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Billet de blog 1 octobre 2009

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Reconstruire une vision réaliste de la place des étrangers

Depuis onze mois et une soixantaine de billets, nous donnons des informations sur la façon dont se passe la "politique de l’immigration" en France. Nous avons insisté sur l’inhumanité concrète que doivent subir les étrangers qui ne demandent pas autre chose que de vivre et travailler normalement, au grand jour. Au delà de la connaissance des faits, il est essentiel de tenter de réfléchir au sens de tout cela. Ce sera l’objet d’une partie des billets à venir.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Depuis onze mois et une soixantaine de billets, nous donnons des informations sur la façon dont se passe la "politique de l’immigration" en France. Nous avons insisté sur l’inhumanité concrète que doivent subir les étrangers qui ne demandent pas autre chose que de vivre et travailler normalement, au grand jour. Au delà de la connaissance des faits, il est essentiel de tenter de réfléchir au sens de tout cela. Ce sera l’objet d’une partie des billets à venir.

Sortir des idées reçues pour recoller à la réalité individuelle, nationale, européenne n’est pas toujours facile. Nous avons fait quelques tentatives, à propos de la forteresse Europe, de la recherche du sens de la politique de l’immigration, du rapprochement des conditions de l’emploi des étrangers avec l’esclavage, de la publication d’une série d’études sociologiques, des surprises de l’accueil et de l’intégration des étrangers selon les services officiels, ou encore de l’inadaptation profonde du CESEDA (Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et Demandeurs d’Asile).

Notre modeste contribution n’est pas la seule, bien entendu. Nous mêlerons donc nos réflexions personnelles à des commentaires d’ouvrages et de publications qui se font de plus en plus nombreux. En effet, devant des déclarations et des actions du pouvoir de plus en plus extrêmes, nombre de chercheurs et de penseurs ressentent la nécessité d’aider leurs concitoyens à reprendre contact avec le réel.

A titre de premier exercice, prenons la célèbre déclaration de Michel Rocard en 1989, à l’occasion du cinquantenaire de la Cimade : "La France ne peut accueillir toute la misère du monde, mais elle doit savoir en prendre fidèlement sa part".

"La misère du monde" : de qui s’agit-il ? Sans doute pas des demandeurs d’asile, que la France est tenue d’accueillir par les accords internationaux qu’elle a signés. Ce doit donc être ces étrangers, hommes et femmes, venus chercher le travail qui leur permettra de nourrir leur famille, sur place ou au pays. Des travailleurs qui assurent les tâches que les Français – ou les immigrés plus anciens – se gardent bien de leur disputer, car trop pénibles et trop mal payées. La misère, c’est en France qu’ils risquent de la trouver.

La loi sur l’immigration leur ferme à peu près toutes les portes, les obligeant à vivre et travailler cachés, rendant impossible un véritable accueil. Une formulation plus exacte de cette déclaration serait donc : "La France, en accueillant si mal ces travailleurs du monde dont elle a besoin, les pousse vers la misère".

Heureusement, ces migrants sont parmi les plus courageux et les plus débrouillards de leur communauté d’origine, et "la France" n’est pas un bloc « administrativement correct ». Si bien que beaucoup parviennent à une vie modeste mais stable. Malgré l’insécurité qui plane sur tous leurs déplacements. Et avec la peur au ventre.

Fin septembre 2009, la Cimade était réunie en colloque à Strasbourg pour marquer son soixante-dixième anniversaire - elle a en effet pris naissance dès le début de la seconde guerre mondiale pour venir en aide aux personnes déplacées du fait de la guerre. Michel Rocard y a repris cette même formule en l’élargissant un peu: "la France et l’Europe peuvent et doivent accueillir toute la part qui leur revient de la misère du monde". Nous nous interrogeons : est-ce bien à l’Europe de décider quelle misère est à secourir et laquelle doit perdurer, tout comme les puissances européennes se sont partagé le monde dans les siècles passés ?

On trouvera ici l’essentiel de la « leçon », accueillie diversement au sein même de la Cimade. Elle se conclut sur la proposition de quelques pistes. Nous retiendrons la première : "que l’inévitable partition des candidats à l’immigration entre ceux que la France peut accueillir et ceux qu’elle choisit de ne pas accueillir soit faite, en amont, le plus humainement possible. ".

Et si, jetant aux orties quotas et règles transparentes, on reportait en amont, vers les pays d’émigration la faculté de décider humainement qui a vocation à vivre hors de chez lui, par exemple :

  • en cessant d’entretenir l’état de guerre qui fait affluer de jeunes afghans vers l’Europe ?
  • en cessant de subventionner les productions alimentaires européennes dont la vente à perte en Afrique assèche l’agriculture vivrière locale ?

Martine et Jean-Claude Vernier

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