Rome, 763 Ab Urbe Condita, an 9 après Jésus-Christ. Marcus Valerius Falco est rentré de bataille. Il est aujourd’hui un Préfet de cohorte auxiliaire respecté de ses hommes, mais qui porte non seulement les cicatrices de ses actions au combat, mais aussi et surtout les stigmates de blessures qui ne se referment jamais. Il retrouve son ami, son frère de sang, Ermanamer, barbare chérusque, devenu citoyen romain sous le nom de Gaïus Julius Arminius par la grâce de l’empereur Auguste lui-même.
EnricoMarini est italien, né en Suisse alémanique en 1969. Il est le dessinateur du Scorpion (scénarisé par Desberg), de Rapaces (avec Jean Dufaux) et du Gipsy (avec Thierry Smolderen). Pour sa première réalisation en tant qu’auteur et dessinateur, il a choisi de nous transporter dans la Rome antique. Dans «une Rome authentique» selon ses propres mots. Le livre II des Aigles de Rome nous invite donc à découvrir la suite de la destinée de Marcus et d’Arminius, le Romain et le barbare. Le livre I était une entrée en matière, une exposition, qui pensait et posait les personnages. Qui montrait les fêlures initiales et annonçait les blessures à venir. Loin de les opposer, Marini les réunissait, les unissait même – comme lors de ce pacte de sang –, et les plongeait au cœur de l’histoire de Rome. Et de l’histoire de l’Europe tout entière.
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L’Urbs était absente du premier opus, elle est omniprésente et magnifiée dans le second. Enrico Marini a pris un plaisir certain à exercer ses talents d'illustrateur et de dessinateur en peignant et dépeignant les mœurs, les us, les lupanars, les mariages forcés, les complots et les ego… Les Aigles de Rome, livre II, est avant tout une aventure humaine. Une histoire d’homme. D’hommes que tout séparait et que la citoyenneté romaine, les épreuves et la mort ont rapprochés. Marcus et Arminius sont les symboles de cette Rome, Caput Mundi jusque-là préservée intra muros par la volonté des empereurs qui étendent l’influence de la cité, du Latium aux forêts de Germanie, par les conquêtes, les guerres. Par la force.
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Pour ce second volet, sur les cinq que prévoit l’auteur, Marini explore les sentiments humains, la politique impériale, et les scènes de batailles deviennent anecdotiques. Tout comme les scènes d’amour, ou de sexe plus trivialement. Marini dépeint les mœurs avec justesse, sans gratuité. Le sexe n’est pas un prétexte, il fait partie intégrante de la psychologie des personnages. Sa technique est au service de l’histoire. Ses planches en couleur directe sont autant de peintures, certaines cases sont illuminées, par cette précision dans les traits, les détails vestimentaires, architecturaux. Le trait est plus appuyé que dans le premier volet. Les hommes ont grandi, les dessins se font plus virils. La lumière est un acteur essentiel par ailleurs dans ce second tome. Les éclairages sur les corps sont à couper le souffle. Marini joue avec les formes, les courbes - féminines ou masculines -, avec son dessin sensuel. Les scènes explicites sont au service de la narration, car elles font partie intégrante du modus vivendi des Romains. Hommes et femmes confondus.
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Marini a beaucoup travaillé la précision historique. Inspiré à l’origine par le personnage d’Arminus et la bataille de Teutobourg qui vit les légions romaines de Publius Quintilius Varus piégées par les tribus germaniques, il inscrit les aventures des Aigles de Rome dans l’époque, ancre ses personnages et distille les faits. Ses héros rejoignent l’Histoire. En lisant l’évocation de Marini, on pense à la série de HBO, Rome, qui privilégiait le réalisme plutôt qu’une vision édulcorée, comme celle longtemps donnée par les péplums hollywoodiens. Comme en bédé, d’ailleurs, où l’on compte plusieurs séries très asexuées, à l’opposé des Aigles de Rome de Marini.
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Mais surtout, Marini nous livre une histoire intense, vraie, centrée sur l’amitié entre deux hommes et son évolution. Malgré l’adversité et les rivalités amoureuses, les complots, les trahisons. A cause de leurs origines et de leurs destins respectifs. Une série au souffle héroïque magnifiquement écrite et mise en images.
DB
Les Aigles de Rome, Livre II, Enrico Marini, Dargaud, octobre 2009, 13 € 50.
Prolonger : l’interview d’Enrico Marini lors de son passage à Paris en octobre 2009.