Billet de blog 25 mars 2010

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Un nouveau cycle pour la gauche

Ancienne ministre, membre du bureau national du Parti socialiste, Marie-Noëlle Lienemann répond à Jacques Julliardet appelle à une «synthèse féconde entre les cultures».

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Ancienne ministre, membre du bureau national du Parti socialiste, Marie-Noëlle Lienemann répond à Jacques Julliardet appelle à une «synthèse féconde entre les cultures».

Quel bonheur de lire dans l'interview de Jacques Julliard bien des analyses qui font écho à bon nombre de mes réflexions. Mon engagement, dès le début des années soixante-dix, fut fondé sur un triple choix: celui de l'union de la gauche, celui de la construction d'un grand parti socialiste –de masse, capable de gouverner comme de transformer la société–, enfin la perspective autogestionnaire, attachant aux mouvements sociaux une grande place à côté de l'intervention publique. Bref, j'étais de «culture deuxième gauche», mais unitaire. Ceci explique mon adhésion très jeune au PS pour participer à la rénovation d'Epinay.

Le chemin que fait aujourd'hui Jacques Julliard, j'ai l'impression de l'avoir fait il y a presque 20 ans, alors que la dureté du virage libéral et l'aveuglement de la social-démocratie m'apparaissaient dramatiques. La deuxième gauche me décevait, la première me semblait tout aussi paralysée et déjà je pensais possible d'inventer une forme de troisième gauche «Rouge Rose Verte». Mais je n'ai pas l'intention de jouer les anciens combattants, de faire croire qu'avoir «eu raison» plus tôt vous donne des droits, cela n'a guère d'intérêt.

Ce qui est important dans la prise de position de Jacques Julliard est qu'elle témoigne d'un nouveau cycle dans la vie de la gauche française: celui d'un dépassement du clivage entre première et deuxième gauche, et la possibilité de l'effectuer, si je puis dire, par le haut. Car force est de constater que depuis le milieu des années quatre-vingt, le clivage entre les deux gauches s'était singulièrement réduit –disons par le bas. Le rapprochement s'effectuait par une acceptation commune de la mondialisation et de la financiarisation, de la contamination néo-libérale de la social-démocratie. L'accord s'opérait sur une vision gestionnaire se trouvant souvent marquée par un grand conformisme économique, social et idéologique, improprement qualifié de réformisme et de culture de gouvernement. Ses analyses et propos montrent que la première gauche peut quitter une posture uniquement de résistance –face au système dominant mais aussi face à une gauche jugée défaillante; ils obligent les tenants de la ligne social-démocrate à de profondes remises en cause.

Ces évolutions rendent possible, donc, une synthèse féconde entre les cultures variées et diversifiée de La gauche française. Elles contribuent à légitimer à nouveau des valeurs, des fondamentaux de la pensée de la gauche et du socialisme français -–républicain, pluraliste, toujours matiné d'un peu d'esprit libertaire. De ce point de vue, ouvrir à nouveau des questions aussi centrales que la planification, les nationalisations est significatif. Le fait que des hommes engagés de la deuxième gauche en prennent l'initiative permet de sortir d'une alternative biaisée entre archaïques et modernes. Oui, il faut reparler de nationalisations, de planification, de l'intervention de l'Etat, de la puissance publique mais aussi des acteurs sociaux et il faut le faire de façon nouvelle, imaginative, en tenant compte du réel et de l'expérience passée. Voilà la rénovation dont la gauche a besoin. Dont toute la gauche a besoin.

Car ce travail de «synthèse politique», de ré-enchantement de la gauche, de formulation d'une ambition transformatrice, concrète, réalisable avec sa part indispensable d'utopie, ne peut réussir sans l'unité des forces de gauche et écologistes. L'unité ne se réalisera pas sans la volonté d'aller sérieusement –et publiquement– à une confrontation féconde, c'est-à-dire susceptible d'aboutir à l'action, à des choix programmatiques audacieux pour 2012. A l'évidence, la gauche est diverse, le mouvement écologiste aussi et il serait grave de vouloir écraser l'une ou l'autre de ces cultures, mais sans terreau commun, sans convergences lisibles, la pensée des uns et des autres est confrontée à l'impuissance et conduit, au bout du compte, à un certain désespoir. Que peut être la gauche sans l'espoir qui nourrit le combat, l'action, le regard sur le présent et l'avenir?

Les prises de position de Jacques Julliard sont aussi importantes, parce qu'elles obligent à reparler sérieusement d'Europe entre les tenants du OUI et du NON. Jacques Julliard ne se réfugie pas dans la suffisance de ceux qui pensent qu'on ne pouvait être européen qu'en approuvant le projet de Constitution ou le traité de Lisbonne et qui se sentaient forts du «de toute façon, quoi qu'il arrive, cela se fera». Les défenseurs de l'idée européenne qui ont voté non doivent, avec lui et ceux qui mesurent l'état réel de l'Union, proposer un nouveau cadre pour sa construction. Il ne s'agit pas d'un plan B, car la question institutionnelle est vide de sens sans une forme de refondation du pacte commun, du projet collectif. C'est peu dire que la crise, les difficultés grecques, l'attitude inquiétante de l'Allemagne exigent ces remises en cause. J'ai toujours dit que le non permettait d'ouvrir une crise «à froid», que les dirigeants français devaient utiliser pour obtenir une réorientation majeure de la construction européenne et qu'il valait mieux agir ainsi plutôt que d'attendre que la crise explose «à chaud», rendant plus difficiles les arbitrages démocratiques. Quelle occasion manquée! Mais là où nous en sommes, l'enjeu européen demeure. C'est d'autant plus vrai que la gauche française, qui a toujours eu une place particulière dans la gauche européenne, est aujourd'hui mieux à même que la social-démocratie de poser –et résoudre– les problèmes éminemment politiques de notre continent. Notre singularité, qui nous a récemment

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