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Billet de blog 16 février 2015

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L'origine des animaux.

Un inconvénient de la recherche est que l’on est parfois dépositaire d’une connaissance nouvelle, de longs mois ou même des années avant tout le monde. Cette situation, souvent jouissive, se révèle un peu gênante quand on tient un blog réputé fournir de l’information en flux tendu.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Un inconvénient de la recherche est que l’on est parfois dépositaire d’une connaissance nouvelle, de longs mois ou même des années avant tout le monde. Cette situation, souvent jouissive, se révèle un peu gênante quand on tient un blog réputé fournir de l’information en flux tendu. Ici-même, j’ai depuis un an présenté des films du développement animal, en prenant le plus de précautions possibles pour cacher la vérité, laquelle n’a été publiée que ce matin (1), et fait l’objet d’un communiqué de presse du CNRS (2). L’origine des animaux est enfin connue. Par animaux, j’entends ceux qui nous intéressent : les chats, les chiens, les lapins, les humains. Les résultats récents expliquent peut-être l’origine d’autres animaux aussi, mais n’allons pas trop vite. Commençons par les plus simples, on verra pour la mouche ou l’escargot un peu plus tard.

Par origine, j’entends le mécanisme dynamique, reposant sur les premiers principes de la physique, qui explique comment ils se forment, et pourquoi cet univers en contient. Cela n’est évidemment contradictoire ni avec l’évolution darwinienne, ni encore moins avec la génétique, ni avec la biologie en général. Cependant, de même qu’on ne peut pas comprendre la dynamique des rivières en analysant en détail les protons et les neutrons dans les molécules d’eau de la rivière, on ne peut pas comprendre la formation des animaux en analysant les protéines produites par le génôme. L’explication de l’origine des animaux se situe à un niveau supérieur du formalisme, de même que l’équation de Navier-Stokes pour les rivières se situe à un autre niveau que les protons et les neutrons dans les molécules d’eau. L’équation de Navier-Stokes n’est pas contradictoire avec la physique nucléaire, elle s’en passe. Et si une rivière donnée peut être là où elle est par hasard, le concept de rivière non. L’origine des animaux est un phénomène émergent, ayant lieu « à la limite du continu », c’est-à-dire dans une masse considérée comme une pâte. Les animaux que nous connaissons se forment à partir d’une masse de quelques milliers de cellules, et de quelques millimètres de diamètre, se présentant comme un « tissu ». Dans cette masse, les cellules n’ont aucun projet individuel. Le problème doit-être traité à l’échelle de cette « pâte ».

L’origine des animaux est donc la suivante, et elle contient 3 ingrédients qui sont autant de vraies « découvertes » ayant permis la publication de cet article, et la publicité qui en est faite.

La formation du prototype ou, si l’on veut, de la « maquette » d’un animal comme un vertébré a lieu en une seule étape constituée par une grande traction d’une galette molle, le long de l’axe médian, qui sera le futur axe « tête-queue » de l’animal. Le mouvement qui fabrique les animaux est essentiellement celui qu’on voit dans ce film :

Premier ingrédient : nous avons découvert que la galette molle initiale, à partir de laquelle les animaux sont faits, n’est pas homogène ; cependant son organisation est simple. Elle est constituée d’anneaux concentriques presque réguliers (ils sont un peu plus larges vers l’arrière). Tels des cernes d’arbres, les animaux ont, avant leur morphogénèse, une structure ronde, contenant quatre anneaux.

Un aspect très important et qui était jusqu’ici passé inaperçu, est que les tailles de cellules varient de façon régulière, mais en « marches d’escalier » du centre vers la périphérie. La photo ci-dessus montre la « blastula » d’un poulet avant la formation proprement dite du poulet. Les animaux, à ce stade, sont des sortes de mastabas ou tours de Hanoï très plates, et rondes (bien entendu).

Les différents étages, ou plateaux, sont constitués de cellules différentes, que nous avons pu photographier et filmer in vivo pendant la morphogénèse. La photo ci-après montre quatre clichés pris dans chacun des anneaux.

