Billet de blog 19 juillet 2011

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UE: le budget augmente? Pas assez!

 Alors que les négociations autour du prochain «cadre financier pluriannuel» 2014-2020 de l'Union européenne ont débuté, les députées européennes Estelle Grelier et Catherine Trautmann (PS) estiment que les propositions de la Commission ne sont pas encore «à la hauteur des besoins pour lutter contre la crise économique».

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Alors que les négociations autour du prochain «cadre financier pluriannuel» 2014-2020 de l'Union européenne ont débuté, les députées européennes Estelle Grelier et Catherine Trautmann (PS) estiment que les propositions de la Commission ne sont pas encore «à la hauteur des besoins pour lutter contre la crise économique».

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Le mercredi 29 juin 2011, la Commission européenne a adopté sa proposition pour le budget européen post 2013, le «cadre financier pluriannuel 2014-2020» en jargon européen. Le Parlement européen a pris connaissance et examiné ces propositions le mardi 5 juillet. Il avait déjà exprimé son point de vue au mois de juin, en adoptant le rapport de sa commission spéciale sur les perspectives financières.

Quel calendrier?

Le marathon budgétaire européen -éminemment politique- rentre donc dans le dur. Les négociations s'annoncent serrées, la Commission européenne ayant pour fil rouge de satisfaire, en présentant un cadre financier étriqué, les exigences de rigueur dictées par les États membres, tout en souhaitant répondre aux demandes budgétaires du Parlement européen.

Négociations difficiles, et longues: les travaux commencent au Conseil sous présidence polonaise pour s'achever sous présidence danoise en juin 2012. L'accord sur le nouveau cadre financier entre le Parlement et le Conseil devra ensuite intervenir en décembre 2012, pour une adoption en 2013!

Le Traité de Lisbonne a changé la procédure d'adoption du budget annuel de l'Union européenne. Le Parlement statue désormais en codécision avec le Conseil. Mais il n'en va pas de même pour le cadre financier, dont l'adoption requiert l'unanimité au Conseil et l'approbation du Parlement européen. Ce dernier n'a donc qu'une seule alternative: adopter ou rejeter en bloc. Difficulté supplémentaire pour les parlementaires européens, soucieux de l'intérêt des citoyens: ces débats seront peu médiatisés, -ils ne le sont jamais-, alors que le budget, expression de la solidarité européenne, est l'acte politique par essence, au cœur de l'action publique.

Les propositions de la Commission européenne

Le Président Barroso a présenté son projet de cadre financier 2014-2020 comme étant «un budget ambitieux et innovant, mais responsable et rigoureux, proposant des financements raisonnables des politiques européennes, avec un renforcement des politiques d'avenir».

La Commission européenne propose, en chiffres absolus, une augmentation de ce budget: les crédits d'engagement seraient portés à 1 025 milliards d'euros pour l'ensemble de la période, soit 1,05% du RNB, ce qu'elle présente comme une augmentation de 5% par rapport à la période 2007-2013. Un budget en apparence en augmentation, donc... mais une comparaison plus attentive des crédits en prix constants oblige à modérer ce chiffre, et le porter à environ 3,2%.

On est loin des attentes du Parlement, qui tablait, dans son rapport sur les perspectives financières voté en juin, sur une augmentation «d'au moins 5%» par rapport au niveau de l'année 2013 (plus élevé que les années précédentes)...

Des financements pour quelles politiques?

Alors que l'analyse chiffrée mérite encore approfondissement, l'étude des priorités politiques développées par la Commission dans sa communication donne une idée plus claire de sa vision de l'action européenne post 2013. Si la structure du cadre financier ne change pas fondamentalement, d'importantes redistributions sont opérées en faveur des «politiques clés» de la Stratégie UE 2020 que sont la recherche et l'innovation, le développement des PME, l'éducation, la sécurité, les relations extérieures. Nous nous en félicitons.

