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Billet de blog 17 mai 2012

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Le défi de "l'éducation nationale"... déjà perdu ?

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(en prolongement et sur la base d'un commentaire du billet de Sébastien Rome : Refonder l'école : les défis de Vincent Peillon.)


Il faut pour mesurer ce défi partir de cette réalité qui veut qu'aujourd'hui, les enfants "apprennent" dans leur immense majorité, bien plus hors de l'école que dans l'école.
C'est à dire que les futurs adultes qu'il sont, seront bien plus les produits de la télé, des jeux vidéo, d'internet et de toutes les consommations qui sont les leurs, que de l'école.
Bernard Stiegler, en particulier, analyse très bien tout ça... origines et conséquences.
Sur le terrain, l'arrivée en masse des enfants d'une première génération (parfois d'une deuxième voire d'une troisième) ayant elle(s) même(s) déjà été "éduquée(s)" selon ce nouveau "dispositif éducatif" donne toute la mesure du changement qui s'est opéré progressivement, en fait depuis les années 60, et confirme pleinement un diagnostic pour le moins alarmant.
Tandis que simultanément l'école était systématiquement renvoyée par le politique, et s'enfermait elle-même, sur ses problématiques internes, certes réelles, mais tellement éloignées des enjeux de civilisation qui devraient être au coeur du débat politique sur l'éducation, et non pas sur l'école.
La prise de parole de François Hollande, rendant hommage au premier jour de son quiquennat aux lois scolaires de Ferry pour confirmer la priorité qu'il veut donner à l'éducation, donne de son côté toute la mesure de la schizophrénie de la pensée politique sur l'école. Glorifiée pour la transmission des valeurs dont elle a la charge, dans le même temps l'école n'est sollicitée en réalité que pour garantir l'acquisition d'un "socle de compétences" implicitement mais ostensiblement ramené aux contingences de "l'employabilité" de ses futurs dipômés (ou pas, ...d'ailleurs).
Schizophrénie... et donc incohérence, inadaptation et inefficacité depuis 50 ans au moins ! (François Hollande n'est pas plus coupable que tous les autres.)
Il y a je crois, à l'origine, un refus de penser politiquement l'éducation. C'est à dire un refus du débat et de l'affontement politique sur le thème de l'éducation, et une esquive en forme de repliement dilatoire sur la problématique ou les problématiques de l'enseignement scolaire... c'est à dire un repliement sur la technique. Et l'entretien discursif d'un amalgame coupable entre école et éducation... pour donner le change.
C'est que, penser politiquement l'éducation induit une radicalité probablement difficile à "vendre", probablement inaudible en contexte.
Sauf que...
Alors il faut je crois commencer par l'analyse de ce "dispositif éducatif" selon lequel arrivent maintenant sur les bancs des écoles des enfants de parents incompétents parce que disqualifiés, face à des enseignants eux-mêmes disqualifiés, par leur commanditaire, l'état, qui leur fixe une mission inadaptée à la situation, et donc eux-mêmes et à leur corps défendant incompétents.
Au bénéfice de cette analyse, qui reste à qualifier, peut-être pouvons-nous imaginer qu'il revient à la puissance publique, en charge de l'intérêt général, de faire face. Et donc à ceux qui ambitionnent de la piloter, d'élaborer et de pédagogiser politiquement une projection et une stratégie. Encore faut-il qu'ils fassent et actent ce diagnostic de l'incompétence des deux piliers traditionnels de l'éducation, aujourd'hui mis en échec et marginalisés en périphérie du "dispositif éducatif" par l'omnipotence en son coeur du consumérisme et du marketing.
Autrement dit, le problème n'est pas l'école, ni dans l'école.
Mais l'école en tant qu'outil éducatif de la république est peut-être la solution, sous réserve que l'on veuille bien considérer, à l'aune de ce qui fut fait au début de la troisième république, l'ampleur du défi à relever et la réalité de la mission qui doit lui être confiée.
Et pour mieux y revenir il faut donc cesser de parler de l'école, s'arracher du cadre restreint dans lequel elle enferme le ministère de l'éducation nationale.
Il faut donner à ce ministère toute l'ampleur qui doit être la sienne, à la mesure du chantier d'urgence et immense qui doit être entrepris.
 
Sacré défi... l'hypothèse de rétablissement de la semaine de 5 jours est un premier pas indispensable.

L'idée de laisser à l'initiative locale la possibilité de mobiliser pour cela le mercredi matin au lieu du samedi matin anonce hélas déjà le renoncement.
 
(Pour complément : Réhabiliter et réorienter la dépense publiqueEducation nationale : le grand renoncement,  et Sans l'école on ne peut rien... mais l'école ne peut pas tout,  de JG Busy)

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