On doit donc effectivement observer l’échelle cellulaire, mais pour en déduire que de part et d’autres des frontières entre domaines,  le tissu (la pâte vivante) est à peu près homogène, l’inhomogénéité « se réduit », à une succession de compartiments ou plateaux en « poupées russes ». Le fait réellement important est donc l’existence de « marches » entre ces domaines de cellules formant des anneaux.

La photo suivante montre le poulet pendant sa formation, tandis qu’il est étiré vers l’arrière, il existe une structure en poupées russes, avec des « bandes » de cellules variant en tailles, assez régulièrement, à la précision des mesures près : 5-10-15-20 micromètres. Ces marches sont pratiquement visibles à l'oeil nu dans la densité (plus ou moins de blanc) de l'embryon.

Les plis que l'on voit dans le premier film de ce billet, ont lieu exactement aux frontières entre les types cellulaires, visibles d'ailleurs dans la densité de l'embryon (les cellules plus petites et plus serrées forment des zones plus blanches, un peu comme l'œuf battu en neige devient blanc).

Cependant, du fait que les cellules sont différentes, les forces exercées par ces cellules sont différentes, et les propriétés physiques de ces anneaux sont différentes. Comme les cellules ne tirent pas avec la même intensité, au début de la morphogénèse, l’anneau de grandes cellules situées au bord roule initialement contre le disque central de petites cellules, ce qui cause l’engouffrement d’une partie des cellules par le futur anus (chose que j’ai déjà racontée ici : http://blogs.mediapart.fr/blog/vincent-fleury/031114/festival-de-films-anals ). Le film de l’engouffrement ci après :

montre que la structure en anneaux concentriques n’est pas modifiée par cet engouffrement. En gros, tandis qu’une sorte de tectonique des plaques a lieu sur le bord de l’anus qui enroule la surface vers l’intérieur, les cellules qui tournent autour du trou conservent un emboîtement de petites cellules au centre, puis des plus grosses, puis des encore plus grosses, puis des cellules géantes.

Cependant, les cellules entrées par le trou anal, tirent sur la surface ce qui provoque une pliure de la surface. Ceci constitue le 2e ingrédient : la surface est étirée par les cellules qui passent en dessous, et elle plie comme lorsqu’on tire sur un pull-over, ou un gant en caoutchouc. C'est ce qu'on voyait dans le premier film de ce billet.

Le 3e ingrédient (le plus important) est que, lorsque la surface est étirée, elle plie EXACTEMENT aux limites entre anneaux de tailles de cellules différentes. Ce phénomène simplissime, et extraordinaire à la fois, est la véritable origine des vertébrés. L’origine des animaux n’est pas dans le fait qu’ils digèrent, ou qu’ils aient des nerfs ou qu’ils aient du muscle. Elle est dans le fait que les tissus plient exactement aux limites entre le tissu digestif et le tissu musculaire, entre le tissu musculaire et le tissu nerveux etc.

Les animaux sont, certes, des « formes » complexes, mais organisées à l’intérieur en compartiments : un compartiment nerveux, un corps autour, un compartiment digestif dedans. Cette merveilleuse et cohérente organisation est rendue possible par l’existence d’un phénomène physique simple qui permet de transformer en une seule étape des anneaux concentriques en un archétype d’animal ; ce fameux archétype qui est présent dans l’œuvre de Darwin comme dans celle de son principal détracteur à l’époque, le paléontologue Richard Owen. L’archétype est un animal organisé « de base » dont personne ne sait d’où il sort, ni comment il se fait, mais qui est à l’origine de tous les autres. Pour Owen, il existait une force formatrice naturelle, poussant la nature à s‘organiser, et notamment à fabriquer des archétypes.

Pour Darwin, il existe quatre plans d’organisation d’animaux, comme celui des vertébrés, dont l’origine lui est inconnue. Ensuite, les animaux s’obtiennent les uns à partir des autres par des croissance des parties de l’archétype. Il existe donc un vide conceptuel, pour autant qu’un vide existe, entre une masse informe de cellules, et un animal organisé : comment obtient-on le premier animal, dans chaque lignée ? Si les ancêtres des vertébrés remontent par récurrence descendante vers un archétype d’animal, ancêtre de tous les autres, quel phénomène discontinu produit ce premier animal, puisqu’il faut bien arrêter la récurrence quelque part ? Comment se fait-il que cet animal soit d’emblée organisé (par définition d’un animal)?

