Amis cinéphiles, vous souvenez-vous de Pirates de Roman Polanski ? Bien avant que Disney ne fasse de Jack Sparrow l’archétype du flibustier érotomane aux yeux bordés (bardés ?) de khôl, la littérature, le cinéma et la bande dessinée regorgeaient de figures emblématiques : Long John Silver, Barbe Noire, Rackham, Barbe Rouge…
Le 17 septembre 2008, Le Diable de sept mers fait son entrée dans la confrérie. Robert Murdoch entre en scène, vil, cruel, diabolique, pirate battant pavillon à tête de mort sous la plume et le dessin d’Hermann et Yves H. Aire Libre fait souffler debout un vent d’aventure des côtes de la Caroline du Nord aux ports perdus des îles des Caraïbes. Kingston bien sûr, l’île de la Tortue, Port Royal, mais aussi Charles Town, plus connue pour ses plantations de coton et de riz, pour sa traite des esclaves que pour les faits d’armes des « bandits des mers » d’alors… Et pourtant…
En 1980, Roman Polanski commande à Hermann un story-board et une BD dérivée du film pour Pirates, qui sortira en 1986, avec Walter Matthau et Chris Campion. Du projet initial ne subsistent que quelques pages, croquis au feutre noir, qui annoncent la truculence de l’album qu’Hermann et son fils Yves nous proposent aujourd’hui.
Des personnages hauts en couleurs, une histoire sombre.Tel pourrait être le résumé du Diable des sept mers, si tant est que l’on puisse réduire ainsi la naissance d’une saga. Du vert des plantations au bleu des mers, en passant par l’intense noirceur des nuits qui voient partir furtivement les navires dans le silence des traitrises annoncées, la piraterie qui est dépeinte ici possède toutes les qualités des aventures sur pellicule. Yves H. marche sur les traces des figures connues qui ont marqué notre imaginaire, la mise en scène que l’on peut croire linéaire et classique nous prend toutefois à revers, comme un galion se ferait surprendre par un brick au sortir d’une brume inopportune par une bande de gueux assoiffés de richesse et de sang. Le classicisme n’empêche pas le suspens.
Hermann nous offre son dessin au fil des cases comme des plans-séquence, au gré des rebondissements et des coups du sort. Il utilise le noir et blanc, le sépia qui tranchent et soulignent les ruptures de la narration au milieu de la foison de tons, de nuances. Le trait est précis, appuyé parfois, pour souligner la laideur ou la force de caractère des personnages, et plus léger quand il s’agit de peindre des ciels ou une eau porteuse d’espoirs et de dangers mêlés.

Le Diable des sept mers est donc plus qu’un hommage au genre. C’est peut-être l’aboutissement peut-être de ce projet avorté il y a plus de vingt ans, ou la revanche d’Hermann qui n’avait pas encore visité ce terrain : la piraterie. Dans cet imaginaire collectif aux références visuelles pourtant rebattues, Le Diable des sept mers fait son entrée, Harriet, Conrad, l’Iguane, la Trimouille à sa suite. Pavillon et soleil hissés, prenons la mer avec eux.
DB Le Diable des sept mers Première partie – Hermann / Yves H. Aire Libre/Dupuis – 14 € - Le 17 septembre en librairie. Une édition spéciale de cet album au tirage limité, est présentée sous jaquette. Elle contient un cahier supplémentaire de six hors texte et des dessins inédits. PV : 18 €.