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Billet de blog 18 novembre 2009

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A Dijon, Ségolène se fout royalement de l'école, alors parlons-en!

Vincent Peillon, en organisant ce 14 novembre, ses premières « Rencontres du Rassemblement » sur le thème de l'éducation, avait espéré non seulement centrer l'attention des medias sur la question de l'Ecole mais aussi en faire le socle d'un contrat commun entre « Verts, Socialistes et Démocrates ». Par son attitude, Ségolène Royal a fait le choix d'abandonner toute réflexion sur ce thème au profit de la recherche d'une lumière pâle centrée sur elle-même. Laissons là glisser vers l'ombre et discutons des propositions faites par Vincent Peillon.

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Vincent Peillon, en organisant ce 14 novembre, ses premières « Rencontres du Rassemblement » sur le thème de l'éducation, avait espéré non seulement centrer l'attention des medias sur la question de l'Ecole mais aussi en faire le socle d'un contrat commun entre « Verts, Socialistes et Démocrates ». Par son attitude, Ségolène Royal a fait le choix d'abandonner toute réflexion sur ce thème au profit de la recherche d'une lumière pâle centrée sur elle-même. Laissons là glisser vers l'ombre et discutons des propositions faites par Vincent Peillon.

On ne peut pas évoquer la question de fond, les six propositions d'Espoir à Gauche (EAG selon le sigle utilisé sur le site), sans d'abord regarder la méthode d'un peu plus près.

Le rassemblement a pour ambition de construire un projet gouvernemental pour une autre France que celle de Nicolas Sarkozy. L'anti-sarkozisme est le moteur sur lequel on essaiera donc de placer quelques pièces rattachées programmatiques pour donner l'air d'une voiture de courses. L'essentiel se jouera certainement dans les réglages d'appareils entre le Modem, le PS non-institutionnel, les Verts et des communistes plus vraiment PCF. Cela ressemble fort au centre gauche italien.

La journée a réuni femmes et hommes politiques, spécialistes et polémistes de l'Education et a abouti à un texte largement préparé avant. L'élaboration du projet faite en « concertation avec les syndicats de personnels, les grandes associations d'éducation populaire, les fédérations de parents d'élèves, les représentants des collectivités locales... » révèle un défaut. Je ne fais pas référence « aux citoyens et aux citoyennes » qui, évoqués dans la suite de la phrase citée au-dessus, étaient appelés à participer, à laisser leurs contributions sur le site internet dont on peut lire la synthèse. Que pouvait-on attendre de ce mode de consultation ? Une modification majeure du projet ? On ne peut pas l'affirmer quand on compare les propositions mises au débat et les propositions finales. Un moyen d'observer l'impact des propositions ? Mais comment juger de cet impact, si on ne connaît pas l'origine et le contexte du commentaire ?

Ce qui fait défaut à l'élaboration du projet, ce sont les enseignants. Un reflex corporatiste de ma part ? Non, simplement pragmatique. Je suppose que par ce projet, Vincent Peillon s'attend de rallier et mobiliser les enseignants et, en cas de victoire en 2012, à voir ce programme appliqué sans heurt. Or, ce n'est pas avec les syndicats qu'il pourra atteindre totalement cet objectif. Les évènements passés l'ont montré. Le caractère aléatoire de la réussite des mobilisations est le signe du déphase entre les « élites » syndicales et l'instit et le prof de base. Xavier Darcos a, plus qu'aucun autre, joué de cet écart que nul n'imaginait aussi important. On se rappelle, à l'annonce des réformes, un Darcos maîtrisant son affaire, futur premier ministrable. Puis une mauvaise passe en décembre-janvier. Ce sont les lycéens, la naissance d'un mouvement de désobéissance motivé par le lien fait entre suppression des RASED et aide personnalisée, la mobilisation de parents contre les évaluations CM2 et le mouvement des universitaires qui permettent les mobilisations. Quatre mouvements, asymétriques, hors du champ syndical. De fait, les « grands rendez-vous », qui ont marqué un « retour » des syndicats , « ma grève est-ce que tu la vois », n'ont en fait qu'accompagner cette agitation scolaire, voire l'ont canalisé ; ce qui conclut cette séquence, c'est l'accentuation de l'éloignement au vu de l'incapacité des syndicats à mener à des résultats. L'idée selon laquelle les syndicats n'ont aucune utilité sur l'action du gouvernement devient la règle dans le métier bien que cela ne reflète pas entièrement la réalité du travail syndical.

Le « Rassemblement » devra donc employer d'autres moyens pour toucher le « cœur de cible » avec ses propositions sur l'Education. D'autant que certaines d'entre elles sont délicates.

Si dire que les propositions du « Rassemblement » sont celles de Vincent Peillon est un peu forcé, dire qu'il n'y a pas un forte touche personnelle serait injuste envers le député européen car on retrouve des traces de ces propositions dans ce livre.

