Vive la fourmi sans conscience ! Au fait qui donnera les coups de pieds dans les fourmilières pour qu’elles s’entretuent ?
Ce 1er octobre 2010, la foule était tellement importante que les deux organisateurs - l’université de Bordeaux 2 et la LDH - ont été obligé de changer, au dernier moment, d’amphi. pour la conférence-débat de Christophe Dejours : « Souffrance et stress au travail, jusqu’où ? » et, malgré tout, des gens sont restés dehors.
Christophe Dejours a dû faire mouche puisque les applaudissements, après 3 heures de conférence-débat, étaient à la limite des rappels. Chapeau professeur !
Nous avons besoin de comprendre, de mettre des mots sur ce que les gens vivent au quotidien et nous défaire de cette pluie de slogans abêtissants propagée en permanence par nos spin-docteurs et nos élites consanguines du Parti de l’Intérieur (« 1984 »), Parti que l’on soutient consciemment et collectivement.
Un maître mot revient « inutilité » créant souffrance. Dans une société apaisée, à l’opposée d’un système totalitaire voire stalinien ou néolibéral, afin d’être reconnu par ses pairs, par le collectif, l’humain a besoin d’être utile pour lui-même, pour ses proches et pour la société.
L’inutilité basée sur du vent est aussi désastreuse que le noir du placard.
Cette « mise au placard » officielle ou officieuse d’hier trop voyante, trop traumatisante, est remplacée, aujourd’hui par des jobs faisant du vent, carrément déconnectés du réel, de la production réalisée par une infime minorité. On va créer de jobs pour espionner et analyser les erreurs de vos collègues. On va créer des jobs qui vous demanderont de chercher des trèfles à quatre feuilles pour faire des statistiques, de bonnes statistiques déjà prévues à l’avance, ou bien souhaitées pour faire plaisir à sa hiérarchie (voir mon billet : Notre « Truman Show » industriel. ).
[ ... Nous sommes dans un monde de remplissage de fiches informatiques, un monde où les salariés passent plusieurs heures par jour à remplir des formulaires creux et débiles – nombres de comprimés donnés à un malade, etc.., où les commerciaux nous disent « si vous ne mettez pas « Excellent » partout sur l’enquête que vous allez recevoir, je suis un homme mort », où nos relations contractualisées, réglementées à outrance bloquent l'initiative, où il faut des liasses de papier pour utiliser un tournevis et surtout pour bien définir qui est responsable du support ou de la vis au cas où l'accident arriverait. Nous sommes dans le monde du nul : zéro défaut, zéro stock, zéro risque et maintenant zéro croissance. On occupe plus de gens pour se protéger, que pour produire et le monde industriel souffre, abreuvé de chiffres, de courbes, de statistiques d'où il ressort que les accidents du travail et les suicides sont en augmentation et que le pouvoir d'achat baisse. ...]
"Dans une confiance retrouvée, il faut recréer de l'enthousiasme".
Certaines entreprises ont compris cela et demande, maintenant, à Christophe Dejours d’étudier avec eux un moyen pour reconnaître - dans le sens reconnaissance - les travailleurs en laissant les Entretiens Individualisés de Performance et les contraintes de « Qualités totales » ubuesques de côté.
Malheureusement, persistant dans la bêtise, d’autres en sont encore aux stages de chatouilles au ventre obligatoires, ou participation au club de rire, à l’épanchement émotionnel, ou encore aux câlineries hypocrites pour rendre les travailleurs heureux avec - n'oublions pas - la fameuse fiche d'évaluation à la fin pour avoir un pin's : "10, si vous êtes très satisfait !".
Ma conclusion, il y a plus de trentaine d'années, « Le malheur de l’homme est de vouloir mettre son bonheur sur cartes perforées d’ordinateur » m’avait valu une sacrée bonne note à mon bac de française. Aujourd’hui, ils veulent vraiment le faire. Ils s’en vont philosopher sur l’intelligence émotionnelle source de progrès pour en faire des critères informatisés.
Hélas, pour eux, la joie, la souffrance, le travail, l’amour ne se mesurent pas. Au mieux, ils en mesurent les conséquences, les divorces, les suicides.
Vous souffrez ? Alors mettez une notre de 1 à 10, merci !
Vous voulez vous jeter par la fenêtre ? Mettez 10 obligatoirement !
Le sens du collectif, l’esprit collectif, l’esprit d’équipe, aux antipodes de l’individualisme suicidaire pour la société, est une autre notion que Christophe Dejours a apportée. Le travailleur était heureux quand dans l’équipe un de ses collègues trouvait une solution, un progrès.
Dans ce monde où l’on taylorise les tâches vous demandant de ne voir que vos oignons, de vous taire sous peine d’être sanctionner ou muter, nous ressemblons à des fourmis sans conscience dans (billet) L' ETRE ENTREPRENEURIAL.
De grâce, écoutez d'abord cette vidéo de 18 mn de Christophe Dejours : N°6 ci-dessous.
Christophe Dejours 1 Le travail
Christophe Dejours 2 La promesse du travail
Christophe Dejours 3 La question de la reconnaissance
Christophe Dejours 4 Les rapports homme-femme
Christophe Dejours 5 La création des règles de métier
Christophe Dejours 6 L'évaluation des performances
Christophe Dejours 7 Penser le travail
Christophe Dejours 8 Ethique et travail
Christophe Dejours 9 Humanité et travail
Christophe Dejours 10 Violence des banlieues, violence du non-travail
Christophe Dejours stress au travail / 1er partie
http://www.dailymotion.com/video/x82e0c_christophe-dejours-stress-au-travai_news
Christophe Dejours stress au travail /2em partie
http://www.dailymotion.com/video/x82ef9_christophe-dejours-stress-au-travai_news
LE SUICIDE AU TRAVAIL - Christophe Dejours (extrait 2mn)
http://www.dailymotion.com/video/xakyt1_le-suicide-au-travail-christophe-de_news
La centralité du travail - Christophe Dejours (10mn)
http://www.dailymotion.com/video/xb0f25_la-centralite-du-travail-christophe_news
Psychodynamique du travail
http://www.dailymotion.com/playlist/x170x8_smithix_psychodynamique-du-travail/1#videoId=xavblx
Références bibliographiques :
DEJOURS, C. (1998) : Souffrance en France. La banalisation de l’injustice sociale, Seuil, Paris.
HIRIGOYEN, M.-F. (1999) : Le harcèlement moral. La violence perverse au quotidien, Presses Pocket, Paris.