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Billet de blog 6 juillet 2010

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Misanthrope sociable. Diacritik.com

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Quai d’Orsay, faits et geste de la diplomatie

Christophe Blain a quitté les ponts des bateaux et les hautes plaines sur lesquels sévissent Isaac le pirate et Gus (le cow-boy) au profit des couloirs dorés du Ministère des Affaires étrangères. Avec Quai d’Orsay, il peint le tableau d’un certain quotidien, celui d’un ministre survolté, virevoltant, entouré d’hommes de l’ombre, de chefs de cabinets, de rédacteurs de discours, de conseillers techniques. Un régal.

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Illustration 1

Christophe Blain a quitté les ponts des bateaux et les hautes plaines sur lesquels sévissent Isaac le pirate et Gus (le cow-boy) au profit des couloirs dorés du Ministère des Affaires étrangères. Avec Quai d’Orsay, il peint le tableau d’un certain quotidien, celui d’un ministre survolté, virevoltant, entouré d’hommes de l’ombre, de chefs de cabinets, de rédacteurs de discours, de conseillers techniques. Un régal.

Illustration 2
© Christophe Blain / Dargaud

Pour en finir d’emblée avec les évidences lues et vues partout : Alexandre Taillard de Worms, le ministre des affaires étrangères de Christophe Blain est l’avatar de Dominique de Villepin qui officia au 37 quai d’Orsay de 2002 à 2004. Abel Lanzac (pseudonyme d’un ancien du ministère) au scénario et Christophe Blain au dessin composent un portrait vrai et nature d’un microcosme où le secret règne en maître. En découvrant ces arcanes, ces usages, les coups du sort, les coups de Jarnac, les rivalités, les contradictions, on se prend à penser que la charge est à peine forcée et qu’au contraire le tableau brossé dans les pages de Quai d’Orsay est subtil, réaliste et certainement réel.

Illustration 3
© Christophe Blain / Dargaud

Quai d’Orsay met en scène Arthur Vlaminck, jeune homme timide qui a rendez-vous avec Alexandre Taillard de Worms, ministre de son état, pour un poste dans son cabinet. Quand ce dernier l’accueille, Arthur est encore impressionnable. Et il y a de quoi : le ministre entre, sort, bouge, parle sans ambages. Gesticulant et fougueux, il assène, discourt, cite. Mao et Héraclite en tête. Dont il a surligné les passages importants. Arthur est impressionné, il est invité à rejoindre l’équipe ministérielle. Pour écrire. Allocutions et discours. Un certain discours devant l’ONU en tête.

Illustration 4
© Christophe Blain / Dargaud

Christophe Blain imprime un mouvement jubilatoire dans ce premier tome aux allures de genèse. Le graphisme maîtrisé de bout en bout nous fait vivre cette aventure tambour battant au rythme des jours et des nuits des personnages de l’ombre et toucher du doigt les affres d’un ministre en exercice animé, habité. On se plonge dans ce saint des saints aux allures de club où tout se joue, déjoue, fait et défait selon les affinités, les rivalités, selon l’humeur versatile du maître des lieux, selon l’intérêt commun, le devoir ou l’ambition.

Illustration 5
© Christophe Blain / Dargaud 2010

Quai d’Orsay égratigne l’institution, peut-être la République, mais sans aller jusqu’au pastiche, bien au contraire. Le dessin tout en finesse de Blain permet de saisir, de creuser, de se plonger dans l’intimité d’un monde inconnu : celui de la diplomatie laissée aux mains de soutiers du verbe pour la plus grande gloire de son timonier. Le portrait (on pourrait même dire le mimétisme) est saisissant. Tour à tour grandiloquente et diserte, la BD se fait aussi intimiste, avec ces moments de calme entre deux courses effrénées du ministre bondissant qui claque les portes et dont la gestuelle et les mots sont autant de moyens pour haranguer et convaincre ses « soldats du verbe ». Arthur subit, adhère à la fougue de son patron. Il en ressort convaincu, peut-être désabusé, voire cynique. Transformé.

Quai d’Orsay est un livre brillant, ces Chroniques diplomatiques sont un chef d’œuvre d’ironie glacée et d’humour cinglant. Un album indispensable.

DB

Illustration 6

Quai d’Orsay, tome 1, « Chroniques diplomatiques ». Auteurs – scénario : Abel Lanzac ; dessin : Christophe Blain – 96 pages – Quadrichromie – Couverture cartonnée – Prix : 15,50 €

Les premières planches sont à découvrir ici.