La réponse donnée par l’article est qu’il existe bien un phénomène physique, à l’échelle du tissu, capable de transformer une masse ronde de cellules (à condition qu’elle soit organisée en une succession d’anneaux), en une sorte de petit poisson, présentant une structure interne, et cette structure interne sera naturellement cohérente avec sa forme extérieure. L’évolution se chargera de transformer en un chat ou un humain cet archétype, en modifiant ultérieurement les parties.

Ce phénomène est global, rapide et « unique » au sens où il traite l’ensemble des compartiments de l’animal d’un seul coup. Il s’agit du « pliage » d’une feuille dans laquelle figurent des lignes de discontinuités de propriétés physiques (en l’espèce d’élasticité). Ce phénomène est par exemple visible aux manches de chemise, qui plient au raccord entre le poignet de la manche plus dur, et le tissu de la manche, en général plus mou. Une façon simple de reproduire ce phénomène est de poser une étiquette sur une feuille de caoutchouc et de tirer dessus : on voit la zone plus dure de l’étiquette s’enrouler, et les plis du caoutchouc subir une sorte de réfraction et faire le tour de la zone dure.

Ainsi, la zone dure et la zone molle seront physiquement séparées, dans un objet 3D, la zone dure formant un tube à l’intérieur de la zone plus molle. C’est ce phénomène qui est à l’origine des animaux de la lignée des vertébrés. Une vidéo vous le montre mieux, ici  http://youtu.be/GSfZZQZ1384. Dans le véritable animal le pli a lieu exactement à la frontière entre petites et grosses cellules, comme on peut le voir dans la photo ci-dessous (le terme "fold" signifie pli : le pli est exactement sur le trait de la frontière)..

Le travail présenté révèle et clarifie incidemment plusieurs dimensions du problème. Tout d’abord, les animaux « informes » sont de simples rondelles, contenant néanmoins des anneaux effectuant des activités physiologiques différentes : un anneau est plutôt nerveux, un autre plutôt musculaire, le troisième plutôt digestif, et le dernier, chez le poulet, fabrique le principal organe extra-embryonnaire, équivalent du placenta, mais qu’on appelle sac vitellin chez les oiseaux. Dans le principe, on pourrait imaginer que cet « animal » en forme de disque, reste ainsi : il pourrait manger un peu par l’anneau du bord, penser un peu par le disque le plus central, se déplacer un peu avec l’anneau intermédiaire.

La configuration pliée, qui est l’animal au sens habituel, avec ses compartiments répartis tout autrement, est intrinsèquement liée à la pliure le long des « nez » des marches circulaires. Les plis envoient  ou projettent le disque sur la forme de l'animal organisé.

La force qui exerce la pliure n’est en réalité pas importante : les expériences montrent qu’une force, même mal ajustée, provoque les mêmes plis, car la démarcation des frontières entre zones dures et molles est la véritable information nécessaire à la fabrication de l’animal. On remarquera également que cette information est en fait très réduite, et c’est le phénomène physique de pli qui constitue l’algorithme pour former un animal à partir du « plan ». Car il existe effectivement un plan : l’animal avant les plis. L’animal final est « codé » par les lignes de discontinuité, et l’algorithme de décodage est le mécanisme de plis élastiques (flambage ou « buckling »).

Le travail présenté révèle que la « flèche » de différenciation est radiale, du centre vers le bord, comme dans les cernes d’arbres, et que les premières différenciations cellulaires sont associées de facto à une variation de la taille des cellules, et donc, de facto, à une variation de propriétés physiques, qui vont localiser exactement les plis. Que la flèche de différenciation se traduise par une succession d’anneaux n’est pas étonnant : c’est la séquence de différenciation la plus simple que l’on puisse imaginer. Les films présentés dans l'article montrent le développement de l’embryon, entre le stade « rond » et le stade « petit animal », avec pour la plupart, la résolution cellulaire. On voit les domaines de cellules de tailles différentes se propager et les plis se former exactement sur les frontières entre domaines.