Le niveau de crédits de la Politique agricole commune (PAC) est gelé au niveau de 2013, et sa part relative dans le budget diminue, même si elle reste en volume financier la première politique communautaire. L'utilisation proposée des fonds de la PAC va davantage correspondre à nos priorités: renforcement des aides aux petites exploitations, rééquilibrage en faveur de l'élevage, adoption du principe de la dégressivité des aides directes en fonction de l'emploi et de l'environnement... En utilisant mieux les fonds de la PAC, cette politique peut servir à renforcer le développement durable, en prenant en compte des objectifs de sécurité alimentaire, d'environnement, de territoire et d'emplois. C'est pourquoi nous ne pouvons que nous féliciter du «verdissement» des aides du premier pilier.

En ce qui concerne la politique de cohésion, un montant total de 376 milliards d'euros est présenté par la Commission, ce qui représente, dans l'absolu, une augmentation: pour la période 2007-2013, la somme allouée était de 347 milliards. Cependant, par un tour de passe-passe et l'introduction d'un nouveau fonds de financement de projets d'infrastructure, le montant réel attribué aux régions est de 326 milliards d'euros, un montant en diminution par rapport à la période précédente.

La Commission souhaite que la politique de cohésion soit plus étroitement associée à la Stratégie UE 2020, d'où une volonté d'éviter la dispersion des fonds et d'inciter à une plus grande responsabilité dans leur utilisation: conditionnalité renforcée, concentration des fonds sur les régions les plus pauvres et les plus faibles tout en gardant une couverture totale du territoire européen, concentration des fonds sur certaines thématiques. Mais, dans le même temps, on constate que l'Union européenne n'a plus les moyens de financer les grands projets, comme le réacteur thermonucléaire expérimental international (ITER) et le programme européen de surveillance de la Terre (GMES); la seule solution trouvée par la Commission européenne consiste à... les sortir du cadre financier, ce qui ne règle pas la question de leur financement, et oblige les Etats-membres à faire preuve de sens des responsabilités.

La question des ressources propres

La grande nouveauté -et la bonne nouvelle- de cette proposition, c'est l'introduction d'une taxe sur les transactions financières et la modernisation de la ressource TVA à l'horizon 2018.

Le nouveau système de ressources propres est annoncé comme devant être plus transparent, simple et équitable. La dépendance du budget communautaire vis-à-vis du bon vouloir des Etats membres n'est plus tenable: en proposant de diminuer la part des contributions directes des Etats-membres à 40,3% à la fin de la période de programmation contre 74,2% actuellement, l'Union européenne obtient un début d'indépendance budgétaire. Le système de corrections et rabais actuel, si cher au Royaume Uni mais devenu obsolète, sera réformé en profondeur. Gare à la réaction des Etats concernés!

La campagne des socialistes européens en faveur d'une taxe sur les transactions financières a été entendue par la Commission, même si nous ne connaissons pas encore le taux qui sera appliqué. Nous sommes pour notre part favorables à un taux fixé à 0,05%. Le débat reprendra lors de la présentation de la proposition législative sur les ressources propres cet automne.

On peut cependant regretter que l'instauration de ce nouveau système aura pour objectif principal de diminuer la contribution des Etats-membres sans mettre un terme aux contributions nationales, et sans pour autant augmenter le budget européen.

En conclusion, que penser de ce budget?

Ces propositions font déjà l'objet de réactions virulentes de la part des Etats-membres. Elles ne sont pourtant pas à la hauteur des besoins pour lutter contre la crise économique et prendre sérieusement en charge l'ensemble des compétences communautaires, tant la Commission européenne a intégré les exigences des Etats.

La démagogie de certains gouvernements -qui proposent de réduire les dépenses de l'Union européenne en raison de la nécessité de réduire les déficits nationaux- va à l'encontre de l'intérêt général européen: il y a une véritable valeur ajoutée à mettre en commun une partie des ressources pour sortir de la crise sociale et économique.

Face à des Etats qui refusent toujours de voir dans le budget communautaire un outil de développement et d'impulsion économique, nous sommes déterminés à poursuivre notre combat pour la croissance et l'emploi: l'austérité rajoutée à l'austérité est une impasse. Nous voulons un budget d'actions et d'investissements pour l'avenir, qui soit à la fois un appui à l'assainissement de la situation financière de l'Union européenne et un accélérateur de la sortie de crise.

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