Voici le document de synthèse concluant le rendez-vous de Dijon.

Un nouveau contrat entre la Nation et son école

Cela semble incontournable et sera défendu par tous les candidats à la présidentielle de 2012. la Lettre aux éducateurs de Nicolas Sarkozy en porte encore la trace. « La nation doit [aux enseignants] une reconnaissance plus grande, de meilleures perspectives de carrière, un meilleur niveau de vie, de meilleures conditions de travail ». Il faisait de la revalorisation du métier « l'une des priorités de [son] quinquennat ». Celle-ci passait par une plus grande liberté pédagogique par rapport aux programmes, moins d'heures de cours. Bref, il s'agit bien du discours incontournable pour qui veut aborder des enseignants dont la plupart estiment qu'ils sont rétifs à toute réforme.

Des efforts financiers consentis, et garantis dans la durée, allant de pair avec l'amélioration du fonctionnement de l'école

C'est la conséquence logique de ce qui vient d'être dit et de l'année écoulée. Il est difficile de faire des réformes structurelles de l'Ecole si l'on donne l'impression, parfois vraie, que l'objectif n'est que budgétaire. Vouloir désamorcer la question des moyens est le signe de la gêne que cause la question de l'Ecole à la gauche. Si l'on considère qu'une victoire de la gauche ne peut passer sans rassembler ses électeurs naturels qui ont tendance aujourd'hui à fuir, que toutes les statistiques scolaires indiquent que des changements sont nécessaires et qu'il existe une hostilité supposée naturelle des enseignants au chargement, on obtient une gauche prudente, méfiante et dans l'embarras. L'hypothèse du Rassemblement est d'évacuer la question des moyens. Au vu des réductions jusqu'en 2012, faire mieux ne devrait pas être difficile. Qui sera contre un peu plus de moyens après la razzia sarkozienne qui inquiète même dans les rangs de l'UMP ?

Le métier d'enseignant doit évoluer

L'analyse générale qui est conduite sur l'école est simple. Les difficultés scolaires sont liées en grande partie au contexte social sur lequel l'école n'a que peu de prise (la fameuse panne après la démocratisation du système). Alors, il faut remplacer du temps sous la responsabilité des parents par un temps sous la responsabilité de l'Etat, des collectivités et des associations. Pour ce qui concerne les enseignants, il s'agit d'institutionnaliser des moments d'accompagnements des élèves (tutorat, soutien scolaire, concertation avec les élèves, les familles et les professionnels de l'enfance..) et donc d'inscrire dans le temps de travail des heures à faire.

Je crois qu'il y a une erreur à vouloir quantifier le travail des enseignants car, soit le nombre d'heures prescrit pour, par exemple, recevoir les parents ne sera jamais suffisant et les enseignants feront plus, soit ce nombre sera un frein à l'exercice complet du travail à faire dans une logique du « j'ai fait mes heures ». Qu'une part du travail soit à faire in situ hors de la classe et dans l'établissement, cela s'entend. Mais il ne faut pas oublier que les enseignants sont des cadres supérieurs qui doivent être responsables de la gestion de leur de temps travail. L'augmentation de salaire souhaitée par Vincent Peillon doit porter justement sur ce point. Il doit être un forfait qui reconnaît l'ensemble des missions hors des cours, missions qui ne doivent pas être quantifiées en heures mais de manière qualitative.

Cependant, on rencontre là une difficulté particulière de l'Education en France. Le clivage premier et second degré avec, en ligne séparative, l'enseignement obligatoire, qui s'arrête à la moitié du parcours de second degré. La réponse ne saurait être la même pour l'institutrice et pour la professeure.

Le projet, sur l'évolution du métier aborde rapidement une refonte de la formation. Là encore un incontournable après Sarkozy, revenir sur la perte de l'année de stage en alternance.

Réaménager de façon concertée et puissante (et différenciée en fonction de l’âge des élèves) les temps scolaires

C'est la réforme qui se fera nécessairement, quel que soit le gouvernement, même sarkoziste, en 2012. L'absurdité actuelle est mortifère. Par contre la chose ne sera pas facile. Les obstacles sont nombreux et je les connais bien pour les pratiquer depuis deux ans.

Les communes ont beaucoup essuyé les plâtres lors des dernières réformes et la suppression de la taxe professionnelle ne leur permettront pas de se mobiliser dans une réforme où elles devront mettre la main à la poche en organisant et finançant le temps péri-scolaire. Les parents n'accepteront aucun changement si cela doit priver leurs enfants des activités extra-scolaires (avec école le mercredi matin) et/ou rallonger le temps de classe par une garderie d'inactivité faute de personnels qualifiés. Les enseignantes, enfin, accepteront mal de perdre ce temps privilégié du mercredi avec leurs enfants.

