Le nouvel épisode des aventures de Largo Winch, Mer Noire, sort aujourd’hui en librairie et la parution de ce dix-septième opus coïncide avec les vingt ans de la série. Un anniversaire, un événement, des livres.
Retour aux fondamentaux
Largo Winch est né de la plume de Jean Van Hamme et a d’abord vécu une première carrière en romans chez Mercure de France de 1977 à 1980 (réédité en 2008 chez Milady). Le 1er novembre 1990, L’Héritier est le premier album de la série à paraître avec Philippe Francq au dessin. Vingt ans et seize albums plus tard, avant même la sortie de Mer Noire, Largo Winch est devenu un best seller, un héros « bankable ». Plus de 11 millions d'albums vendus dans le monde entier, traduit en 17 langues, un tirage de 470 000 exemplaires pour Mer Noire, et des produits dérivés qui ne finissent pas d’asseoir la réputation justifiée de success story du héros de Jean Van Hamme et Philippe Francq : de nombreux partenariats commerciaux avec de grandes marques, une série télévisée (certes très moyenne), deux longs métrages (dont le premier, très réussi avec Tomer Sisley dans le rôle de Largo Winch, a cumulé plus d'un million sept cent mille entrées en France).

Agrandissement : Illustration 1

Avec Mer Noire, Van Hamme et Francq semblent être revenus aux fondamentaux avec une écriture nerveuse et une action resserrée autour des personnages phares de la série : Largo, Simon, Freddy, Silky Song… L’album s’ouvre sur une lettre du PDG du Groupe W, dans laquelle il explique à ses collaborateurs comment la crise financière internationale a radicalement changé la donne et (après un magistral résumé du mécanisme des subprimes et de ses effets sur l’économie mondiale) quelles sont ses solutions pour maintenir le cap dans la tourmente. Puis vient une scène paisible (en apparence) à Lucerne, en Suisse, pour presque aussitôt basculer sur une double page d’interview dans les pages de l’hebdomadaire Newsweek dans laquelle Largo Winch évoque ses actions pour combattre la crise que son groupe traverse, solutions surprenantes et non dénuées d’ironie : baisse consentie des salaires mirifiques des membres du board, suppression des stocks options, vente du Winch Building, déménagement du siège du groupe à Chicago...
Ce n’est pas la première fois que la série croise au près de la réalité économique pour mieux faire naviguer son héros (sans abuser du vocabulaire maritime) dans les hautes sphères du business et de la finance. Plus d’une fois, au cours des épisodes précédents, les auteurs de Largo Winch avaient démontré que bien loin d’enfermer leur héros dans une « bulle » intemporelle, ils prennent soin au contraire d’ancrer l’action et les personnages dans l’époque en développant des thèmes d’actualité. C’est une fois encore le cas dans Mer Noire.

Promesses tenues
En abordant ce premier épisode, on sait d’emblée que les réponses ne viendront qu’avec le second car chaque aventure est publiée sous forme de diptyque. Mer Noire emporte par son souffle aventureux et captive de la première à la dernière page.
L'album bénéficie d’un montage nerveux avec des ruptures de narration qui intensifient le suspens de page en page. Largo va trouver sur sa route (de Lucerne à Deer Point, Montana et de New York à Trabzon) trafiquants et meurtriers dans le monde du transport de fret, des conteneurs et des secrets qu’ils renferment, sur fond de crise financière et de terrorisme international. Plus encore, l’arrivée de nouveaux personnages ainsi que le retour de figures (et non des moindres) apparues dans des épisodes antérieurs renforcent la construction de l’univers de la série autour du personnage central. Les ressorts qui sont la marque de fabrique des aventures de Largo Winch sont toujours présents : glamour, aventure, rebondissements, amitié, trahisons, arcanes et mécanismes des affaires.
Pour cet opus, l’alternance de dialogues et scènes d’action pure (comme dans cette planche presque entièrement silencieuse, aux couleurs très vives et dont la mise en œuvre a été très difficile aux dires du dessinateur lui-même), avec ce découpage très séquencé permettent à Philippe Francq de s’exprimer pleinement et de laisser éclater sa virtuosité graphique et son sens du détail dans un contexte très urbain. Un récit palpitant qui (dé)multiplie les intrigues jusqu’au cliffhanger. En attendant la fin de l'histoire dans le prochain tome... déjà prometteur. – D. B.

Agrandissement : Illustration 3


Agrandissement : Illustration 4

Mer Noire, Largo Winch tome 17, Jean Van Hamme et Philippe Francq, Repérages Dupuis, 11 € 50, parution le 12 novembre 2010.
Agrandissement : Illustration 5
Pour prolonger cet anniversaire, les éditions Dupuis publient Largo Winch, images en marge, un art-book regroupant vingt ans d'ex-libris, frontispices, croquis et dessins.
Agrandissement : Illustration 6
La série est également éditée en intégrale, dans une édition « gold » limitée en huit diptyques.

A lire également : La Méthode Largo Winch, de Jean-Marc Lainé aux éditions Eyrolles : ouvrage didactique et manuel livrant les clés pour réussir une bande dessinée. Paru le 28 octobre 2010.
Crédits images © Van Hamme – Francq / Dupuis 2010