Faut-il accepter les informations non sourcées et les commentaires anonymes? Non, bien sûr. C'est une des règles de base du journalisme: chaque information doit être sourcée et recoupée, c'est-à-dire provenir de plusieurs sources qui n'ont pas la même source. Quant aux prises de positions anonymes, elles sont indignes: n'avons-nous, nous même pas écrit, sur le pré-site de Mediapart, vouloir «la fin de la rumeur, de l'anonymat, ce déluge vengeur de commentaires où l'on se cache derrière un pseudonyme pour se lâcher», bien vite suivi par Rue89 qui a annoncé le«décés du courageux anonyme»? Et pourtant...
Pourtant nous avons accepté le pseudonymat, sinon l'anonymat, arguant que la véritable identité de l'internaute n'est pas forcément celle de son état-civil. D'autant que, plus souvent qu'à leur tour, les journalistes prennent eux-même des pseudonymes. Tout juste nous sommes nous fixé la règle qu'on ne puisse pas changer de pseudonyme tous les quatre matins afin de préserver un peu de continuité dans les débats.
Pourtant révéler systématiquement l'identité du fournisseur de l'information serait contrevenir gravement à la protection des sources, et plus prosaïquement, se condamner à ne plus en avoir aucune autre que les communiqués de presse et les discours officielle. Le code de procédure pénale reconnaît d'ailleur ce droit («Tout journaliste, entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l’exercice de son activité, est libre de ne pas en révéler l’origine») et le Parlement débat en ce momen même d'un projet de loi «sur la protection du secret des sources journalistiques». Ce texte, qui se dit protecteur, est d'ailleurs problématique, puisqu'il précise qu'«il ne peut être porté atteinte à ce secret que lorsqu'un intérêt impérieux l'impose.» Qui serait juge de cet empire? A priori ceux-là même qui demandent au journaliste de tout déballer.
Pourtant (on y vient) une étude de l'université du Missouri (sur la crédibilité de l'information sur Internet) montre que si les lecteurs restent très pointilleux sur ce qu'ils exigent des journalistes, ils sont prêt a accepter beaucoup plus d'approximations dans ce qui relève du commentaire et du dialogue en ligne.
Si l'on interroge les rédacteurs en chef, les règles qui s'imposent au journalisme devraient valoir pour les internautes: 7 sur 10 estiment que l'internaute doit s'identifier formellement pour commenter. Coté public, 45% seulement sont prêts à le faire.
6 rédacteurs en chef sur 10 pensent que si un journaliste s'engage dans la conversation et exprime ses propres opinions, il nuit à sa propre crédibilité et à sa déontologie professionnelle. 36% des internautes partagent ce point de vue. Au moins, disent ces derniers, on sait quels sont les présupposés du journalistes qui ne se cache plus derrière une pseudo-objectivité.
Pourtant, même en France, les Français trouvent les informations diffusées sur Internet de plus en plus crédibles: 23% des sondés pensaient que «les choses se sont passées comme Internet les montre» en 2005. 24% en 2006, 30% en 2007, 31% en 2008 (contre 57% pour la radio, 49% pour les journaux, 46% pour la télévision). La route est droite, mais la pente est raide, disait un premier ministre, amateur de formules.