A l'initiative du mouvement Utopia et du Channel, centre de développement culturel de Calais, une grande manifestation baptisée « La Saveur de l’Autre » se déroule du vendredi 29 mai au dimanche 31 mai 2015. L'objectif de ces trois jours « est de contribuer à construire un autre regard sur la migration et les migrantEs » selon les organisateurs.
Nul ne choisit le lieu ni l’époque, ni le contexte politique, économique et environnemental de sa naissance. La migration, intrinsèquement liée à l’Histoire de l’humanité, est une richesse ; et le droit de migrer puise ses racines dans les luttes pour la reconnaissance des droits humains. Il s’appuie sur de grands textes, tels que la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, la Convention Internationale du Droit des travailleurs migrants et de leurs familles, et la Convention de Genève.
A l’inverse de ces principes humanistes nous assistons chaque semaine à une macabre succession de naufrages en Méditerranée. En vingt ans plus de vingt mille personnes migrantes sont mortes aux frontières de l’Europe Forteresse. Notre vieux continent ne peut plus se défausser. L’actualité oblige nos politiques mais aussi l'ensemble des citoyens européens à porter attention aux questions que soulèvent les migrations. Quitter son pays pour des raisons économique, politique ou climatique est une souffrance, accentuée par le long périple parsemé d'obstacles qui attend celles et ceux qui émigrent pour tenter d'arriver jusque chez nous. Comment rester insensible à ce qui se passe aujourd'hui aux frontières de l'Europe ?
Au même titre que Lampedusa, Calais est devenu un nom emblématique de cette réalité. A Calais, les conditions de survie indignes imposées aux migrantEs sont intolérables.
Depuis des décennies, des exilé(e)s sont présent(e)s à Calais. Ils et elles font partie de la ville et de son quotidien. Une solidarité s’est créée, qui ne s’est jamais démentie.
Au fil des années, des dispositifs se sont accumulés pour bloquer les exilé(e)s à la frontière, rendre leur vie impossible, les séparer de la population, les expulser. Grilles, effectif policier démesuré, technologies de pointe, chiens, centre de rétention, etc. Ces violences quotidiennes affectent bien sûr les exilé(e)s, mais aussi les habitant(e)s et la ville, qui est devenue le théâtre d’une guerre qui ne dit pas son nom.
Or, la légitimité de la présence des migrants est incontestable. Les pays dont ils proviennent -Afghanistan, Erythrée, Irak, Libye, Soudan, Syrie, notamment - en témoignent. Ils fuient la guerre, la répression, la dictature et l’arbitraire à la recherche d’une protection en Europe. Contrairement à ce qui est répété inlassablement par certains médias et de nombreux politiques, il ne s’agit nullement d’une « invasion ». Des moyens adéquats doivent être déployés pour secourir et accueillir ces réfugiés qui se sont tournés vers nous.
Depuis des décennies, les contrôles renforcés aux frontières, les dispositifs de surveillance, d’intimidation et de contention, les mesures de déplacement forcé des migrants ont totalement échoué, ont coûté très cher et ont surtout provoqué des milliers de morts. En refusant l’asile et l’accueil, c’est la liberté dont nous jouissons nous-même qui est menacée : nous construisons les murs de notre propre prison.
Avec tous les Etats européens, ou de façon unilatérale, la France doit donc revoir la totalité de sa législation et de sa réglementation en matière d’asile et de migration (dénonciation du règlement Dublin et suppression de Frontex). Elle doit le faire dans le strict respect de l’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, comme de la Convention de Genève. La France doit enfin réviser sa dangereuse et illusoire conception « nationale » de la migration, et doit contribuer, au sein de l’ONU, à promouvoir une nouvelle gouvernance en matière de migration, respectueuse de la liberté de circulation, des droits enfin reconnus et appliqués pour tous les migrantEs.
A Calais, un événement pour un autre regard sur la migration
La manifestation « la Saveur de l’Autre » se déroulera à Calais du vendredi 29 mai au dimanche 31 mai 2015. L’objectif de ces trois jours est de contribuer à construire un autre regard sur la migration et les migrantEs, de quitter les sentiers de la compassion pour celui d’un avis éclairé des points de vue les plus divers. L’ambition est de poser un regard et des questions sur ce phénomène mondialisé aux origines diverses.
C’est sur la scène nationale bouillonnante du Channel que vont se succéder des poètes, des musiciens, des intellectuels, des conteurs, des animations et des rencontres avec des associations d’aides aux migrants, des spectacles et des causeries, de la cuisine du monde… Lilian Thuram, en ouverture, nous proposera de déconstruire les idées reçues sur les migrantEs et d’engager une réflexion sur l’importance d’une société plurielle et fraternelle.
À tous et chacun, militant des causes humanitaires ou pas, simple citoyen ou citoyen engagé, à tout être pour qui son existence est nécessairement reliée à celle des autres, cette manifestation permettra de gouter à « La saveur de l’Autre » et d’ouvrir de nouveaux mondes.
http://lechannel.fr/images/documents/publiPDF/programme/La-saveur-de-l-autre2015.pdf
Les Signataires :
Samira Chahboune (Organisation pour une Citoyenneté Universelle, Utopia), Jean Lesage (Utopia Nord-Pas-de-Calais), Anne Le Strat (Porte-parole du Mouvement Utopia), Francis Peduzzi (Directeur du Channel).