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Billet de blog 20 juillet 2011

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Misanthrope sociable. Diacritik.com

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Les BD de l'été 2011 de Comic Strip (2/2)

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Illustration 1
© Cyril Bonnin / Futuropolis 2011

Il aurait pu profiter de cette nouveauté : se réveiller avec le visage d’un autre, il aurait pu se satisfaire de cette nouvelle et belle image que lui a renvoyé un miroir un matin.

En tendant ses photos d’identité à une employée servile et pointilleuse au guichet d’une administration froide, Raoul Cerisier se voir rétorquer que celles-ci ne lui ressemblent pas. Son incompréhension est totale. Qui plus est quand un chef de service condescendant l’enjoint à revenir avec de nouvelles photos dignes de foi. Affectant un ton de médecin précautionneux. Quelques minutes plus tard, Raoul Cerisier va comprendre que sa vie vient de basculer.

Illustration 2
© Cyril Bonnin / Futuropolis 2011

Cyril Bonin a adapté avec talent le roman de Marcel Aymé, l’auteur de Chambre Obscure (Dargaud, deux tomes parus) a su retranscrire l’atmosphère fantastique du livre, prétexte à des digressions sociales, à des réflexions sur le mariage, sur la femme, sur l’amour.

Illustration 3
© Cyril Bonnin / Futuropolis 2011

Car Raoul Cerisier n’a qu’une idée en tête : il ne veut pas que sa vie change, il veut retrouver son épouse, ses enfants, quand bien même la nature lui a soudainement donné des traits gracieux et conféré un pouvoir de séduction qu’il ne possédait pas. Le dessin fin, les tons pastel et sépia, les cadrages précis font de La Belle image un album à la sensualité et au charme indéniables.

La Belle image, de Cyril Bonin d’après Marcel Aymé, 80 pages couleur, Futuropolis, 16€

Illustration 4
© Christopher Ford / çà et là 2011

Zozimos est un jeune prince en exil. Perdu en mer, perdu tout court, il croit débarquer sur Sticatha et retrouver son royaume. Mais les Dieux semblent en avoir décidé autrement…

L’Odyssée de Zozimos est une épopée lyrique sur laquelle souffle l’esprit d’Homère, d’Aristophane et des Marx Brothers. Mariage réussi du burlesque avec la tragi-comédie antique, Christopher Ford revisite de belle manière les plus belles pages de la mythologie avec un ton résolument moderne et déjanté. Le titre original, Stickman Odyssey, an Epic Doodle (littéralement L’odyssée du bonhomme en bâtonnets, un gribouillage épique) rend d'ailleurs davantage compte de l’humour potache qui anime cette aventure. Un régal.

L’Odyssée de Zozimos, de Christopher Ford, 212 pages noir et blanc, Çà et là, 13€

Illustration 5
© Ford / çà et là 2011
Illustration 6
© Ford / çà et là 2011
Illustration 7
© Hubert, Kerascoët / Dupuis 2011

Il n’y a pas d’autre mot pour définir l’héroïne de Beauté : Morue, Cendrillon en puissance est un laideron. Rejetée, détestée, elle souffre de son apparence et de la cruauté de son entourage, maudissant la nature, le sort et sa famille. Par un heureux hasard, une fée va lui accorder la beauté. Une beauté incroyable et presque outrageante. Attirant convoitise, ressentiment.

Beauté, de Kerascoët et Hubert est un conte pour adultes dans lequel le merveilleux s’efface derrière la réalité la plus terre à terre. A travers la destinée de Morue-Beauté, les auteurs de Jolies Ténèbres nous livrent une réflexion sur les vertus cardinales et les apparences souvent trompeuses. Une fable noire et cruellement décalée.

Désirs exaucés, le premier tome de la série a reçu le prix de la BD RTL du mois de mai 2011.

