Billet de blog 14 juin 2013

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Docteur Proglio et Mister Pinocchio ?

Les Amis de terre et plusieurs organisations écologistes polonaises et internationales dénoncent l’hypocrisie du PDG d’EDF, Henri Proglio, et l'opacité qui entoure le projet de centrale à charbon à Rybnik, en Pologne, « non seulement une aberration en termes de diversité énergétique du pays mais aussi un sabotage climatique ».

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Les Amis de terre et plusieurs organisations écologistes polonaises et internationales dénoncent l’hypocrisie du PDG d’EDF, Henri Proglio, et l'opacité qui entoure le projet de centrale à charbon à Rybnik, en Pologne, « non seulement une aberration en termes de diversité énergétique du pays mais aussi un sabotage climatique ».


Gérard Roth, vice-président d’EDF pour l’Europe continentale, a annoncé mardi 4 juin dernier aux Polonais la poursuite des activités d’EDF dans la centrale à charbon de Rybnik. Une sortie pour le moins étrange alors que, à peine une semaine avant, le PDG d'EDF, Henri Proglio affirmait à Paris, à l’occasion de l’Assemblée générale des actionnaires, que ce même projet était « gelé » (lire dans Les Echos). La première entreprise française d’électricité est-elle une sorte d’Orthos schizophrène ou pense-t-elle simplement que nous ne sommes pas des lumières ?

Dès ses débuts, le projet de Rybnik était voilé d’opacité. Initialement, EDF avait bien annoncé la fermeture à l’échéance de 2016 des unités 1, 2, 3 et 4, vieilles de 40 ans et tombant sous le joug de la législation européenne. La construction d’une centrale dite supercritique était annoncée en remplacement. Suspendu en décembre pour une période de trois mois, le projet n’avais pas semblé refaire surface… Mais le silence français était bien loin de se faire l’écho de ce qui se passait réellement en Pologne, où se tramait la résurrection du phénix Rybnik, conservant ses 4 unités obsolètes sous couvert de modernisation et se laissant la possibilité d’en implanter une nouvelle. Il est d’ailleurs significatif que la déclaration officielle de Gérard Roth, qui en profite pour féliciter les autorités polonaises d’avoir facilité la négociation, n’ait été relayée qu’en polonais.

En effet, la renaissance du projet Rybnik n’est pas un fait de gloire dont la France puisse se vanter en plein Débat national sur la transition énergétique et à la veille d’accueillir la prochaine Conférence sur le climat en 2015. Le projet est non seulement une aberration en termes de diversité énergétique du pays mais aussi un sabotage climatique. Lorsqu’on sait que 92 % de l’électricité polonaise est produite à partir du charbon, maintenir et élargir les centrales à charbon en Pologne est tout sauf une nécessité, d’autant qu'au niveau mondial, le charbon est le premier contributeur anthropique aux gaz à effet de serre. Ses conséquences sont dramatiques pour les populations locales et la qualité de l’air en Europe. Une récente étude de l’Alliance pour la Santé et l’Environnement révèle que les coûts associés à la pollution de l’air par l’exploitation du charbon en Pologne s’élèvent à 34 milliards par an, soit l’équivalent de 30 % des fonds européens alloués au pays. Or, la rénovation de ces quatre unités et l’implantation d’une nouvelle vont verrouiller la production électrique de la région, astreinte au charbon jusqu’à la fin de leur durée de vie, soit 15 ans au minimum.

Depuis le Débat sur la transition énergétique, Henri Proglio s’était fait le chantre de la lutte contre le changement climatique, affirmant lors de son audition ne pas se résoudre à une augmentation de la température du globe à 2 °C et prônant lors de l’Assemblée générale des actionnaires ses objectifs d’énergie décarbonée. Ces déclarations seraient louables si, dans la pratique, elles ne signifiaient pas la délocalisation de mauvaises pratiques. A l’heure où Bonn résonne aux cloches des négociations climatiques, il est temps que la France et ses entreprises s’engagent dans une véritable cohérence en matière climatique, notamment concernant les énergies fossiles. L’objectif d’une limitation de la température du globe à 2 °C n’est réalisable qu’à condition d’amorcer un virage et de laisser les énergies fossiles dans le sol, d’interrompre les projets climaticides comme celui de Rybnik et de réorienter les investissements en faveur de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables. Ce qu’aurait fait Henri Proglio s’il tenait effectivement au climat, donnant par là même au pays une chance de s’orienter vers une trajectoire énergétique pérenne, et générant bien plus d’emplois locaux que dans les centrales à charbon. Docteur Proglio a-t-il en lui un Mister Pinocchio qui serait son mauvais génie ?

Signataires

Les Amis de la Terre (Malika Peyraut, chargée de campagne); CEE Bankwatch Network (Kuba Gogolewski, Chargé de campagne Energie pour la Pologne); Polish Green Network ; Towarzystwo na Rzecz Ziemi; Stowarzyszenia Ekologiczne Eko-Unia; Client Earth.

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