Billet de blog 6 juillet 2011

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Constitution sociale: une idée piégée

En désaccord avec François Hollande, Alain Vidalies, secrétaire national du PS au travail et à l'emploi, rejette l'idée d'une constitution sociale, laquelle donnerait un rôle décisif aux négociations interprofessionnelles qui, rappelle-t-il, «n'aboutissent pas toutes à un accord».

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En désaccord avec François Hollande, Alain Vidalies, secrétaire national du PS au travail et à l'emploi, rejette l'idée d'une constitution sociale, laquelle donnerait un rôle décisif aux négociations interprofessionnelles qui, rappelle-t-il, «n'aboutissent pas toutes à un accord».

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En 1990, le Medef et deux syndicats, déclarés à l'époque représentatifs, signent un accord sur la lutte contre la précarité, la veille de l'examen d'une loi sur le même objet par l'Assemblée nationale. Même si cet accord n'était pas majoritaire, le gouvernement de Michel Rocard décida, par une lettre rectificative de dernière minute, de modifier son propre texte pour tenir compte de l'accord, pourtant en retrait sur certaines dispositions.

Cet épisode sur un texte dont j'étais le rapporteur ouvrit le débat légitime sur les relations de la démocratie politique et de la démocratie sociale.

Depuis plus de dix ans, le Parti socialiste s'est engagé à l'unanimité, dans ses projets successifs, sur le respect de la démocratie sociale autour des notions de représentativité et d'accord majoritaire.

Même sous l'actuelle majorité de droite, lorsqu'une disposition résulte d'un accord national interprofessionnel majoritaire, nous respectons cette volonté au-delà de nos réticences comme sur l'organisation de la rupture conventionnelle du contrat de travail.

Ces principes, comme la nécessité d'élaborer les règles de la représentativité patronale, ne font pas débat entre nous. Ils appartiennent au contraire à notre socle commun et sont affirmés dans le projet socialiste pour 2012, voté à l'unanimité.

Je ne partage donc pas le constat de François Hollande, selon lequel «la gauche a eu tendance à préempter le social pour son seul compte comme si le temps politique l'emportait sur tous les autres».

Au contraire, notre pratique a toujours été de respecter les accords majoritaires.

Le constat de François Hollande est aussi contestable au regard de notre bilan et de notre histoire. C'est bien la gauche qui a généralisé les conventions collectives, c'est bien la gauche qui a voté les lois Auroux et étendu le bénéfice du droit conventionnel à 3 millions de salariés.

François Hollande propose d'inscrire dans la Constitution le rapport entre démocratie politique et démocratie sociale sur la base d'une répartition des tâches et plus précisément que «sur chaque thème serait identifié ce qui relève de la négociation et ce qui revient au Parlement».

Cette proposition conduit naturellement à s'interroger sur la compatibilité de cet engagement avec les fondements républicains de notre Constitution, au premier desquels l'article 3: «La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum» ou l'article 34 qui précise que «la loi détermine les principes fondamentaux du droit du travail». Faudrait-il modifier l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen: «La loi est l'expression de la volonté générale»?

Au-delà du débat juridique déjà lourd de sens, ma réticence principale vise le risque de blocage complet de toute réforme en cas d'échec des négociations. Si par avance nous décidons que certains thèmes relèvent exclusivement de la négociation, que se passe-t-il en cas d'échec? Les négociations interprofessionnelles n'aboutissent pas toutes à un accord, loin s'en faut. Ainsi, récemment encore, l'échec de la négociation sur la médecine du travail.

Si la Constitution interdit au législateur d'intervenir, nous constaterons le blocage de tout projet de réforme.

Faut-il rappeler qu'en 1999, Ernest-Antoine Seillière, président du Medef, avait déjà proposé cette «constitution sociale» et que nous nous étions opposés, avec les syndicats, à cette orientation.

A cette époque, Alain Olive, secrétaire général de l'Unsa, rappelait avec force que la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale, mettant en garde contre les risques de séparer le pays et ses institutions d'une part, le social et les entreprises d'autre part.

Vouloir réserver certains thèmes exclusivement à la négociation présente paradoxalement le risque de limiter le rôle reconnu aux partenaires sociaux. Le risque permanent et naturel d'échec de négociations pourra en effet justifier la reconnaissance d'un champ de compétence restreint pour éviter les blocages.

La proposition d'une constitution sociale répond-t-elle aujourd'hui à une demande majoritaire des partenaires sociaux? A l'évidence non du côté des syndicats de salariés, et avec de grandes interrogations du côté des employeurs. Faudrait-il alors imposer par la loi un partage des compétences qui ne résulte pas d'un accord majoritaire?

Je pense au contraire que le temps et le rôle des partenaires sociaux doivent être reconnu sur tous les sujets qui peuvent relever de la négociation sociale.

Dans notre projet, nous nous engageons très fermement sur le préalable d'une négociation avec un temps suffisant avant l'intervention du législateur et le respect des accords majoritaires.

Il s'agit tout simplement de notre pratique. Il s'agit tout simplement de notre projet adopté à l'unanimité.

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