Les cendres du général Bigeard doivent être transférérées prochainement aux Invalides. Après la loi du 23 février 2005 sur la colonisation «positive», après les stèles de Marignane et d'ailleurs honorant la mémoire des membres de l'OAS, cette initiative relève, encore, de la falsification historique, clame un collectif de signataires, dont notamment Raymond Aubrac, Josette Audin, Pierre Laurent, Noël Mamère, Salah Amokrane, Mouloud Aounit, Didier Daeninckx ou Patrick Chamoiseau.
Des lecteurs de Mediapart avaient déjà spontanément protesté contre cette provocation: lire ici la tribune de Roland Rappaport et là celle de Henri Pouillot.
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De son vivant, le général Bigeard a toujours bénéficié de l'admiration des forces politiques les plus réactionnaires et de leur soutien actif. Et voici qu'une année après sa mort, il est de nouveau utilisé pour une manœuvre politicienne, orchestrée par le ministre de la Défense, dont le passé d'extrême droite est connu : le transfert aux Invalides de ses cendres.
Cette initiative est doublement pernicieuse.
D'une part, il y a une certaine indécence à mettre Bigeard au rang d'autres grands militaires qui y reposent, parfois depuis des siècles.
On peut avoir des analyses critiques sur tel ou tel d'entre eux, mais beaucoup mirent leur génie au service de la défense du territoire
français.
D'autre part, et surtout, une telle initiative serait une insulte à divers peuples qui acquirent au prix fort, naguère, leur indépendance.
Ces pays sont libres depuis des décennies, ils ont le plus souvent des relations cordiales avec le nôtre. A-t-on pensé un instant quel signal le gouvernement français s'apprête à leur envoyer ? Est-ce du mépris à l'état pur ou de l'inconscience ?
On nous présente cet officier comme un héros des temps modernes, un modèle d'abnégation et de courage. Or, il a été un acteur de premier
plan des guerres coloniales, un « baroudeur » sans principes, utilisant des méthodes souvent ignobles. En Indochine et en Algérie, il a laissé aux peuples, aux patriotes qu'il a combattus, aux prisonniers qu'il a « interrogés », de douloureux souvenirs.
Aujourd'hui encore, dans bien des familles vietnamiennes et algériennes, qui pleurent toujours leurs morts, ou dont certains membres portent encore dans leur chair les plaies du passé, le nom de Bigeard sonne comme synonyme des pratiques les plus détestables de l'armée française.
Nous n'acceptons pas que la notion d'héroïsme soit liée à l'histoire de cet homme. Lors des guerres coloniales conduites par la France, les
vrais héros étaient ceux qui, dans les pays colonisés, luttaient pour la liberté et l'indépendance de leurs peuples, ceux qui, en métropole,
ont eu la lucidité de dénoncer ces conflits, si manifestement contraires au droit international, au droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et à l'intérêt même de la nation française.
L'objectif aurait été de réveiller les guerres mémorielles que les manipulateurs à l'origine de cette initiative ne s'y seraient pas pris autrement.
Nous exigeons que le gouvernement français renonce à cette initiative historiquement infondée, politiquement dangereuse et humainement scandaleuse.
Premiers signataires
- Salah Amokrane, militant associatif
- Mouloud Aounit, président d'honneur du MRAP
- Raymond Aubrac
- Josette Audin
- Sami Boumendjel
- Patrick Chamoiseau, écrivain
- Didier Deaninckx, écrivain
- François Gèze, éditeur
- Mohamed Harbi, historien
- Pierre Laurent, secrétaire national du PCF
- Anicet Le Pors, ancien ministre
- Alban Liechti, soldat du refus
- Noël Mamère, député Europe écologie les Verts
- Rosa Moussaoui, journaliste
- André Nouschi, historien, Professeur honoraire de l'Université
- André Roch, officier d'active en retraite
- Alain Ruscio, historien
- Pierre Tartakowsky, président de la LDH
- Sylvie Thénault, historienne
- Raphaël Vahé, président de l'Association républicaine des anciens
- combattants (ARAC)
- Françoise Vergès, politologue
Ont également signé cet appel :
- Samia Ammour, militante féministe
- François Asensi, député de la Seine-Saint-Denis
- Éliane Assassi, sénatrice de la Seine-Saint-Denis
- Catherine Ballestero, présidente de la fédération de Paris du MRAP
- Michel Berthelemy, secrétaire de l'Association Anciens d'Algérie et
- leurs ami(e)s contre la guerre
- Pierre Brocheux, historien
- Alain Brossat, professeur émérite de philosophie
- Christiane Chaulet-Achour, professeur des Universités
- Guillaume Chérel, écrivain
- Sharon Courtoux, Association Survie
- Nadir Dendoune, journaliste et auteur
- Philippe Dieudonné, vice-président de la LDH, Bouches-du-Rhône
- Yvan Donnat, syndicaliste, Association des pieds noirs progressistes
- Bernard Doray, psychanalyste
- Jean-Paul Faivre, chirurgien-dentiste, capitaine de réserve
- Patrick Farbiaz, association Sortir du Colonialisme
- Amal Fardeheb, secrétaire générale de l'association Ajouad Algérie Mémoires
- Jacques Fath, responsable des relations internationales au PCF
- René Gallissot, professeur émérite des Universités
- Jean-François Gavoury, Association nationale pour la protection de la
- mémoire des victimes de l'OAS (Anpromevo)
- Sébastien Jahan, historien, Université de Poitiers
- Mohamed Kacimi, écrivain
- Ahmed Koulakssis, historien
- Mehdi Lallaoui, réalisateur
- David Langlois-Mallet, journaliste
- Moussa Lebkiri, comédien
- Olivier Le Cour Grandmaison, politologue
- Patrick Le Hyaric, directeur de L'Humanité
- Pierre-Oscar Lévy, cinéaste
- Hélène Luc, sénatrice honoraire
- Gilles Manceron, historien
- Sophia Mappa, chercheure, universitaire
- Claire Mauss-Copeaux, historienne
- Gilbert Meynier, historien, professeur émérite de l'Université
- Jean-Yves Mollier, historien, professeur, Université Versailles-Saint-Quentin
- François Munier, président du conseil local de Nancy du MRAP
- Philippe Mussi, adjoint au maire de Valbonne Sophia Antipolis,
- conseiller régional
- François Nadiras, militant LDH, Toulon
- Roma Napoli, artiste plasticienne.
- Jean-Philippe Ould-Aoudia, Les Amis de Max Marchand, de Mouloud
- Feraoun et de leurs compagnons
- Bérangère Portalier, rédactrice en chef de Causette
- Henri Pouillot, témoin de la guerre d'Algérie, militant antiraciste,
- anticolonialiste
- Jean-Bernard Pouy, écrivain
- Jacques Pradel, président de l'association des Pieds noirs progressistes
- Yvon Quiniou, philosophe
- Annie Rey-Goldzeiguer, historienne, professeur, Université de Reims
- Jean-Louis Roy, médecin
- Frédéric Sarkis, association Sortir du colonialisme
- Rina Sherman, écrivain, cinéaste
- Charles Silvestre, journaliste, coordinateur de l'Appel des Douze
- Jean-Daniel Simon, cinéaste
- Valète Staraselski, écrivain
- Keltoum Staali, enseignante, journaliste, écrivain
- Irène Tautil, présidente d'ATTAC-Var
- Odile Tobner, Écrivain
- André Vareyon, Officier d'active en retraite
*Pour vous joindre à cet appel : nonabigeardauxinvalides.net