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Billet de blog 2 novembre 2015

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La "leçon d'économie" du MEDEF

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« La France vue de la porte de Montreuil, c’est totalement différent de la France vue du reste du monde » proclame Pierre Gattaz. Il suggère que messieurs Martinez et Mailly fassent un voyage en Chine, au Brésil ou même en Allemagne. En réponse à cette volonté de ne pas débattre, nous lui proposons un voyage dans l’histoire, celle de ces cent dernières années avec ses deux dépressions de 1929 et de 2008.

Que nous enseignent aujourd’hui les économistes sur ces crises, et en particulier, Robert Reich, dont je viens de lire le livre "after shock" où il met en parallèle les crises de 1929 et de 2008 ?  Que les années qui ont précédé la première ont été marquées par un très fort creusement des inégalités, livrant à une spéculation boursière improductive des capitaux qui auraient pu être investis avec profit dans l’économie réelle. Encore aurait-il fallu préserver le pouvoir d’achat des classes moyenne et populaire, à l’instar d’Henri Ford, qui invente les lignes d’assemblage, choisit, avec une part des réductions de coût ainsi réalisées, de tripler les salaires de ses ouvriers (1910) et leur permet d'avoir accès à la consommation, vitale pour l'économie capitaliste. Car un modèle basé sur la consommation ne peut vivre que si les travailleurs consomment leur juste part des richesses créées.

La période de 1945 à 1972 est marquée par la rupture avec le modèle économique qui a provoqué la crise de 1929  : la part des salaires croît dans la même proportion que la productivité, assurant ainsi à tous un pouvoir d’achat favorable à la consommation. L’état intervient en favorisant une redistribution des revenus par la mise en place des mécanismes de protection sociale et mène une politique favorable à l’éducation de masse et à la mise sur le marché de travailleurs qualifiés. Ceci est financé par une politique fiscale redistributive : le taux marginal d’imposition aux Etats-Unis va passer de 25% en 1929 à 91% dans les années 50 et va suivre la même tendance dans tous les pays d’Europe occidentale. Ce n’est sûrement pas un hasard si cette période, appelée aux Etats Unis "the great prosperity" et en France "les trente glorieuses",  est marquée par une prospérité retrouvée dont profitent toutes les classes de la société.

Au début des années 80, Reagan et Thatcher rompent avec ce modèle : les salaires stagnent au profit des dividendes et les inégalités recommencent à croître. Les causes qui avaient provoqué  la crise de 1929 produisent les mêmes effets aujourd’hui : selon Robert Reich, les mécanismes qui permettaient aux classes moyennes de soutenir leur niveau de vie et par conséquent leur consommation ne peuvent plus endiguer l'appauvrissement général : les salariés ont, dans un premier temps, pallié au déclin de leurs ressources en travaillent davantage, mais les journées n'ont que 24 heures. Ensuite, les femmes américaines, qui, dans leur grande majorité, ne travaillaient pas, se sont mis à occuper des emplois plus ou moins qualifiés afin d'apporter un revenu d'appoint : en 1960, 12% des femmes ayant des enfants de moins de six ans travaillaient ; à la fin des années 1990, elles étaient 55%. Enfin, lorsque les heures supplémentaires se sont révélées insuffisantes, les ménages ont commencé à emprunter. Ainsi, depuis une vingtaine d'années, la consommation ne peut se soutenir que par un endettement massif des citoyens, que va favoriser la finance, car c’est de la survie du modèle qu’il s’agit... Jusqu’a l’éclatement de la bulle ainsi formée en 2008 et le sauvetage des banques par les états qui, curieusement, ne sont censés intervenir que lorsque la finance et le patronat leur tendent la sébile pour que l'argent du contribubable corrige leurs erreurs, voire leurs malversations !

On voit aujourd'hui se reproduire les circonstances qui ont mené à la crise de 1929 et, plus récemment, à celle de 2008 : selon Robert Reich, les mécanismes qui permettaient aux classes moyennes de soutenir leur niveau de vie et par conséquent leur consommation ne peuvent plus endiguer l'appauvrissement général : les salariés ont, dans un premier temps, pallié au déclin de leurs ressources en travaillent davantage, mais les journées n'ont que 24 heures. Ensuite, les femmes américaines, qui, dans leur grande majorité, ne travaillaient pas, se sont mis à occuper des emplois plus ou moins qualifiés afin d'apporter un revenu d'appoint : en 1960, 12% des femmes ayant des enfants de moins de six ans travaillaient ; à la fin des années 1990, elles étaient 55%. Enfin, lorsque les heures supplémentaires se sont révélées insuffisantes, les ménages ont commencé à emprunter en hypothéquant leur maison. Lorsque l'immobilier a chuté, beaucoup d'américains ont été incapables de rembourser leurs emprunts et cela a provoqué la crise des subprimes.

En 2015, non seulement on n'a tiré aucune leçon de ces deux crises, mais la façon dont la deuxième a été traitée a aggravé les inégalités responsables de la crise économique : aides accordées au système bancaire, dans le même temps où les lobbies financiers s'opposaient à toute aide aux particuliers touchés par la crise, politiques fiscales frappant lourdement les ménages alors que les entreprises bénéficient de cadeaux fiscaux sans précédent et que la taxe sur les transactions financières n'a pas encore vu le jour (merci monsieur Hollande !), évasion fiscale encouragée par les états, politiques de précarisation de l'emploi tarissant le vivier des contrats à durée indéterminée au profit de contrats courts et de boulots mal rémunérées (le summum étant en Grande Bretagne avec les contrats zéro heures), tout contribue à ce que le fossé entre la classe possédante et les salariés se creuse encore . Les circonstances "crisogènes" s'étalent encore dans les journaux, plus évidentes que jamais.

Alors il n’y a pas besoin d’être Thomas Piketty pour comprendre que les mêmes causes provoquant les mêmes effets, l’accroissement démesuré des inégalités nous conduit droit à une nouvelle crise, qui sera d’autant plus grave et incontrôlée que nous sommes incapables de remédier à l’inégalité croissante. Quand, pour justifier ces inégalités, on nous fait croire que ces joueurs de casino boursier méritent leurs prises de bénéfices parce qu’ils seraient utiles à l’économie et que leur enrichissement profiterait à tous (théorie du ruissellement), ceci n’est qu’une imposture.

Au lieu de vouloir nous emmener à Shanghai , à Palo Alto ou à Düsseldorf, que monsieur Gattaz lise Médiapart : il y apprendra que la Chine — ce « modèle » de travailleurs-esclaves déportés des campagnes — est en pleine phase de ralentissement économique (PJ1), que le Brésil commence à être rattrapé par le problème de la dette (PJ2), que la gestion de madame Merkel est, aux dires mêmes des économistes allemands, « la gestion d’un déclin » démographique et économique.  La façon dont la prétendue "élite"mène l'économie mondiale et les conséquences qui risquent de s'en suivre la disqualifie pour nous donner des leçons d'économie !

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