Stephen Desberg fait partie de ces scénaristes prolifiques que rien ne semble arrêter. Ni les challenges, ni les époques – qu’il traverse allègrement au gré et au fil des albums –, ni la diversité, ne lui paraissent étrangers.
De ses premières armes au Journal de Tintin avec de courts récits complets jusqu’à l’ambitieuse série Empire USA, près de trente ans se sont écoulés, et Stephen Desberg a signé quelques jolis succès tels que IR$, Le Scorpion, Jimmy Tousseul, Black Op, Rafales, Le Sang noir… La liste est longue et non exhaustive.
Le Premier assassin et Le Second coup, publiés aux éditions Le Lombard, inaugurent sous les meilleurs auspices une nouvelle série pour le prolifique scénariste. Une série qui s’ouvre sur un crime non résolu, celui de Cassio, jeune et brillant avocat ayant vécu sous le règne d’Antonin Le Pieux. En 145 après Jésus Christ, Cassio est assassiné par quatre inconnus, de quatre coups de couteaux. De nos jours, en Turquie, à quelques kilomètres au sud d’Ephèse, une jeune archéologue découvre au cours de ses fouilles le portrait de Lucius Aurélius Cassio, loin, bien loin de Rome et du lieu du crime, et de surcroit des papyrus – semble-t-il de la main de la victime elle-même – qui relatent sa vie, sa jeunesse, son ascension, ses amitiés, sa perte, sa mort. L’enquête policière par delà le temps et l’espace prend forme.

Cassio est une série en quatre volumes dont les deux premiers nous jettent dans le mystère de cette affaire classée sans suite, de ce meurtre sans coupable. C'est un "Cold Case" – pour faire référence à la série tv éponyme – qui permet au lecteur de se plonger tour à tour dans la Rome du premier siècle de notre ère et dans celle du XXIème siècle, une enquête en miroir, qui fait alterner le passé et le contemporain. Alors que de nos jours la découverte de la jeune archéologue semble nous mener sur les traces de Cassio et de la vérité, l’intrigue se dédouble, le passé rejoint le présent, et la quête ancienne est enchâssée dans l’enquête moderne qui se profile déjà.

Cassio réussit son pari de faire se croiser deux histoires intimement liées, tout en délivrant un suspense parallèle, à cheval sur deux époques. La Rome de Cassio y est présentée tour à tour en teintes lumineuses et sombres, mordorées, les décors sont superbes, et la vie des patriciens et nobles racontée avec juste ce qu'il faut de réalisme. Le dessin au trait fin, presque sans défaut (sans être lisse) apporte un contrepoint intéressant, à mi-chemin entre la ligne claire de Jacques Martin avec Alix et la sensualité du trait de Dejaby avec Murena. Pour sa troisième collaboration avec Desberg, le dessinateur Henri Reculé compose une antiquité toute en sobriété, utilisant une palette chromatique très large, et au contraire privilégiant les teintes sépia pour le présent.

Cassio nous plonge dans un univers de vengeance, de meurtres, d’histoires plurielles, de vérités croisées. Les tomes futurs sont déjà annoncés – La troisième plaie et Le Dernier sang –, Stephen Desberg et Henri Reculé apposent leur marque sur ce "quadriptique", thriller à quatre mains. Quatre meurtriers, quatre coups frappés. La pièce peut commencer.

DB


Cassio par Desberg et Reculé © Le Lombard (Dargaud - Lombard SA) - 2007/2009
Tome 1 : Le Premier Assassin (réédition 2009 à l'occasion de la sortie du tome 2), 10 € 40.
Tome 2 : Le Second coup, 10 € 40.