Billet de blog 28 août 2012

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L'insertion des Rroms, grande absente des projets du gouvernement

« La commission interministérielle [du 22 août] a permis des avancées, mais elles restent partielles si aucun fond spécifique n'est débloqué pour accompagner un véritable programme d'insertion sociale et professionnelle des Rroms », prédit Morgan Garo, docteur en géopolitique, auteur du livre Les Rroms, une nation en devenir ? (éditions Syllepse), en dénonçant les faux-discours et les mesures transitoires dont sont victimes les Rroms.

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« La commission interministérielle [du 22 août] a permis des avancées, mais elles restent partielles si aucun fond spécifique n'est débloqué pour accompagner un véritable programme d'insertion sociale et professionnelle des Rroms », prédit Morgan Garo, docteur en géopolitique, auteur du livre Les Rroms, une nation en devenir ? (éditions Syllepse), en dénonçant les faux-discours et les mesures transitoires dont sont victimes les Rroms.



La levée partielle des mesures transitoires (fin de la taxe pour les employeurs pour embaucher et élargissement éventuelle de la liste des 150 métiers) va-t-elle permettre d'aller vers une autre politique d'accueil des Rroms?

Depuis dix ans, les autorités françaises se sont accommodées de la présence de ressortissants roumains et bulgares travaillant en France avec des visas touristiques valables trois mois et contraints de repartir périodiquement en Roumanie pour ne pas se trouver dans l’illégalité. Bien sûr, en 2007, la Roumanie et la Bulgarie sont entrés dans l’Union européenne, les ressortissants roumains et bulgares sont devenus des citoyens européens. Mais, à la différence des autres pays, ils ont été obligés de se soumettre aux mesures restrictives dites « transitoires », n’étant pas invités à rentrer dans l’espace Schengen aux mêmes titre que les autres citoyens européens.

En Roumaine et en Bulgarie, l’ostracisme envers les Rroms n’a malheureusement pas été enrayé. Il a même progressé en dépit des quelques politiques affichées de lutte contre les discriminations et d’aides destinées à la populations rroms. Parce que ces pays sont dits sûrs et démocratiques, les Rroms ne devraient pas y subir de persécutions, d’actes de violence, de racisme. Pourtant tous les rapports (Conseil de l’Europe, Amnesty international, …) montrent que la situation des Rroms est toujours aussi critique. La  montée de l’ostracisme n’a jamais été aussi forte: les Rroms sont encore une fois les boucs émissaires de cette montée de la haine liée aux frustrations de ceux que la crise financière et économique n’a pas épargnés.

Le gouvernement français actuel, au même titre que le précédent, est désireux d’apaiser les inquiétudes sécuritaires d’une opinion publique manipulée et peu encline à accepter les différences. La stratégie est toujours la même: au lieu de déconstruire ce discours haineux, « occupez-vous des français et virez les autres qui nous volent notre bon pain quotidien », on leur fait croire que quelques milliers de familles rroms sont la cause de la crise financière et économique.

Ces familles ne fuient par plaisir ou pour soi-disant  profiter du système. Ce sont des femmes, des enfants et des hommes qui fuient l’ostracisme, la violence, la misère. Ce sont des citoyens européens qui réclament le droit de vivre décemment et non de survivre. Des moyens existent pour les scolariser, les former, et même les loger en développant des programmes de réhabilitation de logement par l’auto-construction, car ces hommes et ces femmes ont des compétences qui doivent être valorisées et utilisées. Des programmes ambitieux peuvent être mis en place, avec des financements de l’Europe car les enveloppes existent. Certains projets ont été lancés mais beaucoup n’ont pas abouti car les fonds destinés ont souvent été détournés ou ont été utilisés sans réflexion préalable et d’ensemble.

« Indignez-vous! »,  comme dit Stéphane Hessel. Oui, indignez-vous! Comment, au XXIe siècle, peut-on justifier une telle politique? Comment peut-on traiter des familles avec des femmes et des enfants de cette manière?

Pourquoi des charters? Cette politique de renvoi coûte plus chère au contribuable que d’investir l’argent dans un programme d’intégration, d’accompagnement de ces personnes dans un parcours de formation et d’insertion professionnelle. Ce ne sont pas des paresseux et des ignorants, il y a des ingénieurs, des maçons, enseignants, des pasteurs, des artistes et des musiciens. Ils ne sont pas nomades mais sédentaires dans leur pays. Ce qu’ils cherchent: être reconnus comme des citoyens à part entière et ne plus être les victimes du racisme séculaire qui règne en Roumanie et dans l’ensemble de l’Europe à leur égard.

Leur histoire est peu connue. Leur situation dans les pays de l’Est, à part quelques reportages folklorisants et caricaturaux, ne parlent pas de leurs réalités. Très peu de livres ou de films évoquent l’histoire particulière des Rroms roumains esclavagisés du XIIIe au XIXe siècle. Leur déportation en Transnistrie pendant la seconde guerre mondiale est méconnue, tout comme la politique actuelle dans certaines localités de Roumanie qui consiste à les reléguer dans des quartiers réservés, des ghettos.

Les autorités continuent à vouloir nous faire croire que si on les accueille dignement, d'autres arriveront. Or, ce n'est pas vrai. Toutes les études le prouvent. Depuis dix ans, le nombre de Rroms venus de Roumaine et de Bulgarie n'a pas évolué. Et que représente 15 000 personnes sur 68 millions de Français? Pourquoi tant d’énergies déployer à les expulser. Ce ne sont pourtant pas eux qui décident des politiques économiques, celles qui entrainent les licenciements, les fermetures d’usine, en France et en Roumanie. Réveillez-vous! Ce ne sont pas ces milliers de familles qui ont amené la crise des subprimes, la faillite des banques, les licenciements, ils en sont malheureusement les premières victimes. Il s'agit encore d'un écran de fumée, déployé pour répondre à un discours sécuritaire et alarmiste. En 2004, Nicolas  Sarkozy a essayé d’utiliser cet écran,  et aujourd'hui, Manuel Valls recommence. Arrêtez! Des solutions existent. Mais, pour cela, il faut écouter les associations de terrains et aussi, et surtout, les personnes concernées, c'est-à-dire les Rroms eux-mêmes. D’ailleurs il est étonnant que toutes les associations n'ont pas été conviées à la conférence interministérielle, notamment la « Voix des Rroms ».  

Certes, la commission interministérielle a permis des avancées mais elles restent partielles si aucun fond spécifique n'est débloqué pour accompagner un véritable programme d'insertion sociale et professionnelle des Rroms. Les associations et les familles attendent des mesures concrètes pour faciliter réellement l'accès des Rroms à la formation et au travail. Mais, pour cela, il faut dégager des moyens financiers et humains. Au-delà de la levée partielle des mesures transitoires, le problème de la gestion des fonds européens devra être résolu, alors qu'ils servent souvent à financer des projets fantômes et ne bénéficient donc pas aux populations concernées.

Il faut qu'il y ait la mise en place d'une véritable coopération, à la fois entre les Etats (France, Roumanie, Bulgarie), avec la participation active des associations, des représentants Rroms de chaque pays et de leurs organisations internationales. L'objectif?  Développer une véritable politique d'ascension sociale pour les Rroms et lutter contre l'ostracisme à tous les niveaux.

La politique d'expulsion est un échec humain et financier. Seule la mise en place d’une politique globale avec des moyens effectifs permettra un meilleur accès à l'éducation, à la santé, à la formation à l'emploi et au logement, volet totalement absent des négociations actuelles.

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