Pendant la traction, les frontières entre domaines cellulaires sont déformées et acquièrent à grande échelle un patron (« pattern ») de « cacahuètes » ou de « grands 8 », résultat déjà publié vers 2005-2006. Cette dynamique explique le cintrage au niveau de la ceinture, et les grosseurs des fesses et des épaules.

Des expériences complémentaires sont nécessaires pour (se) convaincre que ce phénomène est bien physique. C’est pourquoi nous avons utilisé des petits râteaux, permettant de saisir les embryons et de les faire plier et déplier à volonté. Ceci montre que les plis sont bien « gravés » dans la texture : l’embryon plie toujours pareil, au même endroit. On pourrait peut-être utiliser des râteaux comme ça pour reproduire artificiellement la morphogénèse de certaines parties du corps.

Enfin, en relaxant la tension existant dans les œufs, et dont j’ai parlé ici http://blogs.mediapart.fr/blog/vincent-fleury/050914/des-oeufs-au-carre on provoque un pli des embryons par anticipation. On peut ainsi faire prendre la forme de son corps à un embryon, deux jours avant la morphogénèse naturelle. La fome des animaux est donc latente dans la « blastula », même quand elle est plate. On comprend ainsi, de suite, qu’en modifiant légèrement les facteurs de la dynamique « on » formera des animaux plus ou moins différents, en particulier des animaux plus ou moins allongés.

L’analogue élastique montre une façon simple d’établir un organisme avec des plis dorsaux. Cependant, si on tire un peu plus fort sur la feuille de caoutchouc, on voit apparaître spontanément, sur les côtés du « système nerveux » ce qui semble être les précurseurs vertébraux.

Ainsi, en tirant simplement sur une feuille de caoutchouc, on forme d’un seul coup le plan d’ensemble d’un embryon de poulet à environ deux jours de développement ! Le couplage entre la biochimie et la mécanique fait l’objet des prochains travaux sur ces questions.

Ces travaux ont des applications assez directes en médecine régénérative. En effet, nos collègues qui essaient de cultiver des morceaux d’organes observent souvent la croissance de rondelles, qui spontanément se différencient en motifs ayant des anneaux concentriques, et parfois même ces rondelles plient spontanément sans qu’on sache trop pourquoi. La mécanique observée « in vivo » des blastulas permettra sûrement de mieux comprendre les cultures in vivo d’organes ou de morceaux d’organes de remplacement.

En résumé, cet article démontre qu’il existe un plan pour la formation des vertébrés, codé dans de simples lignes, en petit nombre, et qu’il existe une sorte d’algorithme physique extrêmement robuste, pour décoder ce plan et en faire facilement, directement, un animal complet.

Ces travaux ont été réalisés au laboratoire Matière et Systèmes Complexes de l’Université Paris Diderot, au sein de l’équipe Biofluidique (3).

Jean-Loup Duband est biologiste du développement, anciennement à l’Université Pierre-et-Marie Curie, aujourd’hui au centre de recherches de  l’Hôpital Henri Mondor à Créteil.

Nicolas Chevalier est post-doctorant, il travaille sur les premiers stades du développement du système digestif.

Fabien Furfaro est étudiant à l’Université Paris-Diderot.

Ces travaux ont été financés par le CNRS, par l’Université Paris-Diderot, par l’investissement d’avenir « Labex Who am I ? », et par le projet ENSINTED de l’ANR.

 De très nombreux films sont en accès libre sur mon site personnel à l'Université Paris-Diderot à la page :

http://www.msc.univ-paris-diderot.fr/~vfleury/portailembryons0.html

(1) http://epje.epj.org/articles/epje/abs/2015/02/10189_2015_Article_92/10189_2015_Article_92.html

(2) http://www2.cnrs.fr/presse/communique/3903.htm

(3) Ce billet de blog reflète l'opinion de son auteur sur ces travaux.

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