, encrage et lettrage.
Le crayonné est la première ébauche proprement dite du dessin. À partir de cette étape, le travail s'effectue généralement sur un support plus grand (format A2) que celui de la planche imprimée (format A4). Dans cette phase, c’est véritablement le travail de l’artiste qui s’exprime. C’est au stade des croquis et des crayonnés que les personnages prennent vie, tout en se mettant au service de l’histoire.
L’encrage est l’opération consistant à redessiner à l'encre les contours du crayonné et les ombres afin de donner au dessin un trait définitif. Au final, seul ce tracé sera imprimé. Certains auteurs encrent directement sur le crayonné, qu'ils éliminent ensuite en gommant. Perdant ainsi toutes traces de cette étape. D'autres utilisent un calque transparent placé par dessus le crayonné. C’est le cas de Philippe Francq. Selon lui, c’est « une étape indispensable mais terriblement ennuyeuse et frustrante ». Un crayonné est un dessin vivant, l’encrage le rend plus dur, et à ce stade, l’absence de texte souligne la perte de lisibilité des planches. Dès que les textes seront écrits dans les phylactères, les planches gagneront en force. Philippe Francq apprécie particulièrement le lettrage, « tant que les textes ne sont pas écrits (…) c’est comme si on assistait à la projection d’un film parlant mais sans le son. »
Couleur
La Mise en couleur consiste à choisir et appliquer la couleur sur les différentes zones délimitées par les traits encrés (personnages, décors, vêtements), tout en respectant la continuité des couleurs au fil des planches. Le coloriste doit aussi définir les lumières et les ombres du dessin. La mise en couleur dite traditionnelle est effectuée sur un tirage particulier de la planche, appelé "bleu", où les traits noirs de l'encrage sont imprimés en bleu-gris clair.
Par le passé cette tâche était faite à l'aquarelle appliquée au pinceau et à l'aérographe ; de nos jours elle est effectuée par informatique. Les couleurs sont de plus en plus réalisées par des professionnels, les coloristes, mais encore parfois par le dessinateur lui-même.
Pour Les Trois yeux du gardien du Tao, Philippe Francq est passé à la mise en couleur par informatique avec son coloriste Fred Besson. La couleur en BD est primordiale, parce qu’elle touche directement le lecteur, le renvoie à ses propres goûts, son affect, ses sens.
Pour expliquer le travail de colorisation, trois planches issues de l’album, étape après étape.



© Philippe Francq / Jean Van Hamme – Editions Dupuis
L’aventure se termine. Mais une autre commence : écrire et dessiner le prochain volet, La Voie et la vertu, dont voici le crayonné de la planche 2.

© Philippe Francq / Jean Van Hamme – Editions Dupuis - 2008A suivre... le 5 novembre 2008.
DB
Sources : Les Trois yeux du gardien du Tao – Largo Winch T15 – Philippe Francq et Jean Van Hamme - Edition Collector Grand Format augmentée de hors-texte – Editions Dupuis – Kanari films – 2007