Pour que « le monde d’après » puisse advenir, plaidoyer pour le rebond des politiques publiques d’éducation.
- En réponse au pessimisme (record d’Europe) et au mal vivre de la jeunesse en France,
- En réponse aux perturbations comportementales observables chez un nombre d’enfants sans cesse croissant, et désormais préoccupant, dès l’âge de 10 à 12 ans, bien souvent moins.
Ces perturbations se manifestent en termes :
a. d’instabilité, d’hyper activité, d’enfermement sur soi, d’incivilité voire d’agressivité … de comportement addictifs précoces, à caractères souvent suicidaires …
b. de malnutrition et de dégradation de l’état de santé, avec en particulier une progression rapide de l’obésité juvénile, et/ou des consommations toxiques.
- En réponse aux difficultés des familles , indisponibles, sinistrées économiques ou éclatées…, en tout cas impuissantes face à l’attraction et à l’influence mercantile des produits culturels industriels et télévisuels qui déconnectent leurs enfants de leur réalité sociale, et de la réalité.
- En accompagnement de l’école, aujourd’hui mise en échec par le désengagement contraint des familles et le détournement industriel des capacités d’attention et de concentration des enfants vers les produits du commerce culturel et télévisuel.
L’attention éducative aux enfants et aux jeunes doit être repensée, elle doit inclure aussi leurs temps de loisirs, débarrassée du formalisme et de l’utilitarisme scolaire , ce doit devenir un impératif immédiat .
L'action éducative publique ne peut plus se résumer à celle de l'école.
Les souffrances de la jeunesse, publiquement observées (et statistiquement attestées), mobilisent encore insuffisamment la puissance publique à travers des dispositifs (Conseils locaux de prévention de la délinquance par exemple) qui se veulent préventifs mais n’interviennent en réalité que trop tard et trop peu, lorsque le mal est déjà fait. C’est pourquoi, leurs modes d‘intervention sont très largement condamnés à se soumettre (et donc à entretenir malgré eux) , au rapport trivial et déshumanisé que les enfants et les jeunes entretiennent désormais avec la société et leur environnement en général, à travers une offre de loisirs « prêts à consommer » méprisante de leurs capacités à imaginer, à partager, à se projeter .
Il faut, il est urgent d’agir bien plus tôt, en amont, dès l’âge où se structure la personnalité, où se construit l’estime de soi et des autres, où peuvent se développer les aptitudes relationnelles de l’enfant à son environnement, son intelligence du monde qui l’entoure et de ses relations avec autrui.
Il faut, il est urgent de poursuivre ensuite et d’accompagner les jeunes jusqu’à cette prise d’autonomie qui consacre l’accès aux libertés d’engagement et à la responsabilité qui va avec.
Ce sont les fondements de la conscience citoyenne et de la démocratie qui sont en jeu.
Il faut, il est urgent de ne plus répondre en termes de service aux familles, ni en termes d’occupation des enfants et des jeunes, mais en termes d’attention et de soin, en termes d’éducation, complémentaire de l’instruction scolaire.
Faute de quoi ce seront des générations entières d’adolescents en souffrance, mal dans leur peau, agressifs ou prostrés, qui deviendrons autant d’adultes égocentrés, irresponsables et manipulables.
Et les politiques publiques n’auront d’autre solution que l’assistanat et la répression généralisés, pour des coûts sans cesse plus élevés et rapidement insupportables pour la collectivité.
A maints égards, nous sommes déjà dans cette situation dans de nombreux territoires. Il y a urgence.
La seule vraie politique préventive efficace ne peut être qu’éducative. Ce doit être une politique de l’anticipation et de l’investissement, une politique volontariste et pérenne.
Une politique publique engagée par la puissance publique, à tous les échelons de la décision publique, de la commune jusqu’à l’état.
Une politique qui engage l’ensemble de la société civile et au premier rang l’éducation populaire. Ses associations et mouvements fédératifs doivent par leur diversité, en actualisant et en réaffirmant leur ambition, retrouver leur place de corps intermédiaires, indispensables compléments de la puissance publique et soutenus par elle, pour faire vivre la seule vraie participation démocratique des citoyens qui puisse être, au quotidien et sur leurs lieux de vie.
Une politique qui témoigne de l’intérêt sans relâche de l’ensemble de la société pour l’ensemble de ses enfants, c'est-à-dire pour son propre avenir.
Ce billet prolonge les précédents « Education, tout repenser » et « Pour le socialisme hors les murs ». Je renvoie une fois de plus aux travaux, analyses et prises de positions de Bernard Stiegler (philosophe) mais aussi de François Dubet (sociologue) ou de bien d’autres, au « Manifeste pour les produits de haute nécessité » de Glissant et Chamoiseau et à cette évidence qu’il ne peut y avoir d’avenir pour l’humanité que par la culture de l’humanité.