Beauté, tome 1 Désirs exaucés, de Kerascoët et Hubert, 48 pages couleur, Dupuis, 13€95

Illustration 8
© Cooke, Starck / Dargaud 2011

Parker est un truand. De cette espèce qui s’attire forcément des ennemis. Contraint de se faire oublier du Syndicat de New York, Parker a quitté l’hôpital avec un nouveau visage, un peu d’argent pour voir venir et du répit en perspective. Mais rien ne dure bien longtemps chez les gangsters. Ni l’anonymat, ni la tranquillité.

Polar nerveux et noir comme il se doit, Parker joue sur les contrastes, avec les éclairages et les gimmicks dévolus au genre, dessiné de main de maître par Darwyn Cooke et brillamment scénarisé par Richard Stark (un des nombreux pseudonymes du prolifique Donald E. Westlake).

Deux tomes sont parus à ce jour, Le Chasseur et L’Organisation, adaptés des livres de Westlake : The Hunter (1962) et The Man with the getaway face (1963). L’adaptation est une réussite, la plongée dans l’Amérique des caïds, des demi-sels, des femmes fatales et des revers de fortunes vise juste et fait mouche à tout coup.

Parker, L’Organisation, de Darwyn Cooke et Richard Stark, Dargaud, 200 pages, 19€95

Juillet 1886, Abyssinie… Dans le port de Tadjoura, minuscule protectorat français, un homme débarque du boutre d’Aden… Son nom est Jean-Roch Folelli, ancien ouvrier typographe, ex-communard... Il va croiser un négociant français du nom d’Arthur Rimbaud.

Illustration 9
© Straboni - Maurel / Akiléos

Le Chapeau de Rimbaud est un ravissement. Album d’atmosphère, avec un trait gras, fort en noirs et blancs, rythmé par les vers de l’homme aux semelles de vent. Il règne sur les pages une nonchalance, une torpeur poétique qui charme le lecteur. Le Chapeau de Rimbaud est également un texte sombre, récit du destin d’un homme en proie à ses démons, en butte avec son passé, en quête de rédemption peut-être, en fuite, en quête de lui-même sûrement.

Illustration 10
© Straboni-Maurel / Akileos

Véritable invitation au voyage littéraire, Le Chapeau de Rimbaud nous fait découvrir Arthur Rimbaud en exil de la poésie (« des rinçures, ce n’était que des rinçures ! La poésie, les anciens amis, de vieux fantômes ! ») au coeur d'une Afrique envoûtante, magique, fantasmagorique. Ramsès II, un chacal, la Reine de Saba s’invitent au bal de la folie de Jean Folelli, sombre héros à la destinée abracadabrantesque

Le chapeau de Rimbaud, de Christian Straboni & Laurence Maurel, 72 pages noir et blanc, Akiléos, 14€

Illustration 11
© Antonio Altarriba / Denoël Graphic

Tiré d’un fait réel (le suicide d'un homme de 90 ans qui s'est jeté du quatrième étage de sa maison de retraite), L’Art de voler est une incursion expressionniste dans l’histoire de l’Espagne au travers de la destinée d'Antonio Altarriba Lope, père de l'auteur).

Au début du XXème siècle nait Antonio, dernier né d’une famille de paysans en pays d’Aragon. Antonio est différent, il a soif d’apprendre, il veut découvrir le monde. Il veut quitter la misère, quitter la campagne, rejoindre la ville. L’histoire va bousculer ses rêves.

L’Espagne de la guerre civile, de la dictature, la mobilisation, la seconde guerre mondiale, l’arrivée en France… C’est une épopée humaine et européenne qui se noue dans L’Art de voler. Récit intimiste et vrai de la quête d’un homme, Antonio Altarriba, avec ses espoirs, ses désillusions, ses rêves brisés. Servi par un dessin d’une finesse rare, expressif et précis, L’Art de voler est une œuvre majeure, auréolée de plusieurs prix.

L’Art de voler de Kim et Antonio Altarriba, 224 pages noir et blanc, Denoël Graphic, 22€

DB