Pour y parvenir, il faudra de la méthode et commencer immédiatement comme le propose les désobéisseurs. Ensuite, parmi les revalorisations financières évoquées, il faudra mettre en place de larges dispositifs tel que l'accès aux tickets chèque emploi service pour dégager les enseignantes des contraintes familiales quotidiennes et dégager ce temps nouveau. Enfin, il faudra créer, au niveau des intercommunalités, des villes, des agences pour l'animation auprès des enfants (ou des sociétés d'économie mixte). Ainsi, l'Etat, les communes, voire parents d'élèves, contribueront à l'emploi d'assistants d'éducation chargées d'intervenir pendant le temps scolaire et hors du temps scolaire. Les participations de chacun seront variables au prorata du temps effectué sous la responsabilité de l'Etat ou de la commune. Cette nouvelle structure, prestataire de service, permettra aussi à l'Etat, voire aux collectivités, de compenser des inégalités territoriales en investissement plus, là où le besoin se fait sentir. C'est une réponse aux questions soulevées par un rapport de la Cour des Comptes sur les communes et l'école de la République. Cela réglerait aussi la question des contrats précaires dans les écoles, puisque les personnes pourraient obtenir un CDI à temps complet sur plusieurs missions, notamment pour l'accompagnement des élèves handicapés. Ces structures pourraient devenir des centres de formations pour tout ce qui concerne l'animation autour de l'enfance.

L'aménagement du temps scolaire est donc une réforme majeure de l'école mais une des plus complexes.

Refonder une véritable continuité éducative

« Mise en place d'un service public de la petite enfance adossé aux premières années de l’école primaire (petites sections de maternelle) avec éducateurs et enseignants communs ;

- Un effort particulier devra être fait pour l’école primaire afin de permettre à tous les enfants d’entrer au collège dans les meilleures conditions possibles ;

- Réforme du collège avec des enseignements regroupés par champ de connaissance avec un petit nombre d’enseignants en 6e et 5e ;

- la valorisation de méthodes pédagogiques propres à promouvoir toutes les intelligences et tous les talents. »

Avant le service public de la petite enfance, le congé de maternité devra être porté à un an afin, et c'est paradoxal, d'augmenter le taux de reprise d'activité des femmes. Cela n'est possible que si un service d'accueil collectif de qualité est crée. Le plus étonnant dans la réforme des « jardins d'eveil » de Nadine Morano, c'est sa justification. Il faudrait créer une autre structure d'accueil pour les deux ans car l'école n'est pas adaptée du fait du grand nombre d'enfants dans les classes (cf les taux d'encadrements). Pourquoi ne pas mettre à disposition des personnes des jardins d'éveil, qui sont dans les locaux de l'école, dans les classes pour faire classe, en équipe avec l'enseignante, le matin et faire faire la sieste l'après midi (pour les plus petits) pendant que l'enseignante va sur une autre classe en renfort ?

La généralisation de l'accueil des deux ans à l'école peut devenir une solution à condition qu'il s'agisse solution couplant des traits de la crèche, en terme d'encadrement, et de l'école en terme d'objectif d'apprentissage.

L'expression « d'effort particulier » à faire pour le primaire est très vague. Est-ce un retour des CP renforcé, des RASED, une baisse du nombre d'élèves par classes dans les zones à besoins ?

Pour le collège, j'avoue qu'il s'agit là d'une idée qui rencontre chez moi un certain écho. Puisque le collège est tiraillé entre l'école obligatoire du type primaire et le secondaire du type lycée, il faut faire un choix. Trois possibilités : primariser le collège, faire un examen d'entrée discriminant ou le couper en deux, une partie pour chacun. Si on réduit le nombre d'enseignants en 6e et 5e par la prise en charge de pôles d'enseignements (scientifiques incluant maths, SVT et physique par exemple), on peut abaisser le taux d'encadrement en 4e et 3e en mobilisant les enseignants dégagés des classes de deux premières années du collège.

Le dernier point ne peut faire l'objet d'aucune discussion tant il est bateau. Toutefois, la création d'un site internet regroupant des travaux particulièrement intéressants des enseignants mis à disposition des autres enseignants, serait une innovation pas inutile du tout tant l'outil informatique est devenu primordial dans la construction des séances d'apprentissages.

On le voit, il y avait bien d'autres choses à faire et à discuter pour Ségolène Royal en venant à Dijon. Elle a fait le choix de la manœuvre politique la plus vide qui soit au lieu de choisir de proposer des idées pour l'Ecole. C'est même à se demander si sa sortie la veille sur l'avortement n'était pas sans lien avec le rassemblement de Dijon.

Cachant le débat qui aurait pu naitre autour de l'Ecole, au lieu de le susciter, elle a fait une grave erreur politique. J'espère que chacun lui en tiendra rigueur.

Débattre des idées avancées, c'est ce que, modestement, bien que ne partageant pas le choix de Vincent Peillon sur la stratégie du "Rassemblement", je me suis efforcé de faire.

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