Billet de blog 18 novembre 2011

Carine Fouteau (avatar)

Carine Fouteau

Journaliste, présidente et directrice de la publication de Mediapart

Journaliste à Mediapart

Du Millénaire aux Roms, tout un programme

Voter, ne pas voter, pour qui, pour quoi. Par quel bout prendre la campagne présidentielle à venir? À Mediapart, les journalistes ne suivront pas les candidats à la trace, c'est ce qui a été décidé collectivement. Tant mieux.

Carine Fouteau (avatar)

Carine Fouteau

Journaliste, présidente et directrice de la publication de Mediapart

Journaliste à Mediapart

Voter, ne pas voter, pour qui, pour quoi. Par quel bout prendre la campagne présidentielle à venir? À Mediapart, les journalistes ne suivront pas les candidats à la trace, c'est ce qui a été décidé collectivement. Tant mieux.

Plutôt qu'une personne, un lieu pour tester les enjeux, orientation scolaire, précarisation, mixité sociale, droit des étrangers, accès aux soins, privatisation des biens communs, tout ce qui se présente, émergeant dans l'espace public jusqu'à l'élection. Un lieu pour comprendre comment des gens l'occupe et comment des intérêts politiques, socio-économiques et financiers s'y croisent.

À la recherche d'un laboratoire, direction La Plaine. Ça aurait pu être une zone périurbaine ou pavillonnaire, une cité en rénovation, une région post-industrielle. Mais cet endroit m'attire a priori. Jusqu'à présent, je n'ai fait que le traverser, j'y ai eu des rendez-vous professionnels et quelques invitations amicales et familiales, sans plus. Aucune expérience, aucune connaissance préalable, même pas de préjugés, si ce n'est la sensation d'une zone en total bouleversement.

Je choisis un territoire, en forme disons de triangle ou d'équerre, aux limites si marquées qu'elles fonctionnent comme des murs. Au sud, le périphérique, frontière avec Paris, à l'est le canal Saint-Denis, à l'ouest l'autoroute du Nord doublé des voies ferrées. Deux communes en partage, Aubervilliers et Saint-Denis, département 93.

Illustration 1

Un ex-bout du monde en pleine mutation, comme un morceau de terre autonome à parcourir à pied de part en part, 800 hectares environ, avec des écoles, des logements, des commerces, des entrepôts, des associations, des autorités administratives, des hôtels, des centres de sport, un peu de tout. Mais surtout un concentré de couches archéologiques contemporaines: des studios télé d'enregistrement  ultra-modernes aux maisonnettes années 1960 construites sur les vestiges d'ex-bidonvilles.

Un territoire sans dessus dessous. Au milieu, des friches, des friches, des Roms, des chantiers, des bulldozers, des grues, des avis de démolition, des ouvriers du bâtiment, des tas de sable, des trous dans le sol, un sac en plastique oublié, des mauvaises herbes accrochées aux grillages.

Comme des îlots ou des taches, par-ci par-là, des appartements pour classes moyennes supérieures avec enfants, couleurs attrayantes et volets amovibles, des sièges sociaux d'entreprises mondiales, on se croirait à Tokyo, ibiscus et gravillons, les fondations de la future «Maison des sciences de l'Homme» pour élite parisienne réticente. Mais aussi des containers venus de Chine, déchargement immédiat, une avenue des Magasins généraux sous l'emprise d'Icade, des hommes d'affaires pressés au RER.

Et encore un foyer de travailleurs migrants, des garages à l'ancienne, des ferrailleurs, des vieilles boutiques. Et aux extrémités, des ébauches de villes futures, déjà périmées autour du Stade de France, déjà terrifiantes côté Millénaire, «shopping au fil de l'eau», espace public privatisé. Bref, une zone trans-genre. Allons-y. 

Illustration 2